Une première réunion se tient en septembre 2017 réunissant des éleveurs ovins et bovins, une association de protection de l’environnement, un maire, un chargé de mission d'une collectivité territoriale et une médecin urgentiste propriétaire de chevaux. La composition variée de ce groupe témoigne d’un désir partagé d’anticiper le retour prévisible des loups sur ce territoire très boisé, qui fut l’un des derniers à connaître des loups à la fin de leur extermination dans la décennie 1930.
Un point commun réunit la plupart des personnes en présence : chercher un positionnement au-delà des oppositions pour ou contre, notamment par l’acquisition de connaissances, d’outils et par une forme de concertation nouvelle.
Pour ce qu’elles déplacent dans notre rapport au vivant, mais aussi de par la transversalité des approches mises en œuvre, les “fictions corporelles“ de Boris Nordmann, qui ont ouvert la voie à cette démarche, semblent trouver ici un écho propice à un nouveau développement. Boris Nordmann et Quartier Rouge décident donc de poursuivre le travail ensemble avec le groupe réuni.
Lors d’une deuxième réunion en décembre 2017, alors que le groupe est rejoint par d’autres éleveurs et un guide de moyenne montagne, Boris Nordmann leur propose de développer avec lui un projet de performance artistique participative à vocation de médiation sur le conflit lié au retour du loup qui soit également un cadre pour leurs recherches respectives.
Les “fictions corporelles“ de Boris Nordmann sont des méthodes pour se sentir autre : araignée, cachalot, taureau, chauve-souris et prochainement… loup. Les auditeurs sont à la fois les interprètes et les spectateurs de leur propre interprétation. L’être humain constitue la forme de départ que l’imagination peut déformer pour y accueillir une autre manière d’être au monde. Chaque “fiction corporelle“ est autant une oeuvre qu’une manière de représenter des connaissances, les projeter dans l’espace du corps humain. À la “fiction corporelle“ Loup est associé un objectif de médiation environnementale. Le travail de préparation va s’étendre sur environ deux ans et est mené avec un comité d’habitants. Tandis que les précédentes “fictions corporelles“ de l'artiste durent entre 1h et 2h30, celle-ci adoptera plusieurs formats : une épure de la durée d’un spectacle, une forme longue comme une journée d’atelier, voire un stage. La “fiction corporelle“ Loup sera une amorce, un lien supplémentaire dans la chaîne qui permet de comprendre davantage notre relation au vivant.
Le travail de recherche de Boris Nordmann guidera ainsi le travail collectif du groupe, et permettra d’être un fil conducteur aux temps de rencontres, d’échange et de pratiques en commun. Les membres du comité élaborent collectivement un programme d’ateliers pour se préparer au possible retour des loups sur la Montagne limousine. Ces ateliers et/ou invitations répondent à leurs besoins respectifs d’acquisitions de connaissances et de compétences.
Le principe fondateur est d’apprendre de concert, apprendre en contribuant à l’apprentissage des autres. Boris Nordmann propose son processus artistique comme un cadre permettant à chacun d’inviter les autres dans sa propre recherche et de nourrir ainsi cette oeuvre artistique à vocation de médiation. Cet aspect de médiation est ici central, il guide le travail collectif, et permet de développer une culture commune autour des connaissances de chacun et une potentielle diplomatie collective.
Au sein du comité, une autre artiste : Laurie-Anne Estaque est invitée à suivre l’ensemble des réunions et des temps de travail, afin de “documenter“ le processus et de garder une trace de cette expérience collective, sous une forme graphique.