Insatisfaits de leur vie urbaine et professionnelle, Christophe Le Gal et sa compagne Carole, décident de changer de vie. Avec une récente formation en maraîchage pour elle, et de cuisinier pour lui, ils se mettent en quête d’une ferme pour s’installer en maraîchage bio, transformer les produits et accueillir du public. Après plusieurs années de recherche, ils tombent sur une petite annonce : “petite ferme, 6 hectares d’un seul tenant, maison et bâtiment pour projet maraîchage bio ou chèvre“. Tout en entamant des démarches auprès du propriétaire, ils font des recherches pour vérifier qu’ils ne se trompent pas sur leur éventuelle venue ici. En parcourant des données du Bureau de Recherches Géologiques et Minières, Christophe découvre qu’il y a, à quelques centaines de mètres de la ferme, une ancienne mine d’uranium : La Bréjade. S’en suit alors une longue enquête sur la compatibilité de cette mine avec leur projet.
Christophe se souvient : “La présence de la mine ne nous faisait pas trop peur à partir du moment où il n’y aurait pas de risques avec des stériles ni de contamination des eaux. Quand on est venu visiter on n’avait pas beaucoup d’éléments de réponse. Les propriétaires savaient que leur ancêtre avait ‘’mis à disposition’’ une concession pour exploitation de la mine. Mais ni eux ni les gens alentour ne savaient s’il y avait des stériles mis en remblais à droite et à gauche“. Concernant la présence de sources traversant les prairies et ayant potentiellement pu être en contact avec les travaux miniers souterrains : “C’est très difficile de déterminer si le bassin versant est plutôt du côté de la ferme ou de l’autre côté, parce que la mine est sur la limite des bassins versants, et l’eau passe là où le granit peut la laisser passer. Donc elle peut très bien aller d’un côté comme de l’autre“.
Malgré tout, Christophe obtient des données supplémentaires auprès de la DRIRE qui, dit-il “a joué le jeu de l’information et du service public“. Cependant ces informations ne sont autres que celles fournies à la DRIRE par Areva NC. Pour Christophe, “Les services de l’Etat étaient plutôt rassurants. Vues les quantités qui ont été extraites et le mode de gestion qu’il y avait sur cette mine, il n’y aurait pas eu beaucoup de stériles diffusés autour de la mine. Par contre à propos du réseau hydrographique, et de ses méandres, il n’y avait aucune certitude“. Même s’ils ne se voient pas s’engager sur cette ferme avec des frais d’un hydrogéologue, Christophe et Carole décident tout de même de déménager avec leurs enfants dans le bourg voisin, en mai 2009.
Puisque la faiblesse des informations ne lui donnent aucune certitude, Christophe fait des tests avec un petit compteur Geiger sur les bâtiments de la ferme, les parcelles, ainsi que dans le bourg de Meyrignac-l’Eglise. Il ne détecte rien d’anormal, hormis quelques valeurs un peu élevées dans la cave. L’absence d’une dissémination de stériles miniers sur la ferme lui semble alors acquis. Toutefois sur le site de la Bréjade, il relève entre 5 à 10 fois le bruit de fond ambiant. Quant à l’éventuelle contamination de l’eau, elle n’est pas détectable avec un compteur Geiger.
Au fil de ses recherches, Christophe finit par comprendre que l’arrivée d’eau de la ferme provient d’une source captée et non du réseau de l’eau de ville : “Qui dit source captée dit analyses pour se mettre en conformité pour notre activité avec des normes de distribution d’eau par arrêté préfectoral. Les analyses doivent alors prendre en compte d’éventuelles contaminations bactériologiques et minérales, notamment les isotopes radioactifs. Çà a un coût de l’ordre de 1000 à 1500 euros par an. On a juste eu une analyse minimum (streptocoque…) mais insuffisante pour monter notre dossier en vue de distribuer nous mêmes une eau potable au public “.
Mesure de radioactivité à la mine de la Bréjade au niveau d’une bouse de vache. 27 fois la radioactivité que l’on devrait trouver naturellement. (associations “Corrèze environnement“ et “Oui à l’avenir“).
Christophe contacte alors la DDASS, où on le dissuade de prendre une ferme à cet endroit là car “C’est un risque important. Là on est sur des éléments très toxiques, mais très faciles à traiter à la source par ventilation de l’eau qui permet d’extraire le radon. Tout çà a un coût“. L’alternative est la suivante : soit la source captée est mise aux normes par le propriétaire, soit le raccordement au réseau d’eau de ville est pris en charge par la collectivité. Pour le maire, “il n’est pas question de plomber le budget de la commune (53 habitants) pour une ferme qui est à 2,5 km du réseau d’eau de ville“. Mais pour Christophe, il est hors de question de partir sur des analyses coûteuses alors qu’il n’est même pas encore locataire : “C’est le problème du propriétaire que de mettre à disposition de son fermier des bâtiments, de l’eau, conformes à des normes en vigueur. Donc on en arrive à une impasse. C’est une des raisons pour lesquelles on ne va pas s’installer là car on n’a toujours pas de réponse sur l’eau“.
Quand bien même il aurait éliminé tous les risques de contamination, il reste une question de taille : “Pour notre activité d’accueil du public, on ne peut pas faire comme si on n’habitait pas à côté d’une ancienne mine. L’occulter, c’est ne pas donner tous les éléments de choix à des gens qui viendraient chez nous pour passer un séjour. La moindre des choses c’est de pouvoir dire, tout va bien, c’est sans risque“. Pour le moment puisqu’il n’est sûr de rien, Christophe suit l’adage : “Dans le doute abstiens-toi“.
Jean-Pierre Minne