Malgré l’opposition des habitants du Vignaud, d’Anzême et des communes avoisinantes, de leurs maires et de leurs conseillers municipaux ainsi que de la communauté d’agglomération du Grand Guéret, Areva a exécuté la commande de la préfecture et déposé sur un site inapproprié quantité de camions de déchets miniers radioactifs jusqu’à 0,9 msvt, faussement appelés “stériles“. À vrai dire, seulement 3 conseils municipaux sur les 10 concernés (Anzême, la Celle et Bussière Dunoise) ont officiellement pris position contre ces dépôts. Les élus sont en effet partagés entre l’obligation légale de regrouper ces déchets dangereux et une solution satisfaisante aux normes de sécurité.
On peut dénoncer en tous cas la manière totalement irrespectueuse de procéder d’Areva. En effet, l’entreprise a d’abord annoncé en réunion publique, en 2016, qu’elle ne passerait pas outre l’avis de la population, pourtant totalement opposée au stockage de ces déchets. Stratégie de communication, puisque la loi fait obligation à Areva de déstocker ses zones dangereuses pour les regrouper.
En janvier 2017 la Préfecture a promis au maire d’ Anzême, Alain Favière, une réunion publique pour expliquer à la population ce qu’elle comptait faire. Mais brusquement, sans tenir compte de ces engagements, et bien que les personnes présentes aient tenté d’empêcher les camions d’entrer sur le site, Aréva a déversé 1 269 m3 de déchets qui s’ajoutent aux 2 000 m3 déjà présents sur place, dont du minerai. Et les choses risquent de ne pas s’arrêter là, puisque l’arrété préfectoral autorise 10 000 m3 de déchets sur ce site !
Nous avons été jusqu’à une cinquantaine à défier les gendarmes un certain jeudi et, nous sommes plusieurs à le penser, avons, grâce à cette présence déterminée, permis finalement la tenue d’une réunion à la préfecture avec de nombreux élus d’ Anzême, des communes voisines et, plus largement, du département (député, sénateurs, élus du Grand Guéret). Cependant le préfet a refusé de recevoir les associations telles Sources et Rivières du Limousin, Oui à l’avenir, ou Stopmines23 .
Pourquoi ces déchets ne sont-ils pas “stériles“ ?
Ces déchets contiennent de la radioactivité, certains à des doses faibles, ce qui ne signifie pas inoffensives, d’autres à des doses beaucoup plus élevées. Les mesures effectuées près des camions étaient convaincantes. Ils sont de toute façon reconnus dangereux, puisqu’il faut les enlever des endroits où ils ont été jusqu’alors entreposés ou utilisés. En effet, après l’arrêt de l’extraction minière au début des années 1960, les restes de minerai non exploité ont été laissés à la libre utilisation des habitants et des communes. Pour exemple, le parking et l’accès à l’écomusée de la Tuilerie de Pouligny a été décaissé il y a quelques années pour sa dangerosité. Par quel miracle donc ces déchets deviendraient-ils inoffensifs une fois stockés en grande quantité en un seul endroit, sans aucune précaution particulière, moins que pour de simples ordures ménagères ?
Un imbroglio juridique nous fait penser qu’Aréva a saisi là une faille à son avantage. Exploitée entre 1958 et 1962, la mine du Vignaud n’a jamais eu d’autorisation d’exploitation. Plus aucune “police des mines“ ne s’applique sur ce site depuis 1964. Répondant à la commande de l’État, Areva se permet donc de stocker là, à bas coût, des déchets éparpillés sur les communes du nord de la Creuse. Le peu de population leur a peut-être fait penser que ce serait facile ! La même situation en Corrèze a donné lieu à une enquête publique et la mobilisation locale y a jusque-là empêché le stockage.
Un captage important qui alimente en eau 10 communes et une partie de Guéret en cas de sécheresse, se situe en contre-bas à 1,2 km. La Creuse et ses nombreux ruisseaux (le premier à 400 m) coulent tout près. Comment imaginer que le ruissellement et les infiltrations ne transporteront pas la radioactivité qui est soluble dans la terre et l’eau, même si les premiers mètres cubes de déchets ont été recouverts d’une couche de terre ? À la demande d’un collectif d’habitants, un pédologue est venu étudier le sol pour évaluer ce risque et ses conclusions sont sans équivoque. N’oublions pas que l’uranium est soluble dans l’eau et que sa toxicité est identique au plomb.
De plus, le site du Vignaud est truffé de galeries de mines souterraines de 30 à 40 m de profondeur (les anciens parlent de 2 à 3 km de galeries). C‘est un des rares sites à ne pas avoir été exploité à ciel ouvert. Les résurgences prévisibles (Areva affirme qu’il n’y a pas d’eaux d’exhaure) toucheront le bassin versant en amont du barrage des Chezelles et en amont du barrage de l’Âge, plus connu pour être la plage du Bourg-d’Hem, du village vacances et du camping... Cette région, le Pays des trois lacs, est aujourd’hui l’amont de la Vallée des Peintres dont la promotion est sensée rééquilibrer le tourisme en Creuse par rapport au pôle sud que constitue Vassivière.
Le risque est bien sûr dans l’accumulation sédimentaire sur des barrages dont la vocation touristique était initialement (1986) la justification économique qu’en faisaient les communes pour accepter que cette vallée soit inondée sous 6 à 15 m d’eau.
Conformément au code de l’Environnement, nous estimons qu’à minima un regroupement des déchets miniers sur un site contrôlé ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement) est nécessaire. Dans la situation actuelle, le site d’Anzême pourrait sortir de tout contrôle fin 2018 ! C’est aujourd’hui la stratégie d’Areva et ce pourquoi nous devons rester mobilisés. En réalité, aucune solution satisfaisante pour l’environnement et pour la santé n’existe pour ce genre de déchets. C’est toute la filière nucléaire qu’il est urgent d’arrêter pour éviter d’avoir à résoudre des problèmes... insolubles !
Jean Claude Toueix et Pierrette Bidon