M.F. a été amené de force de Somalie, puis jugé pour avoir participé à l’attaque d’un catamaran au large des côtes somaliennes en 2011. Il a été condamné en 2016 pour acte de piraterie dans l’affaire du Tribal Kat1. Condamnation qui n’a pas été assortie d’une ITF (Interdiction de Territoire français) car la Cour d’Assises connaît les risques de renvoyer un somalien en Somalie, pays de misère, en guerre et sans État, en proie aux violences des Shebabs (groupe terroriste islamiste somalien) et de Daesh ! “Dans ce procès, tout le monde avait compris le drame humain qui avait pu mener ces hommes à commettre des actes de piraterie.“ (Rachel LINDON, avocate de M. F.). M.F. a toujours coopéré avec la justice française. Il n’a jamais nié les faits reprochés. Il a toujours eu un comportement exemplaire en détention. Il a appris le français et a passé des diplômes certifiant. Il occupait un poste d’auxiliaire d’étage accessible à très peu de détenus. Il a bénéficié de plusieurs remises de peine. Durant la majeure partie de sa détention, M. F. n’a pas eu la possibilité de faire respecter ses droits. En novembre 2018, il a enfin réussi à déposer une demande d’asile car il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays. Il est en attente d’une audience devant la CNDA.
M.F. ayant purgé sa peine devait sortir libre du centre de détention d’Uzerche mardi 14 mai 2019. L’association Montagne Accueil Solidarité de Peyrelevade s’était engagée à l’héberger et à le soutenir.
Mais, en procédure prioritaire le recours devant le CNDA n’est plus suspensif depuis la dernière loi et sans attendre la fin de la procédure de sa demande d’asile, le préfet de la Corrèze, ordonne à M. F. de quitter le territoire français sans délai ! Sa femme et ses enfants sont menacés depuis son arrestation en 2011 et sont obligés de vivre cachés. Sa mère a reçu des menaces de la part des Shebabs. M.F. craint d’être assassiné dès son arrivée par les chefs des pirates pour les avoir dénoncés. Et à juste titre, car Youssouf Mohamed Ahmed, ancien pirate somalien, jugé et condamné en France, puis expulsé par la Suède, pays où il avait décidé de se marier et de refaire sa vie, a été assassiné fin 2018 à Mogadiscio d’une balle dans la tête, moins de 24 heures après avoir posé le pied en Somalie.
L’expulsion a été confirmée par les tribunaux. M.F. est parti en rétention. Devant son refus à deux reprises de contacter son ambassade, démarche incompatible avec une demande d’asile, il a été condamné à 2 mois de prison.
Le cas de M.F n’est pas unique, fin avril 2019 à la prison de Grasse un jeune homme condamné pour des faits d’aide à l’entrée illégale sur le territoire, s’est suicidé à la veille de sa libération. Il avait appris deux jours avant qu’il serait expulsé vers la Côte d’Ivoire où il se disait en danger.
Double peine donc si on est étranger, au nom d’un hypothétique “danger pour l’ordre public“. Suspects à priori alors qu’ils ont purgé leur peine, la réinsertion leur est interdite c’est l’expulsion sans considération des éventuelles conséquences, même mortelles.
Dominique Weber