On en parle plus qu’on ne le pratique... Le co-voiturage n’est pas sans poser nombre de difficultés et de contraintes auxquelles notre utilisation de la voiture nous a jusqu’à maintenant peu préparés. Les initiatives prises ici ou là ne débouchent pas sur les espoirs qu’on y mettait et les trajets en solo ou avec une voiture à moitié vide sont encore bien nombreux. Le co-voiturage fonctionne à peu près bien sur les longues distances prévues à l’avance (je vais à Paris samedi prochain, je fais un aller retour Limoges Toulouse dans un mois) ou sur les trajets réguliers et répétés (je travaille tous les jours à Ussel et prends chaque jour le même trajet à la même heure). Mais pour les autres déplacements c’est beaucoup moins facile.
Le site Millevaches.net a mis au point un système d’annonces de covoiturage qui “marchotte“ selon le mot d’un de ses créateurs. L’outil a été monté, mais il est peu ou mal utilisé. Ses promoteurs sont bien conscients qu’il faudrait impulser de manière très volontariste une dynamique locale autour du covoiturage si l’on voulait aller plus loin. Animer le site, créer un fichier de conducteurs, les relancer, inciter chacun à inscrire ses trajets, faire acquérir le réflexe “co-voiturage“... On en est loin.
Peut-être est-il plus facile dans un premier temps d’explorer une autre piste : celle de l’autopartage. Qu’un même véhicule puisse servir à plusieurs personnes. Plus besoin de coordonner ses trajets et de jongler avec les horaires (je te dépose là et te reprends à 17h05, mais attention, je dois impérativement prendre quelqu’un d’autre à 17h30...). Une fois le véhicule réservé, on le gère comme on veut, même si on sait qu’on ne pourra pas l’utiliser le lendemain où un autre conducteur le prendra.
Un bureau d’étude auvergnat vient de réaliser pour le compte de l’ADEME et du Ministère de l’Environnement, une étude sur l’autopartage dans la sphère privée. Nous publions quelques extraits des conclusions de son travail qui s’est attaché à une trentaine d’expériences en France.
En France, il y a 31 millions de voitures, soit en moyenne 77 voitures pour 100 détenteurs du permis de conduire. 18 % des ménages n’ont pas de voiture, 46 % en ont une seule et 36 % en ont plusieurs. 11 millions de ménages ont moins de voitures que d’adultes. Chaque voiture effectue en moyenne 13 000 km par an. 17 millions de voitures font moins de 10 000 km par an et 5 millions font moins de 5 000 km par an. Une voiture sert en moyenne 50 minutes par jour. 7 millions de voitures ne sont pas utilisées la plupart des jours et pourraient donc facilement être partagées.
Une voiture coûte en moyenne 3 700 € par an, soit 0,28 € par kilomètre (ensemble des coûts compris : achat, entretien, carburant, assurance…). Les frais fixes (assurance, décote, contrôle technique…) représentent environ 40 % du total.
L’étude a identifié 29 expériences d’autopartage dans la sphère privée. On entend par là, la mise en commun d’un ou plusieurs véhicules, utilisés par des amis, des voisins ou des proches pour des trajets différents à des moments différents. Cette pratique touche tous les secteurs géographiques, y compris les zones rurales et les communes périurbaines mais semble toutefois davantage répandue dans les grandes villes.
En extrapolant les résultats du recensement de l’étude, on peut estimer l’autopartage dans la sphère privée en France entre 10 000 et 20 000 véhicules, conduits par 35 000 à 70 000 personnes.
Les ménages autopartageurs se répartissent à parts à peu près égales entre célibataires, couples sans enfants et couples avec enfants. Près des deux-tiers des autopartageurs sont trentenaires. Ils appartiennent à des professions très variées même si plus de la moitié sont cadres. Presque tous ont des engagements associatifs ou militants. La plupart ne partagent rien d’autre qu’une voiture.
L’autopartage résulte généralement du rapprochement entre un propriétaire se servant peu de son véhicule et des utilisateurs en ayant besoin pour certains déplacements infaisables autrement. Dans la plupart des cas, le véhicule partagé appartenait à un des membres avant l’autopartage.
En moyenne, chaque véhicule est utilisé par 3 ménages et conduit par 3,5 conducteurs différents. L’autopartage se fait en général entre personnes qui se connaissaient bien avant même de partager le véhicule (amis, famille, collègues) mais qui n’habitent pas forcément à proximité immédiate du véhicule partagé. Plus de la moitié d’entre eux sont à plus d’un kilomètre.
Seulement 4 autopartages sur 20 fonctionnent sous statut associatif. Les 16 autres se font sans aucune structure juridique spécifique. Le fonctionnement est basé sur la confiance. Seulement 6 groupes ont rédigé un document écrit, formalisant de manière plus ou moins complète les règles de fonctionnement.
Les frais sont partagés de manière très variable. Dans 10 groupes, les utilisateurs et le propriétaire du véhicule partagent tous les frais. Dans 6 autres, seulement certaines charges sont partagées. Dans 3 autres, les utilisateurs ne paient que l’essence. Dans tous les cas, les modalités retenues satisfont les intéressés, car d’autres échanges (matériels, sous forme de services ou informels) équilibrent la relation. On observe par ailleurs que, par rapport au prêt de véhicule, l’autopartage permet de lever le tabou du coût de la voiture, les propriétaires et les utilisateurs trouvant tous avantage à fonctionner avec le “juste prix“.
La gestion de l’autopartage prend généralement moins d’une demi-heure par mois. Cette gestion est assurée bénévolement, le plus souvent par le propriétaire du véhicule.
Le véhicule est réservé par téléphone, de vive voix ou par mail, suivant les cas. Il est assez rare que deux autopartageurs aient besoin du véhicule en même temps (2 à 3 fois par an, en moyenne). Si tel est le cas, une solution amiable est généralement trouvée. La plupart des groupes d’autopartage utilisent un carnet de bord dans lequel sont notés à chaque utilisation la date, le nom de l’utilisateur et le kilométrage de départ et d’arrivée.
Les autopartageurs encouragent les personnes intéressées par cette formule à leur emboîter le pas “Essayez, c’est très simple“, “On garde une grande liberté et un grand confort“, etc.
Leurs principales recommandations et conseils portent sur les points suivants :
Les principaux freins à la mise en place de l’autopartage
Des entretiens menés avec 5 personnes ayant un projet d’autopartage non encore concrétisé ont permis de faire ressortir les freins suivants au passage à l’acte :
Aucune compagnie d’assurances ne propose de contrat adapté à l’autopartage dans la sphère privée. Il en résulte des difficultés pour faire figurer les noms de tous les conducteurs sur le contrat et, surtout, des conséquences sérieuses en terme de malus, en cas d’accident responsable. En effet, le malus est affecté au véhicule et non au conducteur. Si un utilisateur du véhicule a un accident responsable, le malus peut avoir des répercussions pendant plus de 20 ans et engendrer un surcoût cumulé pouvant atteindre
2 000 €, à la charge du propriétaire du véhicule. Peu de groupes d’autopartage ont réfléchi à ces conséquences financières. Toutefois, la plupart d’entre eux pensent qu’ils trouveraient un arrangement amiable si un accident responsable survenait.
Suite à cette étude, un Club d’Autopartage a vu le jour. Il regroupe une trentaine d’autopartageurs dans la sphère privée. C’est un lieu d’échanges d’expériences et d’informations.Il organisera un colloque national en 2010, à priori à Lille.
Contact : Bruno Cordier -- Adetec
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