Vassivière serait un paradis du tourisme vert qu'il reste à mettre en valeur. Il est vrai que nous avons là un des derniers grands lacs d'Europe occidentale ayant (presque) échappé à l'urbanisation. Pour profiter de cette situation exceptionnelle faut-il construire au cœur même du paradis des ensembles de logements et des équipements touristiques ?
Répondre oui c'est d'abord céder à l'illusion selon laquelle la nature est un bien tombé du ciel que le tourisme n'a plus qu'à cueillir. En fait cette nature, il faut apprendre à la lire, à en discerner les éléments qui intéressent les touristes, à les gérer (préserver et mettre en valeur) et à communiquer à leur propos, bref à organiser une offre de nature. Cela ne faisait pas partie du cahier des charges de l'étude DETENTE. Les collectivités locales et les services de l'Etat se sont rendus compte du manque et ont lancé des réflexions sur ces dimensions (étude paysagère confiée à un grand nom de la profession, etc.). C'est certes positif, mais un supplément d'âme architectural ou paysager et l'utilisation d'énergies renouvelables ne sont pas suffisants pour lever les inquiétudes que suscite le projet DETENTE.
Miser sur un tourisme marchand avec un habitat groupé en bord de lac (résidences de tourisme... ) c'est rentrer dans un jeu de la concurrence où toutes les destinations se battent pour capter une clientèle volatile et versatile, où les investissements les plus récents rendent obsolètes ceux d'hier, obligeant à une fuite en avant dans l'investissement.
Une stratégie de développement du tourisme sur Vassivière et les plateaux devrait d'abord partir de deux constatations simples.
Depuis plus d'une décennie, la fréquentation de l'hexagone par les Français décline : on perd des nuitées. De plus, les Français se refusent obstinément à voir leurs vacances organisées par des marchands de tourisme : presque les deux tiers des nuitées se prennent dans les résidences secondaires, chez les parents ou chez les amis.
C'est la fréquentation étrangère qui sauve la mise, et plus précisément à la campagne celle des pays voisins. Pendant que l'étude DETENTE se focalise sur la création de 2000 lits touristiques en dix ans, moyennant une mobilisation de fonds publics de 25 ou 30 millions d'euros, il a été vendu, pour la seule année dernière, aux étrangers sur les trois départements de l'ordre de 1500 résidences secondaires (soit environ 7500 lits). Même si les hautes terres ne sont pas l'ensemble du Limousin, on est dans un autre ordre de grandeur .
Il ne faut pas tirer de ces constatations l'idée qu'il suffit de laisser faire : le tourisme non marchand en particulier celui des résidences secondaires a besoin d'être accompagné et encadré.
Il faudrait d'abord que nos actions soient en phase avec les désirs de ces clientèles françaises et étrangères que l'on n'a même pas besoin d'aller chercher. S'il est vrai que ce qui attire c'est la nature et le calme, il ne faut peut-être pas construire les pieds dans l'eau mais en retrait dans les bourgs (là où il y a des services).
Il faut aussi gérer l'arrivée de ces clientèles de résidents secondaires. On sait bien ici, depuis les années soixante dix, combien les nouveaux arrivants revitalisent le territoire. On sait aussi que les achats de résidences secondaires font monter les prix et rendent difficile le logement des jeunes du pays (voir l'expérience de l'Alsace ou du Périgord). Une vigoureuse politique du logement doit donc accompagner le développement touristique (lotissements et architectures de qualité en bordure des bourgs) à la fois pour les résidents permanents et secondaires si l'on veut continuer à en accueillir quelques uns quand la dernière ruine aura été réhabilitée.
Éphéméride de Vassivière1946 : Premiers coups de pioches1951 : Premiers kilowatts turbinés1952 : Installation du Touring club de France à Auphelle1954 : Première fête de l'eau organisée par le TCF1957 : Esquisse d'un projet de SITALAC (Syndicat intercommunal pour l'expansion du tourisme et de l'agriculture aux abords des lacs limousins).1960 : Constitution du Groupement d'Urbanisme du lac de Vassivière entre les communes de Faux la Montagne, Royère et St Martin Château en Creuse, Beaumont et Peyrat le Château en Haute Vienne, pour la protection du site et la maîtrise du foncier. Première vidange du lac. 1962 : La commune de Beaumont avait sollicité en 1960 l'appellation : Beaumont-Vassivière. Un décret ministériel lui accordera le nom de Beaumont du lac, et bien que le village de Vassivière soit sur la commune de Beaumont, c'est Royère, six ans plus tard en février 1968, qui deviendra Royère de Vassivière1966 : Naissance du Symiva = Syndicat mixte interdépartemental de Vassivière 1968 : Adhésion de la commune de Gentioux au Symiva 1971 : Deuxième vidange du lac1972 : Lotissement de Nergout1974 : Convention entre l'EDF et le Symiva pour la gestion touristique du lac 1975 : Construction des villages de vacances de Pierrefitte (gestion concédée à LorraineVacances) et de Masgrangeas (Touring club de France) 1977 : Adhésion de la commune de Nedde. Etablissement d'un POS pour tout le territoire du Symiva. Création de la route circum-lacustre. Avec l'intervention du Conservatoire National du Littoral achat de l'île de Vassivière 1979 : Lotissement d'Auphelle1980 : Installation du Symiva dans l'île de Vassivière 1982 : Visite du Président de la République sur l'île de Vassivière 1984 : Création de Radio Vassivière1985 : Adhésion de la Région au Symiva et modification des statuts. Etape contre la montre du tour de France. 1987 : Adhésion de la commune de Feniers. Lancement de la réflexion sur Vassivière 2000. 1990 : Construction de la tour du Centre d'Art contemporain. Etape contre la montre du tour de France 1995 : Etape du tour de France. 3ème Vidange du lac. Création du festival du conte 1996 : Réaménagement des plages et des pontons pour la surélévation du lac d'un mètre. 30ème anniversaire de la création du Symiva, lancement de la Gazette de Vassivière 2001 : Fermeture du village vacances de Masgrangeas 2002 : Parution de la Lettre de Vassivière 2003 : Sous l'effet de la chaleur et de la sécheresse l'EDF rompt son contrat avec le Symiva en baissant le niveau du lac pendant la saison estivale pour assurer le refroidissement des eaux de la Vienne au niveau de la centrale nucléaire de Civaux
“Les humain-e-s doivent cesser de considérer la politique comme un domaine séparé et spécialisé…”
Cornélius Castoriadis (1922-1997)
Vassivière, un mot qui va avec lac et tourisme. En effet depuis sa création au début des années 50, le lac devait être un des phares du tourisme de la région du plateau des Millevaches. Le démarrage fut assez lent mais assez vite certains crurent avoir trouvé avec lui une prolifique poule aux œufs d'or. Or, au fil des années, ce fut plutôt la désillusion qui se trouva au rendez-vous avec des situations budgétaires qui ne firent qu'empirer. On chercha alors des responsables : un climat qui n'en faisait qu'à sa tête avec une nette tendance à devenir un peu trop humide au goût de nombre de touristes, une administration bien souvent désinvolte qui n'avait pas l'air de trop se soucier des comptes qu'elle aurait à rendre, des municipalités prises dans les arcanes d'un jeu politicien qui parfois les dépassait, des commerçants qui n'étaient pas toujours au sommet de leurs compétences (d'ailleurs cela déclencha une vive polémique l'année dernière dans certaines communes) … Mais n'aurait-on pas les coupables que l'on mérite ?
De solutions bancales en solutions trompe l'oeil, les habitants de la région virent passer les années, mécontents puis indifférents et pour finir affligés par ce gâchis annoncé. Avant que cela ne devienne irréversible, il fallait sauver le tourisme local. Alors se prépara un énième "réaménagement touristique de Vassivière" par le Syndicat mixte interdépartemental et régional de Vassivière (Symiva). A l'occasion du changement des responsables, un certain espoir sembla renaître parmi les habitants et les associations qui s'intéressaient au problème et qui espéraient en avoir fini avec une certaine forme "d'autocratisme" provincial. Beaucoup avaient cru déceler les premiers signes, les premiers frémissements d'un retour aux sources d'une timide démocratie "directe".
Vassivière allait-il être le premier exemple d'une "démocratie participative" si attendue et si courtisée (du moins en apparence) par les politiques-citoyens ? IPNS avait consacré dans son numéro 8 un dossier à cet épineux problème qu'est le tourisme à Vassivière et avait alors évoqué l'inquiétant projet d'aménagement touristique concocté par le "fameux" cabinet Détente, plus connu pour ses honoraires (il semblerait qu'ils se soient montés à 150 000 euros environ !) que pour, semble-t-il, d'après certains, sa compétence en matière de réflexions et de propositions sur le développement touristique ! Les vives réactions qu'engendrèrent la publication de ce dossier, incitèrent les organisateurs du Forum Social Limousin (FSL) à consacrer un atelier à l'avenir touristique de Vassivière en présence de membres du Symiva dont sa nouvelle présidente.
Dans les propos que les élus du Symiva présents ont pu tenir lors de ce débat (octobre 2004), certains crurent déceler quelques velléités de "participatisme". IPNS s'en fit l'écho dans son numéro 9 par l'intermédiaire d'un petit article dans lequel on pouvait lire : "les élus du Symiva présents ce jour là ont eu une oreille (plus) attentive. Ils ont indiqué que le projet Détente n'était qu'une proposition, que d'ores et déjà certaines de ses préconisations étaient écartées (…) et que rien n'était encore définitif. Renée Nicoux (présidente du Symiva) a également annoncé que cet automne des réunions auraient lieu (à l'échelle communale…) pour présenter le débat et l'enrichir des propositions de tous".
Face à de tels propos, c'est vrai que l'espoir d'un dialogue entre responsables politiques et acteurs divers dont les simples habitants pouvait paraître tout ce qu'il y a de plus réaliste. D'ailleurs, certains rêvaient et voyaient déjà " le Symiva (prêt à ) reprendre le dossier touristique de Vassivière à zéro pour définir avec tous les acteurs locaux, un vrai projet touristique porté par tous les habitants du territoire".
Le réveil dut être assez douloureux, tant pour ceux qui avaient caressé un vain espoir que pour les quelques habitants encore pétris d'illusions. L'arrivée dans les foyers de "La lettre de Vassivière" n°5 eut vite fait de remettre les pendules à l'heure ! "L'éditorial de la présidente" est édifiant. Derrière quelques affirmations gratuites ("être à l'écoute des habitants, […] prendre le temps de la réflexion,…"), il est facile de pointer la philosophie "politique" qui ressort de cet éditorial. Le cabinet Détente, tant décrié (il est indiqué dans un doux euphémisme que l'étude Détente "n'a pas fait l'unanimité dans l'opinion"), est mis à l'honneur et contredisant en partie ce qui avait pu être annoncé lors du FSL d'octobre (voir ci-dessus), il est clair que cette étude reste "essentielle" et devrait fournir (a déjà fourni ! Voir un peu plus loin) les grandes lignes du projet prévu pour l'aménagement touristique de Vassivière et même, n'ayons pas peur des mots, s'inscrire dans une "logique de développement durable".
On croit rêver ! De qui se moque-t-on ? La construction du fameux centre aqua-récréatif d'Auphelle, une de ces "pistes" qui a germé dans la bouillonnante imagination du cabinet Détente, est plus que d'actualité. Fortement contesté, ce projet apparaît comme une véritable aberration à de nombreuses personnes tant sur le plan économique que sur le plan touristique. C'est dans ce genre de choix que l'on voit que différentes conceptions du tourisme s'affrontent souvent entre les habitants, certains acteurs économiques et quelques politiques ou technocrates élitistes. Aujourd'hui ce n'est plus à proprement parler un projet car la réalisation de ce centre aqua-récréatif est déjà retenu dans le plan de développement du tourisme à Vassivière. Ce n'est pas tout, on apprend, de plus, que cela a été entériné "conformément aux décisions prises par le précédent comité syndical". Tout (ou le principal) avait été déjà décidé !
Où sont passés "l'enrichissement des propositions de tous, l'écoute des habitants, le temps de la réflexion,…"? Ne nous prendrait-on pas pour des gogos ? Et rien ne semble pouvoir arrêter notre entreprenante présidente dans sa démarche démocratique car elle continue d'affirmer qu'il faut "aller à la rencontre des habitants du territoire, de récolter leur avis,…". Ce n'est pas la dernière réunion (le 17 juin 2005 à Peyrat le château) organisée par l'association "Le canton d'Eymoutiers Espace d'espoir" avec des membres du Symiva sur le thème : "Vassivière : quel avenir ?" qui nous encouragera à croire à toutes ces belles paroles. On a pu y constater que le projet était complètement verrouillé dans ses grandes lignes. Les seules possibilités d'interventions (mineures) restent à la marge. Et il est clair que les choix arrêtés le furent sur la base des conclusions du cabinet Détente malgré toutes les vives réactions qu'elles avaient déclenchées et des possibilités de discussions qui avaient été évoquées voire annoncées. On a pu aussi appréhender le poids des investisseurs privés dans ces choix : ils ont posé de véritables préalables (par exemple, un centre aqua-récréatif) avant engagement de tout fonds. En faisant bref, des privés "dictent" en quelque sorte le type de réaménagement qu'ils souhaitent pour pouvoir rentabiliser le mieux possible leurs investissements, et les pouvoirs publics (Symiva) s'exécutent. Que feront-ils aux prochaines difficultés budgétaires ? Quelle belle leçon de démocratie ! Je ne ferai qu'évoquer l'idée de "comités de pilotage" qui a été proposée par la présidente du Symiva. Qu'y a-t-il à piloter ? Le ridicule ne tuerait-il plus ? Nous ne devons pas avoir, sans doute, la même approche de certains concepts politiques. Et que l'on ne vienne pas nous ressortir cet "insultant" populisme mis à toutes les sauces, ni nous faire des leçons de morale politique !
Un nombre conséquent d'habitants originaires de la région, de personnes "revenues au pays", de "néo-ruraux",… n'ont pas attendu la "bonne" parole du Symiva pour rendre vivante une région qui se mourrait peu à peu. Contrairement aux touristes, eux sont là toute l'année affrontant le froid, la neige, la pluie, la chaleur… et tout cela ne les a pas empêchés de construire des réseaux d'entraide, de créer des lieux conviviaux, d'initier de nombreuses soirées culturelles ou artistiques et encore beaucoup d'autres choses sans des budgets colossaux. Le projet touristique à Vassivière se fera sûrement sans eux, il faut espérer qu'il ne se fasse pas contre eux. Plus vraisemblablement cela se fera à côté. Dommage ! Mais dans un sens, ne vaut-il pas mieux que cela se passe ainsi, les acteurs sociaux formant deux mondes tellement différents ?
"Le caractère de Vassivière apparaît sous trois aspects. Le premier est lié à la perception visuelle du site ; il concerne le paysage dans son registre plastique et émotionnel. Le second est lié á l'environnement; il concerne le sentiment de qualité immédiatement perceptible du site et sa mise en péril éventuelle. Le troisième, issu de la combinaison, des deux, se présente dans un ensemble dispersé, désigné par les Jardins de Vassivière"
IPNS : L'image illustrant cette méthode a été communiquée sous la forme de "boucles", terme à revoir car trop proche des circuits de randonnée existants, aujourd'hui remplacé par "jardin" ce qui indique un espace et non nécessairement un parcours, même si l'accès au jardin justifie un chemin. Compte tenu du nombre de "jardins" périphériques au lac de Vassivière, l'image se présente comme un éventail déployé autour du plan d'eau de façon irrégulière, s'enfonçant plus ou moins profondément dans l'arrière-pays, avec, parfois, des secteurs complètement séparés des rives (Tourbières de Faux, Roches du Diable, Cascade des Jarrauds.) Enfin, le dispositif des jardins répertoriés (espaces attenants au lac et espaces séparés du lac) rencontre les circuits de randonnée avec lesquels il s'organise. Exemple : Le jardin de la Goutte d'eau, lande de la presqu'île de Chassagnas, couplé avec le jardin des Apothécies (D.34 au droit de Masgrangeas) s'organise avec le circuit de randonnée dit "des Tourbières" Masgrangeas, Orladeix, Auzoux.
"La charte paysagère du pays de Vassivière se définit par rapport a une intention de paysage et non comme un seul cahier des charges esthétiques. L'intention de paysage se fonde sur la permanence qualitative des éléments donnant au paysage limousin son équilibre et sa dynamique biologique :
Atouts essentiels, rares et recherchés, devenus aujourd'hui arguments économiques. L'intention, c'est à dire le projet de charte, consiste à maintenir ou améliorer les composants de l'équilibre biologique, seuls capables de régler de façon harmonieuse et économique les composants esthétiques. Dans cette approche "paysage" et "environnement" sont intimement liés.
Tout aménagement susceptible d'altérer qualitativement l'un des composants biologiques sera écarté du projet et rangé au titre des préconisations comme attitude à proscrire."
"Cela donne immédiatement les indications nécessaires :
"La région de Vassivière ne possède pas les atouts ordinaires des stations touristiques : mer, soleil, neige, monuments historiques… La nature, ici, s'exprime discrètement quoique de façon remarquable : balance des lumières, douceur et force du relief, diversité des perspectives, des milieux et des êtres. Le lac, source d'attraction, doit permettre d'initier les touristes à cette multiple nature. Transformer le plan d'eau en marina serait condamner le site à sa propre destruction.
Révéler l'état de nature propre au site de Vassivière, le donner à comprendre, le valoriser en préservant son mécanisme, instituer un tourisme - ou un mode de résidence - compatible avec cette approche, inviter la population active à participer à cette entreprise : projet sans équivalent réel sur le territoire français."
"… Avec quelques autres secteurs heureux du Massif Central, le Limousin partage le privilège d'être regardé par l'étranger, notamment par les anglais, comme un jardin. Parfois aussi comme un Parc. La configuration traditionnelle des aménagements touristiques se solde 10 mois de l'année par un paysage en pleine déréliction, maisons fermées, équipements condamnés soumis aux intempéries, "espaces publics" déserts, sentiment général de désolation."
"Un bourg constitué ne souffre pas de ces maux. Le lac de Vassivière, artifice récent, ne compte aucun véritable bourg sur ses rives (par "bourg", entendre une structure formée de repères et de permanences : église, boulanger, bistrot, hôtel, etc.). Ces bourgs existent, en position écartée des rives, dans une situation optimale par rapport à cet élément fondamental de la charte paysagère qu'est la disposition de l'habitat. Il suffit d'envisager avec les instances concernées l'accroissement légitime (sans doute progressif et prudent) du tissu urbain engagé depuis des siècles sur le territoire et non d'ajouter, de façon brutale et dommageable, des structures vouées à l'abandon et l'obsolescence."
"Sur les rives du Rhin, à Strasbourg, sur la rivière de Batubulan à Bali, gisent des aqua-centers moribonds auxquels plus personne ne s'intéresse. Equipements disgracieux oblitérant le paysage de façon pérenne alors que leur usage n'aura pas traversé cinq saisons. Le coût global de ces opérations (faire, défaire), rarement pris en compte dans les études d'impact, dépasse de loin l'apport des touristes assujettis à la consommation.
A Strasbourg, à Bali, le potentiel touristique existe pourtant, la population est nombreuse ; à Vassivière, toute spéculation établie sur ce genre de base est non seulement vouée à l'échec, mais en plus elle est porteuse d'une destruction assurée du paysage."
"Sur les bords du lac, il faut regarder le renforcement possible des deux pôles départementaux (Auphelle, Broussas) comme une réponse - encore une fois progressive et prudente - à la demande d'accès au lac avec résidence, sur la base d'une charte paysagère et architecturale. Les propositions visant à établir des lotissements d'un bloc pour atteindre le nombre de lits estimés nécessaires à l'économie touristique de loisirs traditionnels s'orientent automatiquement contre le projet touristique durable, le seul à notre avis défendable en Europe aujourd'hui."
"La maîtrise d'ouvrage constituée autour de la charte paysagère devra établir ucalendrier de réunions annuelles pour rassembler les acteurs de terrain responsables du maintien, de l'évolution et de la transformation du paysage. Les principaux acteurs - gestionnaires agricoles et forestiers - doivent pouvoir participer à cette évolution en faisant apparaître tous les problèmes que les concepteurs du projet ou les maîtres d'ouvrage n'ont pas toujours la possibilité de mesurer". Il faut espérer que ce travail, qui "colle" à notre réalité soit enfin utilisé par nos élus.
Restera-t-elle soigneusement rangée entre l'étude de Détente et l'étude sur la pêche sur une étagère du SYMIVA ? Ou aurons- nous un savant mélange de multiples études ?
IPNS : Après lecture de cette charte, on ne peut que s’étonner une fois de plus de la démarche paradoxale du SYMIVA : d’un côté expliquer à travers de multiples débats publics que la seule chance du pays est de saisir à bras le corps l’étude du cabinet Détente et d’un autre côté charger Gilles Clément d’une étude opérationnelle du paysage et de l’environnement pour le lac de Vassivière. Or, à un moment les deux approches ne sont plus compatibles !
Depuis la grande fête de la célébration de son trentième anniversaire à Nedde en septembre 1996, le Symiva (Syndicat mixte pour l'aménagement du lac de Vassivière) s'est aventuré dans la communication sur sa politique d'aménagement pour l'avenir de Vassivière. A cette occasion, il publiait un premier et unique numéro de la Gazette de Vassivière. Elle ne s'est jamais renouvelée malgré l'annonce d'une périodicité trimestrielle. Une gazette pourtant riche en informations très intéressantes. Elle faisait notamment écho au projet "VASSIVIERE 2000", une étude concoctée par la SOMIVAL (Société de mise en valeur de l'Auvergne et du Limousin) qui réactualisait de précédents plans-programmes de développement datant de 1989 et 1993 : Vassivière an 1 et an 2. L'objectif est clairement affiché de faire de Vassivière le fleuron et la station touristique phare du Limousin. L'optimisme est alors au beau fixe ; la vidange du lac a connu un succès inattendu et une bonne notoriété grâce à une excellente couverture médiatique, régionale et nationale.
Les études autour de ce projet Vassivière 2000 se poursuivront jusqu'en 1999-2000 toujours sous la houlette de la Somival mais aussi avec d'autres partenaires publics et privés sollicités par le Symiva. La fermentation de cette longue réflexion aboutit à l'élaboration d'une "charte de valorisation du patrimoine environnemental et paysager" et à la définition des objectifs d'un "contrat de station" à l'échéance de 2006. En prenant les rênes du Symiva en 2001, le président Denanot relance la communication avec La lettre de Vassivière. Elle sera moins éphémère ; semestrielle en 2002 et malgré une éclipse en 2003, elle prend un rythme bimestriel en 2004 tout en modernisant le look de son logo et de sa mise en page. L'avenir de Vassivière est affiché comme un enjeu régional, il se mesure concrètement par l'importance de la participation financière de la Région dans le budget du Symiva (49 %, hors investissement). Mais l'essentiel de la communication se concentre non plus sur des études mais sur la faisabilité du projet Vassivière 2000 afin de "réorienter le site de Vassivière". Cette mission est alors confiée au cabinet DETENTE, un bureau "d'ingénierie touristique culturelle et de loisirs" de Paris. Il lui est demandé dans une première étape de valider les réflexions menées depuis douze ans et de les confronter aux attentes des clientèles touristiques d'aujourd'hui.
DETENTE présentera son diagnostic à l'automne 2002. Il est sévère sur le passé : "Vassivière un constat d'échec et un système à bout de souffle . Néanmoins "ce territoire quasiment vierge est en phase" pour écrire une page neuve du développement touristique". Il présente alors un "projet de refondation du développement touristique de Vassivière". "Il faut créer un univers artificiel qui corresponde aux images de ce qu'ont les gens en tête. Pour le grand public, Vassivière est un tac canadien au milieu des bois ". Faisant table rase du passé et de l'inscription du lac dans son territoire intercommunal et dans l'espace du Millevaches, la "station" Vassivière s'organise à partir d'un port, d'un équipement aqua-récréatif et autour d'un "cœur de station" (voir ci-dessous) réunissant des hébergements touristiques, des équipements commerciaux, un espace agora pour séminaire ou spectacle. Les modèles référents sont ou les stations de la montagne française : Avoriaz, Val d'Isère, ou Port-Grimaud et La Grande Motte sur le littoral méditerranéen.
Sous la pression du Symiva, les promoteurs du projet concèderont le dédoublement des équipements de la station sur les deux sites d'Auphelle et de Vauveix-Broussas. Comme ils introduiront dans leur cadre paysager l'île de Vassivière et le Centre National d'Art et du Paysage. Débats et tables rondes seront organisés tout au long de l'hiver et du printemps 2003 pour débattre du projet. Il ne soulèvera pas l'enthousiasme des locaux, pas plus d'ailleurs que des partenaires extérieurs à qui le président a donné la parole dans la lettre de Vassivière de mars 2004.
Dans ses dernières livraisons, en septembre-octobre 2003, sur la structuration du territoire et son montage financier, DETENTE a pris en compte un certain nombre des objections et critiques entendues. Il a davantage intégré les structures territoriales et touristiques existantes, tel par exemple le Parc Naturel Régional de Millevaches. De même qu'il s'est rapproché des particularités du tourisme en espace rural - bien qu'il n'en maîtrise guère la spécificité, sinon pour la dénigrer. Vassivière sera la "station touristique nature en milieu rural" ou encore "Vassivière en Limousin, station rurale éco-touristique" pour être dans le vent du durable et de la biodiversité. Toutefois "notre projet touristique Vassivière-Detente" demeure bien fixé sinon figé sur son concept centralisateur de station exclusivement tournée vers un tourisme marchand. Et pour convaincre, il ne craint pas d'enfoncer le clou et de revenir à son modèle référent : "/a station c'est le site lacustre, comme le domaine skiable dans une station de montagne, des équipements, à l'image des pistes et engins de remontée mécaniques, une concentration d'hébergements, de commerces et d'animation".
Voilà Vassivière lové dans son "cœur de station" avec un stock d'hébergements - permanents ou secondaires et de préférence en bois - qui s'organiserait autour du village et du lotissement d'Auphelle (celui-ci a déjà 25 ans, et tous les lots ne sont pas encore vendus !), pour investir le Chambou et s'étirer jusqu'au Puy Lenty ! Certes les promoteurs ne manquent pas de rappeler que l'offre d'hébergement relève de l'investissement privé. Néanmoins le coût d'investissement des équipements publics de ce projet à très haut risque est chiffré par DETENTE à 34 millions d'Euros pour les 10 prochaines années !
Au moment où ce projet pharaonique est en plein débat, deux événements importants viennent heureusement modifier la donne. La signature du décret ministériel pour la reconnaissance du Parc Naturel de Millevaches et l'arrivée au Symiva d'une nouvelle présidente. Celle-ci, Renée Nicoux, est toute nouvelle élue de la Creuse au Conseil Régional, spécialement chargée de la culture et du patrimoine ; elle est déjà élue de la Montagne Limousine, comme conseillère municipale de Felletin au titre de la vie associative. Avec toutes ses compétences, elle est aussi membre du Comité Syndical chargé de la gouvernance du PNR et tout à fait en mesure de trouver les articulations nécessaires entre ces deux structures. Celles-ci ne pourraient-elles pas jeter les fondements d'un tourisme d'espace et de nature à l'échelle du Millevaches ? Tourisme de découverte et d'exploration susceptible de développer une panoplie d'activités interactives aussi diverses que les sports aquatiques et nautiques ou les randonnées multiformes, tout autant que la valorisation des ressources culturelles et patrimoniales d'un territoire vivant que ses habitants se seront appropriés. La charte du PNR et la convention cadre qui lie les deux institutions sont déjà là pour fonder ce projet aussi ambitieux que réaliste.