En novembre 2016, auront lieu les élections syndicales dans les très petites entreprises et très petites associations. Et alors ? Quel intérêt pour cette actualité et les idées syndicalistes “au pays des alternatives”. En effet, là où le militantisme brille plus fort, que faire des questions liées au salariat ? Ben... comment te dire ?
Les différents dispositifs d’aides à l’emploi qui se sont succédés ces quinze dernières années, ont permis à nombre d’associations de franchir le pas du professionnalisme en embauchant. Cela a été d’autant plus le cas sur le plateau de Millevaches avec la mise en place des aides régionales “emplois associatifs”. La création de ces emplois a eu pour effet de booster le développement de l’économie sociale et solidaire.
Les structures qui en ont bénéficié sont principalement des petites associations comptant aujourd’hui un ou deux salariés. Il est demandé à ces derniers d’être particulièrement autonomes et polyvalents. “Aux pays des alternatives”, si l’on veut soulever des montagnes, l’imagination est de mise, de même qu’une bonne dose de militantisme. Tout çà a créé une belle émulation.
Salarié-militant
Sauf que la difficulté à trouver des financements pour boucler les budgets, le peu d’administrateurs prêts à s’investir..., font que beaucoup de choses reposent sur les épaules des salariés. À cela s’ajoute aussi le statut particulier du salarié associatif qui dans le cas de figure présent peut-être considéré comme salarié-militant. Et le contexte l’amène parfois à oublier son statut de salarié à la faveur de celui de militant.
Il est même parfois encouragé à le faire, comme dans cette association où il a été demandé à un salarié de renoncer à sa prime de précarité (fin de CDD) pour faciliter la pérennité de la structure. Chose qu’il a refusée. Ou dans cette autre association, toute aussi porteuse d’alternatives, où il a fallu 6 mois de négociations avant que le conseil d’administration accepte de défrayer les déplacements de ses salariés au minimum du barème fiscal. Et il y en aurait d’autres à raconter. Certains décident d’eux-mêmes de ne pas se faire rembourser, par militantisme. Pas de problème, chacun est libre, mais libre de quoi et pour quoi ?
À y regarder de plus près, les contours du salariat associatif peuvent sembler flous. Il associe le lien de subordination du salarié à ses employeurs, à l’isolement et à une partie de la précarité de l’entrepreneur indépendant. Sa position peut-être très inconfortable car la nécessaire autonomie qui lui est demandée, sa capacité à faire vivre le projet associatif et donc à s’en emparer, peuvent parfois s’opposer aux orientations décidées par le conseil d’administration. Se pose ici la question de la gouvernance et des rôles bien assumés et assurés par chacune des parties.
Tout ceci interroge aussi la question d’un meilleur équilibre dans un rapport de force qui, inconsciemment ou non, existe bel et bien. En effet, il faut tenir compte de l’environnement des salariés qui ont pour seuls interlocuteurs des administrateurs et bénévoles dont le niveau d’engagement, d’acceptation de difficultés et de pénibilité définissent souvent le mètre étalon pour l’ensemble de l’équipe, salarié compris. Pris dans cette ambiance, cette volonté militante de porter fort des valeurs, il est facile de s’oublier, d’oublier les quelques droits liés au salariat.
Peut-être cela a-t-il évolué ces toutes dernières années mais pendant longtemps les conditions de travail des salariés sont souvent passées en arrière plan, éclipsées par l’actualité des associations. Comme par exemple cette association à vocation sociale sur le plateau de Millevaches qui n’accepte pas que la salariée cesse de travailler dans son bureau glacial seulement quand il devenait trop difficile d’utiliser les ordinateurs à cause du froid.
Mis à part cette anecdote caricaturale, un nombre non négligeable de conseils d’administrations répondront bien souvent à une demande d’amélioration des conditions de travail par un laconique : “Trouve nous le budget pour le faire”.
Droits
Tous ces exemples, même si le dernier cité date de 7-8 ans, laissent à penser qu’il serait bon que les salariés des associations prennent conscience que leurs conditions de travail peuvent évoluer vers un mieux, qu’ils peuvent demander leurs droits, voire plus de droits. Qu’ils prennent conscience qu’ils ne sont pas un ou deux mais bien des dizaines sur un même territoire. Si les associations peuvent bénéficier des conseils du dispositif local d’accompagnement pour les aider dans leur rôle d’employeur, les salariés n’ont personne vers qui se tourner. En effet, les syndicats les méconnaissent et sont bien en peine pour les aider.
C’est pourquoi, même si sa création est encore récente et son rayonnement modeste, l’existence d’ ASSO, petit syndicat entièrement dédié au salariat associatif, est une bonne nouvelle.
Frédéric Thomas
- ASSO : un syndicat dédié aux associations
Propos recueillis auprès de Denis Aguiton d’ASSO
Pouvez-vous nous présenter votre syndicat ?
Il a été créé début 2010 par des salariés associatifs qui voyaient un décalage entre les valeurs de transformation sociale portées par leur employeur et leur quotidien. ASSO compte autour de 200 adhérents et est spécifiquement dédié au secteur associatif qui a la caractéristique d’être très peu syndiqué. Cela tient à une forte rotation dans les effectifs liée à la précarité des postes. C’est aussi dû au fait que nombre de salariés associatifs vivent leur militantisme par leur travail. Critiquer leurs conditions de travail revient à remettre en cause l’association et avec elle une partie de ses valeurs et donc leur propre engagement.
Quels arguments pourriez-vous leur donner pour les convaincre ?
L’engagement des salariés dans leur structure est souvent fort car ils sont convaincus et contents de faire oeuvre de transformation sociale. Il leur est demandé de se dévouer à la cause et ils l’intègrent très bien car leurs employeurs sont des militants, parfois très impliqués, avec qui ils ont souvent de bons rapports. Mais nous constatons de nombreux cas de burn out et de démission car cet engagement conduit des salariés à l’épuisement et leurs employeurs leur demandent rarement de lever le pied. A la fin, ils se retrouvent tous seuls. Le fait de se syndiquer est un moyen pour les adhérents d’être soutenus, mais avant ça, c’est aussi se donner les moyens de prendre du recul sur ses conditions de travail.
Que peut leur apporter ASSO dans leur quotidien ?
Nous avons un partenariat avec un cabinet d’avocats pour assurer un accompagnement juridique des personnes en souffrance dans leur association. Les adhérents ont accès à une liste de discussion où ils peuvent échanger avec d’autres salariés syndiqués à ASSO et ainsi échanger sur leur expérience, s’entraider...