Le Lynx boréal (Lynx lynx) est la plus grande des 4 espèces de lynx qui existent dans le monde. Son immense aire de répartition s’étend de l’Europe jusqu’aux confins de l’Asie orientale, des forêts les plus nordiques jusqu’aux zones méditerranéennes et steppiques. Avec le Chat forestier (Felis sylvestris), il est l’une des deux espèces de félins sauvages présentes en France.
Le lynx se caractérise par une taille assez grande, un corps élancé haut sur pattes, et une queue particulièrement courte. Le museau est court, conférant une face plutôt aplatie, encadrée de franges de longs poils : les favoris. Ses oreilles, typiques, se terminent en un pinceau de poils. Toutes ces caractéristiques le distinguent de notre Chat domestique et du Chat forestier, deux espèces beaucoup plus petites. Le Lynx boréal mesure en effet de 50 à 75 cm au garrot, pour une longueur de 90 cm à 1m20 (corps sans la queue). Il pèse une vingtaine de kilogrammes, les mâles pouvant parfois atteindre jusqu’à une trentaine de kilogrammes. C’est donc un félin bien plus grand que notre Chat domestique. Il ne doit pas non plus être confondu avec le Chat forestier, appelé aussi Chat sauvage, espèce très proche du Chat domestique. Le Chat forestier est en effet bien présent à l’état naturel sur l’Est du Limousin, en particulier sur le Plateau de Millevaches. Le gabarit du lynx se rapproche plutôt de celui d’un chevreuil ou d’un berger allemand.
Présent sur une très grande zone géographique, le Lynx boréal s’est adapté à des climats et des paysages variés. En Europe de l’Ouest comme en bien d’autres lieux, c’est avant tout un animal forestier. La forêt lui procure abris et terrains de chasse. C’est également une espèce particulièrement bien adaptée au froid. Sa fourrure est très chaude, et ses larges pattes lui permettent d’avancer aisément sur les sols enneigés. Grand prédateur, le lynx préfère les proies de grande taille, au premier rang desquelles figurent les ongulés : chamois, faons de cerfs, et surtout chevreuil. Il capture également des espèces plus petites telles que lièvres, oiseaux, ou d’autres carnivores comme la fouine et le renard.
En France comme ailleurs en Europe, le Lynx boréal fut persécuté par l’homme durant des siècles. Ainsi, il disparut de la majeure partie du pays au cours du XIXe et du XXe siècle, à cause de la chasse (à des fins de destruction) et de la déforestation. Seuls quelques individus survécurent dans les Pyrénées, où la présence de l’espèce est aujourd’hui encore peu connue. En Suisse, l’espèce ayant été également détruite, elle fut réintroduite au début des années 1970 à partir d’individus originaires des Carpates slovaques. Cette population se développa, puis franchit la frontière pour s’étendre au Jura et aux Alpes. Actuellement, la population du Jura est en bonne santé. Elle serait composée de 75 à 110 individus (chiffres de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage). La population nord-alpine atteindrait quant à elle 15 à 20 individus (ONCFS). Ces deux populations, connectées entre elles, sont en expansion géographique. Des observations récentes et régulières démontrent la colonisation progressive du sud des Alpes. Quelques années après la réintroduction effectuée en Suisse, un nouveau projet de réintroduction vit le jour dans les Vosges. 21 lynx, originaires également de l’ex-Tchécoslovaquie, furent relâchés dans les années 1980. Une petite population se développa malgré le faible nombre d’individus relâchés. Seuls 10 de ces 21 lynx sont à l’origine de la trentaine de lynx présents dans les Vosges aujourd’hui (ONCFS), les autres étant morts avant d’avoir pu se reproduire (braconnage, collisions dues au trafic routier, etc.). Les spécialistes espèrent découvrir des lynx dans la zone située entre les Vosges et le Jura, ce qui prouverait la connexion entre les deux populations, et limiterait le risque de consanguinité.
Et le Massif Central dans cette histoire ? Le réseau Lynx, piloté par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, suit l’espèce en France, tant au niveau des populations connues (Jura, Alpes, Vosges) que sur le front de colonisation. Des informations circulent déjà sur la présence du lynx dans le Massif Central, mais il n’existe guère de preuve formelle reconnue par le réseau. La présence du lynx est ainsi suspectée en Lozère (Cévennes, Margeride, Aubrac), dans les Monts et plateaux du Vivarais (Ardèche et Haute-Loire) et les Monts du Forez (Loire et Puy-de-Dôme). Des données présentées comme “très mal documentées“ existeraient aussi dans les Monts du Cantal et… sur la Montagne Limousine ! Plusieurs personnes affirment avoir vu l’espèce sur le Plateau de Millevaches. Si certaines fois, la confusion avec un chat ou un autre animal a pu être mise en évidence, d’autres informations paraissent vraisemblables…
Les observations réalisées dans le Massif Central semblent pour l’instant correspondre à des individus isolés. Dans tous les cas, il est évident que ce vaste massif montagneux présente de nombreux attraits pour le lynx : fortes populations de proies (chevreuil), grandes surfaces forestières, faible densité humaine… Dans l’hypothèse où les lynx du Jura et des Alpes n’auraient pas déjà atteint le Massif Central, ce n’est probablement qu’une question de temps. Un jour prochain sans doute, la présence du lynx sera avérée dans les forêts limousines, et nous aurons alors des raisons de nous réjouir. Ce sera une preuve de bonne santé de notre environnement régional. La diversité de nos forêts s’en trouvera enrichie. Certes, il faudra accompagner au mieux les éleveurs ovins, car il arrive qu’un lynx s’en prenne à un mouton. Les chiens de protection sont d’ailleurs très efficaces face à ce prédateur. N’oublions pas que le lynx sera un facteur d’équilibre pour les milieux naturels, car il régule les populations d’ongulés (chevreuils et cerfs), responsables aujourd’hui de certains dégâts à l’agriculture et à la sylviculture. Et surtout, nos forêts auront gagné une part de mystère, celle apportée par la présence de l’énigmatique grand félin.
Si vous avez des témoignages sur une observation de lynx en Limousin, merci de contacter le Groupe Mammalogique et Herpéthologique du Limousin (GMHL) par téléphone au 05 55 32 43 73 ou via le site : http://gmhl.asso.fr/.
Anthony Virondeau