Il n'existe pas de sondage sur le sujet, localement du moins, et çà tombe bien, je n'aime pas ça (IPNS Individu Persuadé Nocivité Sondages). Alors, quel biais ? Les cartes 1 et 2 sont très parlantes ; en voici une (carte 1). Le critère choisi est la part des non-résidents sur les listes électorales. Cela saute aux yeux : dans de nombreuses communes du Plateau, le nombre d'inscrits est supérieur au nombre d'habitants. Quand je dis habitants, je pense majeurs bien sûr. L'Insee garde ses statistiques communales précieusement. Courir après, c'est secondaire. En Creuse et en Corrèze, le pourcentage de moins de 18 ans recensés est de 17 % (en France 24 %). Je pensais qu'il était encore inférieur sur le Plateau. Des témoins crédibles me disent que non, ce serait l'inverse. Mais finalement, 15, 17 ou 20 %, cela ne change guère le regard et les interprétations. Pour près de la moitié des communes du Plateau – au sens (très) large - il y a 10 % d'électeurs en plus : 51 sur 112. Et pour 23 communes, ce pourcentage dépasse 20 %. C'est-à-dire 120 inscrits pour 100 résidents majeurs. Mais ces citoyens-là votent-ils ? Cela dépend évidemment du scrutin. Je postule que oui, sinon pourquoi s'inscrire là ? Ils pèsent donc, à l'évidence.
Si l'on compare cette carte aux résultats du plus récent scrutin (élections régionales de 2015, carte 2), on constatera, ce qui est une constante depuis longtemps, que plus on va vers l'Est, plus le vote à gauche diminue. Toutefois, on voit aussi que l'importance du vote “résidents secondaires“ suit l'évolution contraire. Pour préciser, j'ai choisi ... au hasard – si, si ! : le vote Front national. Non, en fait, pas par hasard. Mais parce qu'il s'agit d'un phénomène récent, qui bouleverse passablement notre paysage politique. C'est “révolutionnaire“ en quelque sorte !
En reprenant l'ensemble de l'espace Plateau, on observe que dans 23 communes, le vote FN reste inférieur à 15 % des suffrages exprimés (Veix et Augne : 4 %, Pradines : 5 %, Saint-Martin-Château : 7 %). Par contre, dans 50 communes il est supérieur à 20 % (Malleret : 41 %, Courteix : 39 %, Saint Rémy : 31 %). Communes trop petites pour être significatives penserez-vous ? Voyons plus grand : à Gentioux le FN fait 11,6 %, à Eymoutiers 14 %, à Peyrelevade : 15 %, à Felletin : 19 %, à Chamberet et à La Courtine : 24 %, à Merlines : 25 %. Les trois (ex) cantons où le vote FN est le plus fort sont aussi ceux qui ont le taux de résidents secondaires le plus élevé : Crocq, La Courtine et Eygurande.
Comparons donc ces fameux deux taux (vote FN et fort pourcentage de résidents secondaires) : 16 communes ont les deux supérieurs à 20 % : là, mon a priori se vérifie. Par contre, 13 communes ont un taux de résidents secondaires élevé (plus de 15 %), mais un vote FN assez bas (< 15 %) : mon option est démentie. Alors ? Match nul ? Voyons cela de plus près avec deux endroits très proches, sur le secteur de Vassivière : Saint-Martin-Château : R 2 (résultats du second tour) = + 16 %, FN = 7 %. Saint-Pardoux-Morterolles : R 2 = + 22 %, FN = 21%. Les choses sont donc plus compliquées qu'elles en ont l'air. Chacun voudra donc bien regarder sa lorgnette comme il veut. Je vous laisse réfléchir à... chez vous2. Plus qu'une conclusion impossible, voici deux réflexions glanées pour cet article : « Ici, ce sont les jeunes désoeuvrés, et les pauvres, les ruraux se sentant abandonnés, qui votent FN. Par rejet, des gens d'ailleurs, des « étrangers », parmi lesquels les résidents secondaires ». « Là, les gens d'ici votent à gauche. Ce sont les citadins, les petits bourgeois et les riches qui votent FN. » Allez-y comprendre quelque chose !
Michel Patinaud