Journal IPNS Journal IPNS
  • Présentation
  • Les numéros
  • Les articles
  • Abonnement
  • Chroniques
  • Lectures
  • Dossiers
    • 80 ans après la guerre d’Espagne
    • Autour des centres d’accueil pour demandeurs d’asile
    • Bonjour la nuit
    • Comment ré-habiter les centres bourgs ?
    • Communauté de communes
    • Elections municipales 2008
    • Elections municipales 2014
    • Entreprendre collectivement
    • État de l’eau sur le plateau
    • Exilés, solidarités sur un plateau et au-delà
    • Fin programmée des feuillus sur le plateau
    • Il court, il court, le circuit court
    • Innovation sociale ou précarisation des conditions de travail
    • La forêt
    • La montagne Limousine, une forêt habitée ?
    • L'énergie du plateau : l'hydro-électricité
    • L'éducation en question
    • Lenoir est le brun
    • Les municipales
    • Les sections, nos propriétés collectives ignorées
    • Lettre ouverte à la préfète de la Creuse
    • Limousin rebelle
    • Logement
    • Loup y-es tu ?
    • L'usine de la discorde
    • Millevaches, territoire en mouvement
    • Mobilité, se déplacer autrement
    • Notre forêt pour demain n°1
    • Notre forêt pour demain n°2
    • Pauvreté et solidarité rurales
    • Porcherie
    • PNR : cris et chuchotements...
    • PNR de Millevaches en Limousin : Vous avez dit contrat ?
    • Produire local, une nécessité
    • Quand le plateau donne des boutons à Limoges
    • Quel pouvoir des habitants sur leur environnement ?
    • Réforme territoriale
    • Résidences secondaires
    • Uranium : un limousin très enrichi
    • Usines à viande, à tomates, à pellets : mêmes lubies, mêmes impasses !
    • Vassivière, vers un despotisme territorial

La démocratie locale c’est pas de la tarte !

Réduire Augmenter Taille de la police
Bouton imprimer
Date
jeudi 1 mars 2012 11:30
Numéro de journal
38
Auteur(s)
Maryse Dupont
Visite(s)
3453 visite(s)

Parler politique est-ce toujours parler démocratie ? Bien sûr que non et le dossier de notre dernier numéro sur la politique limousine vue de Limoges, le montrait assez bien. Quelques-uns de nos lecteurs ont trouvé notre ton pas assez policé et nos affirmations un peu péremptoires, regrettant même que les élus incriminés n’aient pas pu s’exprimer... C’est vrai qu’à la langue de bois que nous aurions alors cueillie, nous avons préféré décrypter un fonctionnement que personne au demeurant n’a contredit. Les échos que nous avons reçus abondent au contraire dans notre sens : “On sait bien que ça fonctionne comme ça !“ nous a-t-on dit, y compris de la part de personnes à même de juger les fonctionnements internes de certaines assemblées de la région. Mais pour nous, c’est toujours mieux en le disant !
Nous proposons dans ce numéro de poursuivre la réflexion sur cette question, à partir de l’entretien que nous a accordé Maryse Dupont, maire de Rempnat en Haute-Vienne, et du témoignage de Julien Dupoux, un étudiant en géographie qui commence un travail sur la question du “pouvoir de la population“ sur le plateau.

 

Maryse Dupont, maire de Rempnat : “La critique ne se conçoit pas autour de la table, mais seulement dans les couloirs “

 

maryse dupontMaryse Dupont, votre commune appartient à la communauté de communes des Portes de Vassivière qui rassemble les 12 communes du canton d’Eymoutiers. Le mois dernier, vous avez adressé une lettre ouverte à tous vos collègues maires pour dénoncer un fonctionnement que vous jugez non démocratique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous en êtes arrivée là ?

Mon expérience, en tant que maire, et donc représentante de ma commune dans la communauté des Portes de Vassivière, s’est déroulée selon différentes étapes.

Au tout début, je tiens à dire que je m’y suis engagée avec motivation et respect pour mes collègues élus, avec curiosité aussi et sans a priori. Si quelques réticences avaient légitimement été exprimées par certaines communes, pour ma part, je tenais à me faire ma propre opinion, et je voulais croire à la bonne volonté des élus en faveur du territoire dans sa globalité. Je comptais bien aussi conserver mon esprit critique et ma liberté de parole, quitte à ce qu’ils passent pour de la naïveté.

Au bout de quelques mois, j’avais déjà quelques interrogations par rapport au fonctionnement et à l’attitude quelque peu arrogante de certains élus, principalement d’Eymoutiers, et détenteurs des pouvoirs exécutifs. Dans cette ambiance peu propice à la convivialité, bien que l’esprit de solidarité soit prôné avec emphase par les mêmes élus, les rivalités entre communes, au lieu de s’atténuer ne faisaient que s’amplifier.

Après environ une année d’observation, j’ai commencé à intervenir et à poser quelques questions sur le manque de concertation et de débat avant les prises de décision, le manque de partage dans le travail (sous-entendu : la concentration des pouvoirs aux mains d’une oligarchie d’élus).

 

Quelle conception d’une communauté de communes avaient donc mes collègues élus ? Pourquoi les sujets de fond n’étaient- ils jamais abordés ? Le plus surprenant, pour moi, a été, à ce moment, de découvrir que je me retrouvais le plus souvent seule à m’exprimer ouvertement. La critique ne se conçoit pas autour de la table, mais dans les couloirs ou dehors. Les réactions sont devenues alors de plus en plus agressives et méprisantes quand il s’est agit d’écouter mes critiques ou de prendre en compte mes demandes.

 

Pouvez-vous donner quelques exemples concrets de cette situation ?

Par exemple, il y a eu un refus catégorique face à mes demandes d’aide dans le domaine du logement, pour ma commune. La formulation de cette compétence dans les statuts de la communauté a même été modifiée ensuite, pour éviter que je puisse réitérer ma demande. Le refus m’a été notifié sans aucune étude ni réflexion préalables, seul l’argument que “le rôle de la Communauté n’était pas d’acheter toutes les ruines du territoire“ m’a été opposé... alors que ma proposition concernait une maison habitable de suite ! Mes tentatives de plus amples explications n’ont pas retenu l’attention de qui que ce soit.

De manière plus générale, il y a un manque total de transparence dans l’organisation interne : les différentes commissions sont présidées par différents élus, pour la majorité vices présidents, issus de différentes communes, mais dans la réalité tout se passe dans le petit microcosme de la mairie d’Eymoutiers, où l’on peut penser que seuls les délégués issus de cette commune ont toute la latitude pour contrôler les dossiers et recevoir en direct les informations. La confusion entre Communauté et commune d’Eymoutiers est sans cesse entretenue par le simple fait que les locaux des deux collectivités se confondent et sont situés dans le bâtiment de la mairie d’Eymoutiers. Les réunions communautaires ont toutes lieu à cet endroit, dans les différents bureaux de la mairie et salle du conseil municipal. Les arguments essentiels à cet état de faits sont financiers et logistiques.

 

 Les valeurs de solidarité, de collégialité et de démocratie, qui sont dans tous les discours, ne sont dans les faits qu’une façade et une mascarade.

 

Mais lorsqu’il y a des décisions à prendre n’y a-t-il pas des votes ?

bouche cousueLe domaine particulier des embauches est significatif à cet égard : aucune offre d’emploi à pourvoir dans la communauté n’est diffusée dans les communes et le choix des personnes recrutées est exclusivement fait par le président (maire d’Eymoutiers), avec parfois l’appui d’un des vices présidents, issu de cette même commune. J’ai tenté de demander la création d’une commission de recrutement, demande très mal accueillie, car susceptible de “remettre en cause l’honnêteté du président“... La seule amélioration dans ce domaine a été dernièrement l’embauche du nouveau directeur avec l’avis de plusieurs vices présidents. C’est la première fois en 8 ans !

 

Un autre exemple : le vote du délégué communautaire (un élu d’Eymoutiers) au comité syndical du Parc naturel régional. Il a voté en faveur du retrait du conseil général de la Haute-Vienne, sans débat préalable en réunion de la communauté de communes, et en contradiction avec les votes respectifs des communes membres ! A mes questions, ce délégué a répondu en prétendant connaître mieux que tous les autres, les enjeux du problème et le PNR en général, et en considérant “qu’il avait agit dans l’intérêt du parc, sans avoir besoin de consulter les représentants des communes“ : fin du débat ! Le président approuve, les autres suivent ou se taisent. Du reste le PNR ne figure jamais à l’ordre du jour des réunions. Ce sujet n’est abordé que dans les “questions diverses“, si quelqu’un le demande.

Dans le domaine culturel, il y a des épisodes similaires dans le fonctionnement de la commission musique, de laquelle j’ai démissionné l’an dernier toujours pour les mêmes motifs : aucune concertation, rétention d’informations, etc... Je m’occupais depuis plus de dix ans de l’école de musique, devenue communautaire en 2009.

 

Cette situation vous a amené à écrire à tous vos collègues maires...

J’en suis arrivée d’abord, début 2011, à “boycotter“ toutes les réunions communautaires pendant cinq ou six mois, après l’envoi d’un courrier expliquant mes raisons, ceci dans l’indifférence générale. Si la monopolisation des pouvoirs et toutes ses conséquences représentent un grave dysfonctionnement, le manque de réaction officielle de la part des autres élus est également très inquiétant. Les seules explications apparentes que je trouve face au mutisme et à la passivité affichés de ces élus, seraient trop caricaturales et accablantes ; mais pour certains le carcan politique est une réalité tenace.

Ce triste constat est à l’opposé de ma conception du rôle d’élu au sein d’une communauté de communes. Les valeurs de solidarité, de collégialité et de démocratie, qui sont dans tous les discours, ne sont dans les faits qu’une façade et une mascarade. La vision du territoire dans son ensemble est inexistante. Son caractère rural avec ses particularités et notamment son appartenance en partie au plateau de Millevaches, sont déniés.

Mon intention n’est pas de tout juger, ni de dire que j’ai raison sur tout. Mais l’isolement dans lequel on me cantonne aujourd’hui a toutes les apparences d’une stratégie destinée à ne pas répondre aux questions qui dérangent... Ce sont toutes ces constatations, que je trouve insupportables et catastrophiques pour l’avenir de notre territoire rural, et qui s’apparentent si étroitement aux méthodes du conseil général de la Haute-Vienne, qui m’ont poussée en janvier dernier, à écrire une lettre ouverte aux élus (voir ci-contre).

 

Comment les autres maires ont-ils réagi à ce courrier ?

Je n’ai reçu, à ce jour, aucune réponse d’aucune sorte, si ce n’est par compte rendu de réunion interposé. C’est en effet la méthode utilisée par le président de la communauté de communes, qui n’a jamais répondu à aucun de mes courriers, mais qui se sert des comptes rendus de réunion du bureau communautaire pour s’exprimer, de manière détournée. On peut y lire au sujet de la “Lettre de Maryse Dupont adressée aux conseillers communautaires“ que “le Président indique qu’il avait inscrit cette lettre à l’ordre du jour car il voulait proposer une analyse collective de cette lettre, chacun pouvant intervenir à tous moments. Il tient à ne pas cacher son écoeurement face à ce déferlement de fiel, face à une telle acrimonie. Le Président ajoute qu’il pense avoir été conciliant et patient mais que devant ce tissu d’insultes et cette avalanche de leçons données il n’a pas l’intention, pour ce qui le concerne, de continuer à prendre des coups sans rien dire. Mais en l’absence de Maryse Dupont, il ne veut épiloguer pour l’instant et souhaite donc repousser ce débat.“ Il me semble que cette “réponse“ parle d’elle même et montre comment sont traités les maires “récalcitrants“.

 

concertation

 

La lettre ouverte de Maryse Dupont à ces collègues 
“Il y a toujours un auditoire pour écouter sagement, donner sans broncher son accord de principe, et surtout, en définitive pour se taire."

“Cela fait presque deux ans que j’appelle de mes vœux un véritable changement dans les méthodes de travail et les orientations de notre Communauté de communes. Malgré la déception qui a suivi mes diverses démarches, j’ai continué à participer aux réunions et à me tenir informée des dossiers en cours. Aujourd’hui, je constate encore avec regret, que les évolutions et les améliorations espérées sont insignifiantes et très incertaines, et qu’en règle générale, personne n’est prêt à mettre de côté ses prérogatives pour l’intérêt commun.
Dans ce contexte, je viens vous faire part de mes grandes inquiétudes pour l’avenir de notre territoire rural dans sa globalité, qui semble voué à une destruction méthodique face à laquelle “notre“ résistance paraît bien timide. Cette frilosité n’est pas la réponse qu’on serait en droit d’attendre de la part d’élus qui prétendent le défendre activement.
Mon propos n’est pas de nier les compétences et le travail de ceux qui s’impliquent dans les réalisations et les projets de la Communauté. Je ne souhaite pas non plus revenir sur les détails des conflits ou désaccords qui ont émaillé notre vie communautaire pendant la période écoulée et qui se sont soldés par une détérioration du climat de confiance entre les communes, sans réelle avancée positive.
C’est une autre vision que je voudrais vous transmettre, ma vision personnelle qui n’engage que moi ; mais que je crois partagée par certains d’entre nous, qui ne trouvent pas la volonté ou la possibilité de l’exprimer. Ainsi, comme j’ai essayé de le dire à maintes reprises, c’est le plus souvent la conception même de la notion de Communauté qui est à l’origine de nos divergences.
Les mêmes difficultés, par manque de concertation et de partage, se renouvellent à chaque occasion. Pourtant, dans nos assemblées, nous continuons à recevoir des leçons en tous genres, et même des leçons de solidarité et d’esprit communautaire de la part de ceux qui pensent sans doute en détenir le monopole, mais qui ne semblent pas pour autant, s’interroger sur leurs propres façons de les appliquer !
Et dans cette situation, pour le moins discutable, il y a toujours un auditoire pour écouter sagement, donner sans broncher son accord de principe, et surtout, en définitive pour se taire. On peut ajouter à ce tableau les vieilles rivalités politiques de bas étage, auxquelles beaucoup d’entre nous sont complètement étrangers, mais qui constituent toujours l’ultime obstacle à toute possibilité d’entente et de débat, et ce qui est pire, aux actions que quelquefois il ne faudrait pas avoir peur de mener.
Permettez-moi de vous dire que ce n’est pas ainsi que je conçois notre engagement d’élus et à quel point je trouve tout cela affligeant pour la démocratie et inquiétant pour notre territoire. Ce territoire, auquel nous sommes tous très attachés, a évolué malgré de nombreuses entraves : l’exemple de sa population qui s’est renouvelée et diversifiée, et qui en fait une des richesses, est pour moi significatif. En tant qu’élus, je pense que nous ferions une grave erreur de ne pas en tenir compte, et nos modes de fonctionnement ne peuvent rester figés dans la méfiance ou le mépris vis- à-vis de ceux qui auraient sans aucun doute beaucoup de choses à nous apporter.
Malgré les beaux discours que j’ai pu ici ou là entendre, je ne vois pas dans la réalité les actes qui s’y rapportent. A ceux qui les ont prononcés, parfois avec arrogance, je voudrais répondre ceci : alors que vous constatez comme chacun de nous, les graves régressions sociales et les absurdités de l’époque tourmentée que nous traversons, avec, je le répète, la mort programmée de notre ruralité, vous ne pouvez vous contenter de rester tranquillement sur vos positions, dans le confort de vos certitudes. Ce conformisme et cet égocentrisme qui vous poussent à des comportements étriqués et fermés, sont à l’image de notre vieux Limousin qui se meurt à petit feu… alors que des forces vives sont là ! Sont-elles par hasard trop vives pour vous ?
Je vous fais grâce du reste de mes états d’âme qui ne vous ont pas beaucoup dérangés jusqu’à présent, et je préfère conclure en vous laissant réfléchir sur cette phrase qui ne date pas d’hier : “Là où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont apporté la paix.“ (Tacite, Vie d’Agricola).
Je vous souhaite d’avoir encore le temps de méditer.“ 
Maryse Dupont
Rempnat, le 25 janvier 2012
  • Thème
    Démocratie
  • Portes de vassivière | élu | pouvoir | Rempnat | communauté de communes | démocratie | Eymoutiers
  • Accueil
  • Lettre d'information
  • Contact
  • Liens sur la région
  • Glossaire
  • Blaireaux

IPNS - 23340 Faux-la-Montagne - ISSN 2110-5758 - contact@journal-ipns.org
Journal d'information et de débat du plateau de Millevaches - Publication papier trimestrielle.

Accompagnement et hébergement : association info Limousin

Bootstrap is a front-end framework of Twitter, Inc. Code licensed under MIT License. Font Awesome font licensed under SIL OFL 1.1.