Les produits agricoles destinés à l’alimentation humaine relèvent d’une grande complexité fonctionnelle. Dans leur fonction biologique ils sont conditionnés par la diversification des modes de production et des pratiques agricoles. Socialement ils sont déterminés par nos habitudes de consommation et nos traditions culinaires, comme ils contribuent à l’appropriation et à la continuité de notre patrimoine culturel par l’échange de pratiques alimentaires entre générations. Enfin par leur charge émotionnelle ils stimulent la convivialité dans les rapports humains.
C’est garder à l’esprit ces données élémentaires et répondre à des besoins sociaux par des pratiques multiformes. Et, celles-ci sont étroitement liées à l’application d’un principe d’autonomie à tous les niveaux : technique, économique, financier ou décisionnel. C’est privilégier le bon sens sur le recours à des technologies. C’est choisir des moyens techniques qui ne soient pas uniquement guidés par des contraintes économiques.
Produire l’aliment des porcs sur la ferme, amender les sols avec le fumier produit par les pailles et les déjections, réduire le rythme des mises bas pour conserver à l’éleveur des conditions de travail acceptable, minimiser les investissements dans les bâtiments, sont des exemples de pratiques qui répondent à notre devoir de responsabilité vis à vis des consommateurs citoyens.
C’est aussi s’engager à limiter les volumes de viande produite dans chaque ferme pour éviter la course au rendement et limiter les risques sanitaires. Répartir les ateliers sur le territoire et multiplier les paysans vivant de cette production sont parmi les choix qui devraient être pris collectivement et impulsés par les chambres d’agriculture et les commissions départementales d’orientation agricole.
Communiquer sur nos contraintes, engager des rencontres avec les citoyens pour débattre des choix les mieux adaptés, rencontrer les autres acteurs ruraux (abattoirs, artisans, commerces de viande) tout cela fait partie de nos obligations, elles débordent très largement le cadre économique étroit dans lequel évolue l’industriel porcher.
Respecter la nature, économiser les ressources rares (réduire les transports de matières premières comme la paille), adapter ses pratiques au contexte agro-pédologique sont autant de principes de durabilité que seuls des paysans sont à même de respecter. C’est dans le cadre de telles pratiques que doit être déterminé le prix de revient de la viande de porc afin de rémunérer correctement le producteur.
Dans un marché de concurrence, où les prix vont à la baisse, la survie à court terme des producteurs de porcs passera par la course à l’intensification, la concentration, avant leur disparition au profit des industriels aux capacités tentaculaires. Les techniques les plus sophistiquées, les cahiers des charges les plus contraignants n’empêcheront pas la banalisation des aliments et leur déconnexion des lieux de production.
C’est faire le choix de poursuivre des pratiques ancestrales de mise en valeur d’un patrimoine commun pour alimenter les hommes. Nous protégeons cette capacité productive pour les générations à venir. Cela n’implique pas de refuser les innovations techniques, mais de les mettre au service d’un idéal commun.
Fabrice Lacroix, militant a la confédération paysanne