Il suffit de vivre ou se promener dans nos bourgs, nos villages ou hameaux, pour observer les volets clos - le plus souvent, voire toujours. Des résidents secondaires, nous en connaissons tous : des voisins, des bien connus ou pas du tout, des “fantômes“ même. Faire un rapide tour de la question ou un état des lieux est une tâche difficile, tant les aspects du phénomène sont nombreux. Il y a tant de types différents de résidences et de résidents !
Pour simplifier, on peut évoquer trois grandes catégories.
Notre région est “la moins chère de France“. Pour simplifier : un tiers des prix de la banlieue parisienne. Le rapport qualité-prix est encore bonifié par la tranquillité, la nature verte, l'eau et les loisirs. Les locataires d'une maison secondaire à l'année représentent un pourcentage marginal. Par contre, c'est remarquable aux yeux des professionnels, de nombreux résidents sont locataires de leur domicile, la maison secondaire constituant leur seul bien. Le côté affectif est là aussi évident : on s'intéresse souvent de plus près aux travaux, on choie particulièrement son logement, un peu comme une voiture de collection. Une majorité de résidents secondaires travaille encore, et la tranche des 45-50 ans domine. Ils viennent en vacances ou les week-ends. Pour 80 % de ces derniers, c'est un “aller-retour“. Quand les contraintes familiales changent (retraite, arrivée de petits-enfants, problèmes de santé...) la majorité vend ou revend.
Les données de l'Insee nous offrent un constat a priori étonnant : une habitation limousine sur cinq a un usage d’agrément. Plus encore : sur le plateau de Millevaches, la moitié des logements sont dans ce cas. Les spécialistes doutent cependant de la pertinence de ces chiffres, qui reposent pourtant sur les statistiques du recensement. Toujours selon l'Insee, le nombre de résidences secondaires en Limousin a doublé de 1968 à 1999. Et leur nombre continue à progresser. On parle alors de “surreprésentation“ de ces logements. Nous sommes situés en plein dans cette zone de “surreprésentation“. Voici ci-dessous une carte significative. Notre plateau s'y dessine très nettement, au centre de l'espace régional.
En gris, figurent les communes où le pourcentage est supérieur à 25 % de résidences secondaires sur l'ensemble des logements (les données datent de 2009). L'espace concerné s'étend sur une grande partie de la Creuse, et l'Est corrézien. Ce n'est donc pas une situation spécifique au Plateau. Pourtant ce dernier a un taux de résidences secondaires homogène, à l'exception des secteurs d'Aubusson, d'Ussel-Meymac et d'Eymoutiers. Mais sommes-nous là encore sur le plateau de Millevaches ? Autre débat...
Enfin, en noir, on voit les communes qui cumulent un pourcentage élevé de logements vacants, c'est-à-dire jamais occupés. Pour l'ensemble de l'espace limousin, il serait de 9 %. Il s'agit du taux le plus élevé du pays. Ce point soulève évidemment bien des questions.
Les professionnels soulignent ce caractère. Si on observe l'immobilier au niveau le plus bas, le marché des résidences secondaires représente au moins 40 % de l'activité des agences.
Mais au plus haut, il peut aller jusqu'à 80 %. Sans oublier qu'il existe aussi des transactions de particulier à particulier et les sites de petites annonces. Aspects difficilement quantifiables, sauf à percer les secrets notariaux. Il y eut bien une sorte de “ruée“ au début des années 2000, alimentée par un “repli“ des Britanniques vers des zones aux prix plus attractifs que la Dordogne ou la Charente. Il est facile de constater que, pour beaucoup d'entre eux, la résidence secondaire est devenue permanente.
Quant à l'artisanat, il est à l'évidence très dépendant de ce marché. Selon les branches, une fourchette de 40 à 60 % de l'activité semble raisonnable. Les artisans se disent satisfaits des relations avec le client, beaucoup moins exigeant que le client local, notamment au niveau des délais. Autre point remarquable : les Anglo-saxons achètent souvent ce qui est en mauvais état, mais rénovent eux-mêmes.
On peut s'interroger sur l'influence de ce marché sur le bâti lui-même : choix des matériaux, esthétique, aménagement intérieur, confort... Rien qui distingue notablement de la clientèle locale, sinon peut-être l'accès internet (la première question posée !). Les constructions neuves semblent aujourd'hui très... secondaires, dans l'activité.
Les résidents secondaires n'auraient-ils pas de demandes spécifiques ? On peut remarquer – mais cela ne les distingue sans doute pas sur le Plateau – qu'une majorité est préoccupée par les questions environnementales et la recherche d'une certaine pureté et qualité de vie. Ainsi, la piscine ouverte d'Eymoutiers serait peu fréquentée par les vacanciers, qui préfèrent l'eau des lacs.
Il y a quatre ans, les Suisses étaient appelés à une “votation“ suite à une “initiative populaire“ (dite initiative Franz Weber) intitulée : Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires (voir encadré). Le projet fut approuvé ! La Suisse a des traditions démocratiques originales. On ne peut s'empêcher de s'interroger sur ce que donnerait un tel référendum chez nous. Beaucoup de domiciliés – c'est comme çà qu'on appelait les Canadiens français (mais pas les indiens) - ont la même réaction de rejet des secondaires : niveau de vie supérieur, habitudes de consommation. Ce phénomène est récurrent dans les conversations, et participe du climat de suspicion envers les “étrangers“, le mot n'est pas trop fort et s'entend souvent. On leur reproche surtout une influence à la hausse sur les prix immobiliers. Phénomène bien réel mais en partie fantasmé. Plus largement, il s'agit sans doute d'un “fond limousin“, qui court à travers l'histoire : peur de l'autre, de la différence, de ne plus maîtriser son destin. Le (malheureusement) fameux : “Laissez-nous mourir en paix“ tagué à Gentioux en 2014 - même s'il visait les “néos“ - peut sans doute s'appliquer ici.
Le fait que les résidents secondaires participeraient peu à la vie locale est à étudier de plus près. Pourtant, ils manifestent souvent un certain attrait pour un milieu rural figé, qui n'existe sans doute plus, un certain folklore en quelque sorte.
Article rédigé grâce à l'aimable collaboration de Sophie Bertrand (architecte), Didier Auclair (agent immobilier), Sébastien Pichou (artisan), Fabrice Deveaux (diagnostiqueur énergie) et Thierry Barlet (résident secondaire).