élection

  • Ah ! ça ira, ça ira, les ma-a-a-rxistes à la lanterne !

    A Tarnac, le changement de municipalité a été le théâtre d’un troisième tour électoral sur Internet. Le propriétaire du château, journaliste au Figaro et habitant intermittent, s’étant réjoui du retournement de majorité, de nombreux Tarnacois ont réagit vivement sur le blog “Balade @ Tarnac“ devant une réaction... légèrement réactionnaire ! Pour s’en offusquer, pour s’en moquer ou pour poser les enjeux d’un débat qui dépasse largement le cas de Tarnac et concerne l’ensemble du plateau : que voulons-nous pour nos communes, pour le plateau, pour ses résidents permanents ? IPNS publie ici le mot du châtelain et deux des réactions parmi les dizaines qu’il a immédiatement provoquées.

     

    revolution

     

    Adieu les marxistes ! 

    Au nom d’un des habitants intermittents de Tarnac, mais votant régulièrement à Tarnac, membre de la Commission Attali, et propriétaire d’une maison détenue depuis quatre siècles par la même famille, je félicite la liste qui vient d’être élue et qui met fin à un siècle de domination marxiste dans cette commune qui ne méritait pas une si terrible idéologie. Enfin Tarnac dont les charges de personnel ont doublé en cinq ans (un record en Corrèze) va pouvoir être gérée comme une commune normale. C’est vraiment un très grand jour pour tous les Tarnacois qui ont fait preuve d’un immense sursaut civique.

    Yves de Kerdrel

     

    Ah ! ça ira, ça ira, les marxistes on les pendra !

    tete picAh mon cher Yvon, vous avez raté la soirée électorale !
    Les communistes furent promptement enfermés dans les cabanes à cochon, les drapeaux rouges décrochés, les crucifix sortis des fosses où ils avaient été enterrés quelques huit décennies plus tôt.
    La foule en liesse se précipita vers les commerces longtemps réservés aux seuls apparatchiks. On dévora les éclairs et autres mokas de la boulangerie, même les religieuses au chocolat y passèrent tant on était habitué à bouffer du curé !
    La cuisine du restaurant, souvent recommandée dans le Figaro du week-end qu’on se passait sous le manteau dans les veillées clandestines, nous régala de ris de veau, saumon fumé, cèpes et girolles (dont la cueillette nous était interdite). Les gosiers asséchés s’adoucirent des meilleurs crus de Bordeaux. Des mères de famille avisées remplissaient leurs cabas rapiécés des victuailles dont rengorgeait le Magasin Général. Les brigades rouges furent chassées sans ménagement du Tagouillou.
    On se souvint avec tristesse des premiers opposants emmurés vivants dans les souterrains de La Gorce dans les années 30. On craignait d’aller délivrer la «vermine capitaliste», comme ils nommaient nos braves concitoyens enfermés dans le goulag de La Fage, tant les hurlements des molosses canins qui les gardaient nous effrayaient.
    Au petit matin chacun redoutait que le mauvais sort nous frappe à nouveau dans six ans comme ce dimanche passé à Dieppe ou à Vierzon... 

    La comtesse Banette de Bramefont

     

    Quelques habitants de Tarnac projettent de réunir en recueil les textes issus de cette controverse. Si le projet aboutit nous le signalerons dans un prochain numéro.

     

    Contre les nouveaux “rentiers“ et les “bons gestionnaires“

    Il serait intéressant de savoir combien de nos nouveaux électeurs de droite sont enfants ou petits enfants de familles paysannes, communistes ou non. Car ils sont un certain nombre à s’être arrachés aux conditions souvent dites “misérables“ de leurs aïeux par l’exil et le travail dans l’un ou l’autre des foyers de croissance économique. De retour, bon nombre savent être reconnaissants envers un système qui les a promus en rejoignant les rangs des nantis qui ont comme préoccupation centrale celle de préserver leur patrimoine et leur tranquillité – voire éventuellement les quelques vieilles pierres qui leur tiennent lieu de rapport au passé. On imagine leur fierté – assumée ou non – de pouvoir être aujourd’hui reconnus par le dernier des châtelains comme des “libérateurs“. On pourra aussi se demander ce qui reste de l’héritage éthique (si non politique) des dits aïeux.

    La situation qui tend à se confirmer ces dernières années sur le plateau est celle de communes qui n’ont plus rien de “communautés“ mais tendent à n’être plus que la juxtaposition de petits nombrilismes en recherche de “qualité de vie“ dans un cadre verdoyant. Pour beaucoup, il semble qu’après avoir tant sué dans la grisaille des métropoles pour se payer quelque sursis oisif dans la campagne natale, l’attention au commun doive être reléguée au placard. Leurs préoccupations civiques se disent essentiellement en termes de tout-à-l’égout, de lampadaires, de bordures de trottoirs et bien sûr de réductions d’impôts. Pour répondre à de telles préoccupations il ne s’agit plus tellement d’élire quelqu’un de bien ancré dans sa commune, connu et à l’écoute de tous, ni même particulièrement au fait des problèmes des habitants du village dans leur diversité, mais de désigner un bon gestionnaire qui sera reconnu comme tel à l’aune de sa réussite sociale individuelle.

    En attendant, derrière les façades pittoresques de nos bourgades, une guerre silencieuse continue de se mener entre, d’une part, ces nouveaux “rentiers“, surtout occupés à la réalisation de leur bon plaisir, et ceux qui, dans les coulisses, tentent de survivre des expédients qu’on a bien voulu leur laisser (il faut bien encore quelques tâcherons pour tailler les haies, s’occuper des vieux, entretenir le paysage et rénover les maisons secondaires...). Tarnac, avait jusque-là comme réussi à ne pas s’abandonner complètement à cette pente, grâce notamment à un certain activisme municipal et une vraie disposition à l’accueil, dont Jean Plazanet (l’ancien maire) n’était pas la moindre des incarnations. Combien de temps lui faudra-t-il désormais pour ressembler à d’autres bourgs alentours, sans école, sans jeunes, sans lieux communs... tranquilles et propres à en mourir ?

    Nous ne pensons pas toutefois que tout soit dans les mains de la nouvelle municipalité. Que le sort entier d’une commune se joue à une dizaine de voix, dans un sens ou dans l’autre, relève trop de la loterie. Il va de soi que ce qui adviendra de la commune dépendra surtout de ce que nous saurons y faire advenir ensemble – avec ou en dépit des nouveaux élus -, au-delà de l’agitation fiévreuse de ces quelques semaines électorales.

     

    Depuis le Goutailloux, le 19 mars 2008.
  • Ambiance apaisée à Eymoutiers

    L’unique liste « Eymoutiers, une passion commune », conduite par Mélanie Plazanet, a remportée les élections dimanche. Retour sur la campagne et le projet de ces élus.

     

    municipales 2020 eymoutiersC’est une campagne électorale calme, où la principale action des candidats a été de passer chez tous les habitants du bourg et des hameaux pour leur donner le programme. Ce qui a le plus intéressé les gens, si l’on en croit le retour d’une élue, c’était de savoir qui est qui. Trombinoscope en main, chacun y allait de son commentaire : « Lui, c’est mon voisin », « Ah mais c’est la petite unetelle » etc. Bref, comme souvent, les électeurs et les électrices semblaient s’intéresser davantage aux personnes qu’aux programmes. Il est vrai qu’il n’y avait qu’une seule liste donc pas de programme à choisir, et la moitié de nouvelles têtes. Parmi elles, Laurent Delefosse, Elise Levet, François Delcoy, Richard Gora ou encore Emmanuelle Bachellerie. Une équipe d’une grande mixité, tant générationnelle, de 23 à 70 ans, que de parcours professionnel, en vrac : institutrice, éducateur, secrétaires de mairie, infirmière, médecin, chef de chœur, économiste, graphiste, charpentier, animatrice petite enfance, étudiant... « Je suis contente de voir des élus qui ont de la bouteille et d’autres qui débutent, des gens du cru et des néo-ruraux ensemble », se réjouit une habitante, tandis qu’une autre se demande si la mayonnaise va prendre entre toutes ces personnes différentes.

     

    Une seule liste, un programme prometteur

    Une seule liste, on peut considérer ça comme le signe d’une commune où le vivre-ensemble se passe bien. D’ailleurs, ce qui rassemble ces élus n’est pas leur vision politique – on est sur du « divers gauche » – mais leur engagement dans la vie de la cité. « Eymoutiers, une passion commune » est bien trouvé, car effectivement, tous ces élus participent au dynamisme de la commune, au-delà de leur mandat, par leur métier, leur(s) activité(s) bénévole(s) : université populaire, clubs sportifs, cinéma, associations de solidarité… Mais certains électeurs déplorent l’absence d’autres listes « pour faire vivre la démocratie ». D’autant que Mélanie Plazanet est déjà maire depuis cet été, Daniel Perducat ayant souhaité passer la main en cours de mandat pour préparer la transition. Une opération qui a semblé opaque à beaucoup d’habitants, mais finalement plutôt positive et, en définitive, attendue. Côté programme, « C’est prometteur ! », « Ambitieux », « Ils veulent contenter tout le monde » : un programme effectivement très riche. Certaines propositions, plutôt vagues, devront être traduites en actions : valoriser la ressource municipale en eau et promouvoir les systèmes de récupération d’eau pluviale sur les bâtiments communaux, intégrer plus de végétal dans le bourg, valoriser les circuits courts, soutenir les entreprises, PME, commerçants et artisans… Mais certaines propositions sont déjà très concrètes et intéressantes : inventorier les biens sans maître et les logements insalubres, rénover le camping, réfléchir à la création d’un lieu pour les pratiques du skateboard, du BMX et de l’escalade, acquérir du matériel de sonorisation pour les événements festifs ou encore accueillir les nouveaux arrivants lors d’un pot de bienvenue.

     

    Continuité politique

    Globalement, la nouvelle équipe souhaite poursuivre le travail de l’ancienne, dirigée par Daniel Perducat et Jean-Pierre Faye. Ce duo a joué un rôle fondamental dans le dynamisme et l’attractivité d’Eymoutiers. On lui doit de nombreux équipements et le développement ou maintien des services (école, collège, cinéma, maison médicale, bibliothèque, musée, halle des sports, eau en régie municipale, etc.). L’ancienne équipe a également beaucoup travaillé sur le patrimoine bâti, les questions sociales ou le numérique. Côté écologie, un grand pas a été franchi avec la mise en place d’une nouvelle chaufferie pour les bâtiments publics, alimentée par le bois des forêts communales, et le démarrage d’un Plan climat. La nouvelle équipe s’inscrit dans la continuité. Elle souhaite en outre s’emparer du vaste chantier des bâtiments vacants, notamment ceux qui sont propriétés de la mairie, et agir pour le climat, à travers des propositions autour de la mobilité douce et des énergies renouvelables. 

     

    Méthode renouvelée

    Certains habitants estiment toutefois que tout cela est « trop timoré ». D’autres auraient aimé une réunion publique avant les élections, comme cette habitante qui se demande pourquoi un éco-quartier ou comment réduire le trafic des camions, une autre est inquiète à propos du projet éolien. Mais rien à voir avec l’ambiance conflictuelle d’il y a six ans où deux camps s’affrontaient, s’accusant de tous les maux, alors même que les deux programmes, de gauche écologiste, étaient proches sur le fond, mais bien différents sur les modes de gouvernance. Les uns défendaient la légitimité du pouvoir des élus tandis que les autres rêvaient auto-gestion et concertation. Sur ce point, Mélanie Plazanet souhaite se démarquer de ses prédécesseurs. Convaincue des vertus du collectif – elle a travaillé un temps avec les Motivé.e.s à Toulouse –, elle voudrait mettre en place une gouvernance participative. La présence au conseil municipal de personnes issues de pratiques coopératives comme Philippe Simon, retraité d’Ambiance bois, ou Juliana Jimenez, ancienne d’Oxalis, place cette perspective sous de bons augures.

     

    Volonté de dialogue

    Mais quelle forme va prendre cette nouvelle gouvernance ? Le programme évoque une meilleure information, de nouveaux outils de communication, des réunions publiques et des commissions citoyennes. Comme dans toutes les communes marquées par une volonté de participation, il y aura certainement des ajustements à faire, des choses à tester. Les commissions citoyennes ont parfois du mal à vivre, alors que les réunions publiques semblent plébiscitées. Certains habitants proposent la tenue de réunions citoyennes en amont des conseils municipaux, pour exprimer leurs opinions avant la prise de décisions ou proposer des points à aborder. Des collégiennes aimeraient s’investir dans un conseil municipal des jeunes. Bref, il y a une volonté de dialogue des deux côtés, mais tout est encore à inventer. Sur les 1 472 inscrits aux listes électorales (sur 2 046 habitants), la moitié s’est déplacée pour voter dimanche 15 mars 2020 (dont 16 votes blancs et 87 nuls). Maintenant, on a hâte que ce « renouveau dans la continuité » commence !

     

    Emmanuelle Mayer
  • An english creusoise

    Sarah VareSarah Vare fait partie de ceux qui sont arrivés sur le Plateau de Millevaches après avoir pointé un doigt assuré, les yeux fermés, au dessus d'une carte de France dépliée.

    Pour cette citoyenne anglaise, ex-policeman devenue artiste peintre, “c'est le destin” qui l'a conduite jusqu'à La Villedieu en Creuse où elle est installée depuis près de 3 ans avec son mari et ses deux filles. “On en avait marre du bruit et des alarmes des voisins qui sonnaient sans arrêt”.

    De la France, Sarah ne connaît que l’Alsace, Bénodet en Bretagne et Paris, découverts à l'occasion d'un séjour scolaire.

    Le plus dur, au début , avoue t-elle, c'est la langue. “C'est pas tellement les questions que je fais, mais plutôt les réponses qu'on me donne qui me posent problème : un jour, le voisin m'a demandé si j'avais du boulot, j'ai pas compris ce que ça voulait dire alors je suis allée regarder dans mon dictionnaire à bouleau,  j'ai vu que c'était un arbre. J'ai pas compris ce qu'il voulait me dire.”

    Aujourd'hui, elle qui adore la pluie et la neige, vient d'acheter une maison à rénover sur la commune. Ses deux filles sont scolarisées à l'école de Faux la Montagne : “Les enfants sont en bottes à l'école, alors qu'en Angleterre tous sont en uniforme. C'est ça que j'aime ici, c'est qu'on ne fait pas de manières, tout est simple”.

    Pourtant, lorsque Thierry Letellier, le maire de la commune, lui propose de figurer sur sa liste pour les dernières élections municipales, la situation est confuse.

    “Au départ, je croyais qu'il venait nous voir pour qu'on vote pour lui…Quand j'ai compris qu'il voulait que je figure sur sa liste, je lui ai répondu que c'était impossible pour trois raisons : parce que j'étais anglaise, parce que j'étais une femme et parce que j'étais sur la commune depuis trop peu de temps. J’avais peur de ce qu'allaient pouvoir penser les gens… J'étais persuadée que figurer sur une liste électorale se méritait”.

    Au total, Sarah comptabilisera autant de voix que le maire. Pour cette citoyenne britannique, plus qu'une victoire électorale, ces résultats sont le symbole d'une intégration réussie. “A partir de là, je me suis vraiment sentie à l'aise, j'étais chez moi”.

    Si, aux dernières élections présidentielles, Sarah n'a pas pu voter, elle a participé à l'organisation du scrutin dans sa commune. Elle est également fière de ses concitoyens qui ont dit non à l'extrême droite avec 100% des voix pour Chirac au second tour.

    “J'étais présente aussi à Gentioux pour la manifestation du 1er mai et j'ai été touchée par la présence de toutes ces familles, ces parents avec leurs enfants sur les épaules pour manifester contre Le Pen. C'était formidable de me retrouver avec mes voisins au milieu de tout ce monde là…”.

    Aujourd'hui, Sarah Vare avoue volontiers qu'il faut une bonne dose de courage pour quitter son pays d’origine. Consciente qu'elle a eu beaucoup de chance, elle remercie encore le destin de l'avoir conduite jusqu'ici (et nous, le Plateau de Millevaches, de se trouver au centre de la France). A la réponse “et si c'était à refaire” elle m'a tout simplement répondu : “c'est la plus belle chose que j'ai réussie dans ma vie”.

     

    Samuel Deleron
  • Brève n°18 - 12/2006

    breve ipns 18

  • Brève n°69 - 12/2019

    breve ipns 69

  • Brève n°70 - 03/2020

    breve ipns 70

  • Ça s’en va et Sar-re vient

    sarreLe versant creusois du Plateau de Millevaches espérait entrer dans une nouvelle manière de vivre et de partager la politique avec son représentant à l'Assemblée Nationale. Mais vendredi 11 mai 2007 la nouvelle est tombée. Philippe Breuil ne se présentera pas aux élections législatives dans la seconde circonscription de la Creuse. C'est une déception. Elle nous attriste.

    Avec Georges Sarre on retombe dans les ornières de la politique des appareils. C'est un vieux briscard des combinaisons entre les courants et les factions qui se font et se défont depuis 35 ans autour et à l'intérieur du parti socialiste.

    Certes il est natif de Creuse. Mais c'est toujours dans l'orbite parisienne qu'il a vécu ses engagements politiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que les limousins de la Haute-Vienne dont il avait sollicité les suffrages aux législatives de 1978, l'ont gentiment prié de retourner aux affaires parisiennes. En lui préférant Hélène Constans, bien engagée à Limoges, ils avaient fait le bon choix.

    Aujourd'hui il est en charge d'un mandat électoral important à Paris comme maire du onzième arrondissement. En visitant son site parisien on apprend qu'il entend se représenter aux élections municipales de 2008. De cela bien entendu il n'en dit mot aux creusois. Entre ce site parisien et son blog creusois il se livre à un exercice de prestidigitation par dédoublement de personnalité.

    A 75 ans Georges Sarre ne pourra pas "être un député présent, au plus proche du terrain et à l'écoute des attentes des creusoises et des Creusois" et dans le même temps travailler au service de ces électrices et électeurs parisiens. Ce n'est tout simplement pas sérieux. Il trompe le désir des creusois de participer à la vie politique autrement.

  • Élections européennes : comment le Limousin a-t-il voté ?

    Une carte pour mieux visualiser la géographie électorale de notre région

    Réalisées à partir des résultats communaux aux élections européennes du 9 juin 2024, cette carte propose un panorama par « camp politique ». Elle permet de visualiser les zones où domine la gauche et celles où domine la droite (ou plutôt l'extrême-droite). Elle montre surtout l'effondrement du bloc central, même dopé par les votes des Républicains.

    Pour établir cette carte, Rémi N'Guyen – qui en est l'auteur – a regroupé les résultats de différentes listes politiquement proches afin d'établir le camp de la gauche (en l'occurence le Nouveau Front populaire s'il avait existé dès début juin au moment de cette élection), en rouge sur la carte, le camp de l'extrême droite (Rassemblement national + Reconquête), en gris foncé, et le camp de la droite et du centre, peut-être le plus discutable compte-tenu des positions ambiguës des Républicains, qui regroupe les voix des centristes, des libéraux et des conservateurs – en gros la Macronie élargie (en bleu).
    À ces élections, il y avait un grand nombre de listes, 38 au total ! Il n'a donc pas toujours été facile de regrouper ces listes et certaines (la plupart du temps très minoritaires ou marginales, comme l'Alliance rurale par exemple) n'ont été associées à aucun des trois camps, ce qui explique que quelques rares communes (trois sur les 731 de la région) apparaissent en jaune sur la carte. La lecture de cette carte permet de nuancer la vague noire de l'extrême droite bien qu'il ne soit pas possible de nier sa présence majoritaire. L'autre information qui se dégage est la marginalisation du camp macroniste-Républicains.

     

    carte elections europeennes limousin 2025

  • Gentioux-Pigerolles : de surprises en surprises

    commune gentiouxIl y aurait mille choses à dire sur la situation à Gentioux-Pigerolles depuis 2013, date à laquelle Dominique Simoneau commença à faire entendre sa petite musique dans le cadre de la campagne des élections municipales de 2014. IPNS a d’ailleurs, à plusieurs reprises, fait état des prises de positions et fonctionnements de l’ancienne maire de Gentioux-Pigerolles suscitant encore aujourd’hui de fortes émotions et de vives réactions chez nombre d’habitants de la commune. Nous nous concentrerons ici sur deux questions : quels furent les principaux enjeux des élections de 2020 ? Comment en expliquer les résultats - une liste d’opposition qui l’emporte au premier tour et dans son entièreté avec plus des deux tiers des suffrages exprimés, et un taux de participation frôlant les 84 % ?

     

    Sur le premier point, on est d’abord frappé par le climat de défiance qui a entouré la procédure électorale, de l’établissement des listes d’inscrits jusqu’au comptage des voix à la fin du dépouillement. En tout début d’année, des notifications de radiations des listes électorales plus ou moins tatillonnes sont envoyées par la maire. Au point que se met rapidement en place, du côté de ses opposants, une cellule informelle de vigilance et de conseil juridique aux personnes radiées (rappelons qu’il y a six ans, des personnes s’étaient vu contester auprès du Tribunal leur inscription sur les listes jusqu’à ce qu’un juge ordonne leur réintégration et déboute la plaignante, Dominique Simoneau). Le sommet de la tension est atteint le 21 février 2020 lors de la réunion de la commission de contrôle des listes électorales chargée d’établir la liste définitive.

    Pont de Senoueix

    Fait remarquable, sept personnes sont venues assister aux échanges entre les trois membres de la commission (trois habitant.es représentant l’un la Préfecture, l’autre le Tribunal et le dernier la Commune). Avant même le début de la réunion, qui se tenait dans une petite pièce surchauffée de la mairie, un vif échange entre le représentant de la Préfecture et un habitant, à propos de la volonté du second d’enregistrer les débats, donnait le ton. Par la suite, le premier autorisant la salle à intervenir dans les échanges, on assista à des scènes de négociation pied à pied pour estimer si oui ou non un tel ou une telle pouvait encore justifier d’attache à la commune. L’occasion de constater que le même représentant de la Préfecture, un enfant du pays et jeune retraité de la police nationale, était extrêmement bien renseigné sur la vie des habitants de sa commune.

    Il fallut bien deux heures pour venir à bout de la trentaine de sortants (radiés d’office ou ayant perdu attache à la commune) et des... soixante-neuf nouveaux entrants. Sur une précédente liste de 287 inscrits, et une élection qui s’est joué à quelques voix il y a six ans, l’enjeu était de taille et la tension dans la salle à la mesure. Le toujours représentant de la Préfecture précisera à la fin que la commission s’était montrée magnanime dans l’acceptation de certains documents normalement insuffisants pour s’inscrire ou contester une notification de radiation. À bon entendeur… Au final, seul un refus d’inscription était contestable au Tribunal, mais la personne concernée y renoncera, après de longues tergiversations, pour des raisons financières (frais d’avocat) et ses calculs de bonne chance que sa liste l’emporte sans sa voix.

    Le jour du vote fut un autre révélateur du niveau de défiance atteint à Gentioux pendant la dernière mandature. Le bureau de vote du bourg de Gentioux, présidé par Dominique Simoneau, fut principalement tenu par des conseillers municipaux de sa majorité, tandis que la tête de liste d’opposition, Denise Jeanblanc, avait déclaré en mairie des assesseurs et autres contrôleurs des opérations de vote issus de sa liste. Ainsi, en continu et dans les deux bureaux de vote (Gentioux et Pigerolles), des personnes de la liste d’opposition se relayaient par deux pour surveiller la bonne tenue des opérations.

     

    Un vote et un dépouillement électriques

    C’est ainsi qu’elles assistèrent en milieu de matinée à l’esclandre d’une habitante reprochant l’absence d’éléments obligatoires sur la table (code électoral, liste des membres du bureau, etc.), puis, quelques heures plus tard, à une pénurie d’enveloppes dans les deux bureaux. La maire, Dominique Simoneau, finit heureusement par en dégoter dans un stock qui restait à la mairie.

    Le pic fut atteint lors du dépouillement au début duquel Dominique Simoneau contesta la présence derrière elle de trois personnes déclarées comme « contrôleurs  des opérations de vote ». « On ne doit pas avoir les mêmes valeurs dans la commune », lâcha-t-elle devant leur absence de réaction. Elle n’insista pas et les trois vérificateurs passèrent les deux heures et demie que dura le dépouillement à suivre scrupuleusement le va et vient des bulletins et leur lecture. Tandis que dans la salle, pas moins de trois personnes doublaient le comptage officiel par des comptages personnels. Ce qui donna lieu, à la fin du dépouillement, à une demi-heure de comparaisons et de recomptages des dizaines de petits bâtons avant qu’un accord ne soit trouvé sur le nombre de voix à accorder à chaque candidat.es. Ambiance… 

    Mais le sort de chaque liste était déjà joué tant l’écart était grand (en moyenne autour de 63 voix pour la liste sortante et 188 pour la nouvelle prétendante). Un écart visiblement pas anticipé par les deux personnes chargées officiellement de noter les petits bâtons et qui durent, au milieu du dépouillement, scotcher des rallonges à leurs feuilles pour noter les nouveaux bâtons qui n’avaient plus de cases pour les recevoir.

    Le tout dans un climat sanitaire qui reconfigurait étrangement les espaces : pas plus de dix personnes dans le public sur consignes de la Préfecture et donc une foule, venue largement d’au-delà des limites de Gentioux, massée derrière les vitres de la salle des fêtes et tentant de déchiffrer en direct les comptages officieux opérés à l’intérieur. 

    Mais aussi, petit à petit, à mesure que le groupe de personnes s’agrandissait, la distance sanitaire d’un mètre s’était réduite à peau de chagrin dans le sas d’entrée. Dominique Simoneau, mélangeant tout à la fois les casquettes d’ancienne institutrice, d’officière de police et de présidente de bureau de vote, tenta plusieurs fois, en vain, de disperser cette foule, menaçant d’interrompre le dépouillement, à grand renfort de « sortez », « il doit y avoir un mètre entre vous » , « c’est du civisme, si ce mot vous dit quelque chose, faut arrêter les gamineries » et pour finir, lâcha un « ça promet » désabusé. La bande de cancres aux remarques parfois franchement désobligeantes n’en avait cure, montrant là leur ras-le-bol accumulé pendant ces six années et marquant que le pouvoir avait changé de camp.

     

    Éolien, apaisement et participation des habitants

    Et c’est bien ce sujet que la liste gagnante avait mis en tête de son programme : comment après ces années de « crispation », « ne pas prendre sa revanche » mais travailler à « aller vers une commune plus apaisée » ? entendait-on lors de sa présentation publique du 21 février 2020 dans la salle des fêtes de Gentioux, « ne plus se regarder avec les craintes et les peurs engendrées par des incompréhensions liées à des différences de convictions, de façons de vivre, de penser ». Et les membres de la liste égrènent comment y parvenir : relancer le comité des fêtes (fêtes des jonquilles de Pigerolles, du fameux pont de Senoueix), publier un bulletin municipal co-écrit avec des habitants...   

    Une seconde présentation publique de la même liste a eu lieu le vendredi 6 mars 2020 à Pigerolles. L’occasion d’insister aussi sur un autre point de divergence avec l’équipe sortante : le mode de gouvernance. On parle ici de réunion d’habitants sur des sujets cruciaux de la commune comme la gestion de l’eau, les projets éoliens industriels, le budget. Il est aussi question de groupes de travail élu.es/habitant.es sur la forêt, l’installation d’agriculteurs, de transparence et d’outils de communication. Un projet donnant une large place à la parole et à l’action des habitant.es, à l’image de cette liste qui donne la forte impression de jouer en équipe, soudée et sans chef.

    Au total, entre les habitant.e.s de Gentioux et de Pigerolles, une centaine de personnes différentes, soit un tiers du corps électoral, aura assisté à l’une ou l’autre de ces présentations publiques. La plupart d’entre-elles déjà acquise à la cause générale mais tout de même curieuse d’en savoir plus sur les détails. Ainsi, des questions précises et sans complaisance ont été posées concernant les positions de la liste sur les projets éoliens révélés par un tract anonyme distribué quelques semaines auparavant ou sur la diversité des habitats et leur situation au regard de la loi.

    L’unique présentation de la liste de Dominique Simoneau fut tout autre et, elle aussi, à l’image de sa façon de faire. C’était le 8 mars dans la salle des fêtes de Gentioux. Dans le public, vingt-cinq personnes dont seulement trois en soutien à la liste de la maire sortante. « Un enterrement de première classe », commentera un participant à la sortie. Devant l’écran où sont projetées les diapos, une Dominique Simoneau omniprésente et des colistier.es silencieu.ses ou même physiquement absent.es pour deux d’entre eux. Il est vrai qu’une des absentes avait précédemment et publiquement fait des déclarations de soutien en faveur de l’autre liste (qu’elle a découverte sur le tard et qu’elle trouve beaucoup plus proche de ses idées)… Pour l’autre, on n’en saura rien. Pour autant, c’est pour d’autres raisons que cette soirée, qui dura plus de quatre heures et se clôtura par un pot, restera dans les annales.

     

    maudite soit la guerreUn incroyable moment politique

    En effet, étant sortante et donc flanquée d’un bilan à défendre, Dominique Simoneau eut à subir un feu roulant et parfois véhément de questions et de contradictions diverses de la part du public. Il fut question, entre autres, de l’intention d’arrêter le réseau de chaleur, du soutien aux projets éoliens, de l’absence des élu.es au marché d’été, des bâtons dans les roues à des projets d’installation d’activités, de la mise à l’index d’une partie de la population, de l’exercice autocratique du pouvoir. Courageusement, et avec une volonté de dialoguer et de donner sa version des faits sans faille, Dominique Simoneau a répondu point par point, pied à pied, seule, pendant quatre heures. On l’avait rarement vu si avenante face à l’adversité. Campagne électorale oblige ? Si rien n’aura avancé au terme de ce marathon, quel moment politique ce fut que de parler à bâton rompu et sans langue de bois des affaires de la commune. Que nous étions loin des échanges cordiaux des présentations de l’autre liste.

    On n’oubliera pas la présentation d’un des colistiers de Dominique Simoneau, prenant la pose debout en beau costume, revendiquant son compagnonnage avec le RPR de Chirac et aujourd’hui avec le parti La République en Marche, à Limoges et à Guéret, mais insistant par deux fois sur le fait qu’il se présentait là « sans étiquette ».

     

    Les hypothèses d’une défaite

    Si les experts en analyse électorale de la liste gagnante avaient pressenti le vent tourner en leur faveur, rien n’annonçait un tel raz-de-marée dans les urnes. Que s’est-il passé, alors que le contexte général de la commune n’a apparemment pas fondamentalement changé en six ans pour que Dominique Simoneau perde autant de soutien (70 voix parties en fumée entre les deux scrutins) ? Elle à qui La Montagne et France 3 ont régulièrement ouvert leurs colonnes pour accueillir ses diatribes contre « l’ultragauche du Plateau », elle qui avait écrit une motion prenant la défense des entrepreneurs empêchés d’entreprendre et reprise par plusieurs conseils municipaux de Corrèze, elle qui avait conquis une vice-présidence de la communauté de commune Creuse-Grand-Sud et se targuait du soutien de la préfète de Creuse ?

    Diverses hypothèses peuvent être avancées pour expliquer un tel retournement. D’un côté, il y a les habitant.es qui adhèrent aux valeurs, aux propositions, à l’environnement culturel de la liste gagnante. Ceux-ci sont sûrement en nette augmentation sur la commune et les mouvement d’entrée-sortie sur les listes électorales ont été en leur faveur. De l’autre, il y a les défections du côté des perdants. Le mode de gouvernance autocratique de Dominique Simoneau, décidant de tout, toute seule, des menus de la cantine à l’équipement du nouveau bar, et réduisant les personnes de son conseil à des bénis-oui-oui, n’est pas passé inaperçu et a créé frustration et agacement parmi des proches de mairie, dont des élu.es et des employé.es.

    Son absence de communication et de transparence, en général et particulièrement sur les projets éoliens, en ont touché d’autres. Des habitants de Pigerolles ont déploré le manque d’attention à leur commune (associée à Gentioux dans les années 1970) et des parents d’élèves son intrusion permanente dans les affaires de l’école, et ce avec des décisions malvenues (horaires du périscolaire, pas de financement pour les sorties à la piscine…) et une attitude hautaine envers les enfants et le personnel. Surtout, à en croire des candidats ayant été reçus dans les maisons lors du traditionnel porte-à-porte, ses soutiens d’hier pourraient ne pas lui avoir pardonné son incessante volonté de diviser et d’attiser les tensions.

    Enfin, on peut imaginer que des personnes qui, bien que connaissant et n’appréciant pas la personnalité de Dominique Simoneau pour l’avoir fréquentée comme enseignante ou autre il y a une dizaine d’années ou plus, avaient voté pour elle il y a six ans par peur de l’inconnu. Cet inconnu présenté dans les médias comme une secte violente prête à tout pour semer le désordre... Parfois, entre deux maux, on préfère celui que l’on connaît car, au moins, on le connaît. Pour ceux-ci et celles-là, peut-être que la piqûre de rappel de la personnalité de Dominique Simoneau, liée à ses nouvelles fonctions à la mairie d’un côté, et la présence sur la liste opposée de Denise Jeanblanc, ancienne adjointe auprès de Pierre Desrozier, plusieurs fois maire dans les années 1980 et 1990, de l’autre, aura fait la différence.

  • Le parachutage en politique

    L’inénarrable Jack Lang disait un jour : « Je ne voudrais pas être parachuté d’en haut. » Eh bien, suivons son regard. Au vu de ses pérégrinations électorales, Nancy, Paris, Blois, Arras, re-Paris, il savait de quoi il parlait. Nous vous proposons donc de voir d’en-bas, au ras des pâquerettes du Plateau, si notre région a connu des épisodes marquants de parachutage politique. À première vue, il y eut dans notre histoire électorale autant de crashs que d‘atterrissages réussis.

     

    election limousin parachutage

     

    Un peu d’histoire, sans remonter trop loin : Viviani, un précurseur 

    Vers 1900, l’américain Broadwick plie son parachute dans un sac à dos lacé, puis en 1908, introduit la poignée d’ouverture automatique. Deux ans plus tôt, un brillant ex-député de la Seine, né à Sidi-Bel Abbès, décide d’investir le monde rural vierge, à Bourganeuf précisément. Pourquoi donc et à cause de qui ? Sans aveux indiscutables, on ne peut qu’imaginer ceci : les paysans limousins commençaient à abondamment voter socialiste, et Viviani aimait les vaches à lait. Entré quelques mois plus tard dans le premier cabinet Clémenceau, il n’aura d’ailleurs guère l’occasion de labourer ses nouvelles terres d’élection (jeu de mot) creusoises. Pourtant réélu député en 1910 (quel homme !), il siège  enfin à l’assemblée jusqu’en 1913, avant de retrouver quelques maroquins ministériels. C’est ainsi qu’en août 1914, devenu président du conseil (Premier ministre), il aura l’honneur et la gloire de déclarer la guerre à l’Allemagne. Et la Creuse ensuite ? Eh bien non. Bien que réélu député en 1919, puis sénateur en 1922, il n’a pas eu le loisir de visiter amplement les verdoyants paysages du Limousin, siégeant entre autres à la toute nouvelle société des nations (SDN). Il a donc laissé plus de traces sous les lambris dorés qu’aux foires de Bourganeuf, ce qui fit dire ceci à Clémenceau, son meilleur ennemi : Viviani est un « orateur péripatéticien, faisant des harangues kilométriques. » Le père la victoire cita même Fénelon à son propos : « L’éloquence démagogique, c’est l’art de parler seul et longtemps. » Pas très sympa tout de même, il a sa statue devant la mairie de Bourganeuf.

     

    Marcel Paul et les parachutes rouges

    En 1945, le PCF devenu « premier parti de France » n’avait pas grand chose à conquérir. Mais à démolir, oui. Refusant déjà de lui laisser la place qu’il espérait, vu ses états de service, le Parti veut museler le grand résistant Georges Guingouin. Pour ce faire, on parachute à Limoges un dirigeant « de base », Georges Citerne (futur député des Deux-Sèvres), un préfet « de base », Jean Chaintron (futur sénateur de la Seine), et pour faire bonne mesure, un militant « de base », Marcel Paul (futur ministre). Ce dernier, meneur syndical, résistant, déporté, faisait doublement l’affaire. Élu député en 1945 (Guingouin était en troisième position sur la liste, donc inéligible), Marcel siège deux semaines à l’Assemblée, avant de devenir ministre de la production industrielle. C’est à ce titre qu’il va promouvoir les grands travaux hydro-électriques dans les vallées de la Maulde et du Taurion. En 1948, il retourne au syndicalisme, fini le Limousin.

    Ce parti de masse va donner un nouvel élan au parachutage, en lui trouvant une variante : le parachute local. Voulant mettre sur la touche (encore ?) un élu trop indépendant, le Dr Fraisseix, maire d’Eymoutiers, on lui oppose la figure emblématique d’Alphonse Denis, député de la Haute-Vienne, vice-président de l’Assemblée Nationale. C’était en 1961. Et le parachute ne s’ouvrit pas ! Le pauvre Alphonse, qui ne méritait pas ça, dut aller un peu plus tard se faire élire conseiller général chez lui, à Limoges.

     

    parachuteLe gaullisme en quête de fiefs 

    Un léger bond dans le temps, plutôt en deltaplane. Particulièrement agacé par la résistance des limousins, trop à gauche à son gré, le Général décide un programme de conquêtes. Cela commence en 1965 avec la mairie de Limoges, alors tenue par le socialiste Louis Longequeue. Il lui fallait une « pointure », ce fut Pierre Mazeaud, membre du cabinet du Premier ministre (Michel Debré), et accessoirement alpiniste réputé. D’où un avantage évident pour le parachutage. Échec : ce qu’auraient dû savoir les élites parisiennes, c’est qu’à Limoges, une bonne partie de l’électorat « modéré » avait l’habitude de voter Louis, rouge à Limoges, rose à Orléans, et blanc à Paris. Mazeaud, même pas limogé, eut bien d’autres récompenses : député des Hauts-de-Seine puis de Haute-Savoie (et maire de Saint-Julien en Genevois, pour les parachutages il y a le plateau des Glières, juste à côté), secrétaire d’État, président du Conseil Constitutionnel, c’est quand même plus sexy que la mairie de Limoges.

    Arriva alors le plus grand parachutage réussi de l’histoire, Jacques, je vous laisse trouver le nom seuls. Si vous ne connaissez pas bien sa biographie, il y a là une nouveauté. Énarque brillant, secrétaire d’état (à l’emploi), Jacquot avait un avantage sur ses prédécesseurs parachutistes : ses grands-parents paternels étaient corréziens et enfant, il passait ses vacances du côté de Sainte-Féréole. Il avait un autre grand-père franc-maçon, ce qui peut servir. La bataille des législatives de 1967 fut rude, en terre de Haute-Corrèze, tenue jusqu’alors par des radicaux et où le PCF restait puissant. Là, JC. réussit une sorte d’alchimie qui devait durer longtemps, appuyée sur un réseau bien organisé Paris-Corrèze (il y avait même une course cycliste !), et un « missi dominici », arrivé également par les airs à Meymac, Georges Pérol. Vous connaissez la suite. Pour l’anecdote, en 1967 « on » avait aussi parachuté Robert Mitterrand, frère du François pas encore socialiste.

     

    Les socialistes justement 

    Il y eut bien Charles Spinasse (voir IPNS n° 59) mais à vrai dire, ce journaliste corrézien installé à Paris avait tout de même un des deux pieds à Égletons. Passons... Le must, ce fut encore la Haute-Corrèze, où Chirac la faisait un peu trop « monopole ». 1981 : F. Mitterrand élu, l’idée lui vient de proposer à un tout jeune énarque de son cabinet, prénommé aussi François, d’aller affronter Chirac en Corrèze. C’est le début des racines limousines de François Hollande, né en Normandie, monté à Paris à Sciences Po, et qui n’a guère ensuite quitté la Capitale, là où tout se décide et où se font les carrières. Hollande, 27 ans, est battu. Mais le gars est opiniâtre. Rapidement élevé dans la hiérarchie du PS, il forme un couple de « parachutables » : sa femme dans les Deux-Sèvres, et lui ? Il suffit de trouver la bonne ville et le bon canton, et hop, on monte les marches, mais plan-plan tout de même : conseil municipal d’Ussel (1983), député de Tulle (1988)... Ce sera Tulle « ma ville », et Vigeois « mon terroir ». Là aussi, vous connaissez la suite. L’amusant, c’est que cette même année 1981 apparaissait un autre parachute, plus rouge celui-là. Le PCF avait son apparatchik à caser, qui s’appelait Christian Audoin. Député ? Mais Chirac était indéboulonnable, alors au moins conseiller général ? On choisit judicieusement son canton, ce sera Bugeat, alors très rouge. Conseil régional (élu en Corrèze), présidence de PNR ? Pour un homme qui habite alors Limoges, cela relève bien du parachutage, non ?

    Il me semble qu’il y a eu un trou d’air pour de telles opérations, depuis au moins 20 ans. La populace semblait renâcler. Alors, une nouvelle stratégie, plus modeste, fit son apparition : « Je saute, pas de haut, et j’atterris en douceur dans le pré d’à-côté... » Voyez les municipales. Il n’est pas facile, faute d’aveux des intéressés, de différencier le calcul partisan, l’opportunisme et l’ambition personnelle. Ainsi, en 2014, « on » veut démolir la maire sortante à Rempnat, le grand gourou a celui qu’il faut sous la main dans son cabinet. Le « vrai » socialiste (il s’en défend aujourd’hui) qui empoche l’affaire est en 2020 député suppléant LREM. Il a déménagé, mais pas à Rempnat... plus loin. La même année, un zébulon précédemment parachuté à Vassivière trouve que Peyrat est plus cool que Chaptelat. Il est toujours là, mais de qui a-t-il encore le soutien ? Mystère. Maires absents, ça fait un peu penser à « père absent », non ? Il doit manquer quelqu’un quelque part. Et cette année ? on en reparlera sûrement, nous sommes dans une ère un peu troublée, faite de beaucoup d’auto-parachutages. Une sous-préfecture, Aubusson, c’est toujours mieux qu’un patelin paumé (merci pour eux au passage). Alors, soit l’un oublie son parachute et s’écrase – « L’intelligence, c’est comme les parachutes, quand on n’en a pas, on s’écrase » (Pierre Desproges). Tirant les affaires au clair, il a finalement renoncé… Soit un autre, parce qu’il faut un poids lourd à la mairie, tentons donc un parachute léger, on verra bien. Et enfin, un troisième envolé depuis Lyon, mais le trajet est contre les vents dominants, alors l’atterrissage ?

    Aux électeurs de se faire une idée : vaut-il mieux un (prétendu) meilleur, mais… ailleurs, ou un (prétendu) moins bon, mais présent ? 

     

    Maurice Clédassou
  • Mais on entend au loin comme le bruit de couteaux qu’on aiguise

    L’ASDEHC, Association de soutien au développement économique de Haute-Corrèze, sollicite les conseils municipaux du Plateau pour adopter une motion inspirée de celle votée cet été par la commune de Gentioux, dans laquelle elle demande aux « services de l’État » de soutenir les élus face aux « malveillances, incendies et intimidations » qui empêcheraient, selon elle, aux agriculteurs, entrepreneurs et associations de s’implanter et de travailler sur le plateau de Millevaches. Il n’est pas inutile de replacer cette étrange motion dans le contexte général, d’une part des prochaines élections municipales, d’autre part des véritables menaces qui pèsent sur le territoire, et qui ne sont certainement pas les quelques événements auxquels se réfère la motion.

     

    Qui parvient à regarder au-delà du Mont Bessou ne peut que voir l’extraordinaire tumulte qui a saisi le monde entier. Les échos de soulèvements, d’une intensité inconnue depuis des décennies, d’un bout à l’autre de la planète et jusqu’à la France elle-même, parviennent par bribes jusqu’ici par la vertu de moyens de communication inconnus ou presque il y a encore vingt ans. 

     

    ouvrez les vannes 2

     

    Plus personne ne peut prétendre ne pas savoir

    Tout se déroule devant nos yeux. Le réchauffement toujours plus apocalyptique de l’atmosphère – dont les effets réels sont devenus sensibles même aux plus incrédules – les extinctions de masse, les guerres contre-insurrectionnelles, la crise énergétique, le délitement des liens communautaires, les massacres, le pillage des dernières ressources par ceux qui en ont encore les moyens, la destruction méthodique des derniers lambeaux de « l’État social ». Et face à cela, des peuples qu’on croyait endormis qui se dressent et font face, même aux balles. Plus personne ne peut prétendre ne pas savoir.

    Dans tous les palais du pouvoir, on fait mine d’être concernés, on consulte, on met en œuvre des politiques de « transition énergétique », on caresse les arguments que, hier encore, on accueillait d’un rire gras. Le monde de l’entreprise, les politiques se saisissent – « enfin » diront certains – de la brûlante question de l’écologie. Cette soudaine prise de conscience n’arrive pas seulement trop tard, elle cache à peine une tentative ultime de prolonger encore un peu la gabegie qui nous a amenés là, sous le masque avenant de la « transition ». 

     

    « Intérêt général » et espèces invasives

    Les agriculteurs, les forestiers, les entrepreneurs ne sont, dit-on, que des victimes parmi les victimes, forcées depuis des décennies à l’endettement pour tenir dans la course à la rentabilité. Ici comme ailleurs, les élus locaux, tout à leur louable souci de l’« intérêt général », font corps avec eux, face aux calomnies, face aux menaces, face au rejet dont une grandissante frange « radicalisée » de la population les accable. Chacun, chacune, joue sa partition, les uns suivent des formations de communicants pour vendre leur efforts et leurs bonnes pratiques, les autres (les élus corréziens de l’Association de soutien au développement économique de la Haute-Corrèze, entre autres) font voter des motions pour demander aux « services de l’État » (joli euphémisme pour parler des forces de l’ordre) de protéger les premiers contre (sans la nommer formellement) cette nouvelle espèce invasive que sont les « ultras », les « khmers verts », les « anti-tout », les « ultra-individualistes », les « totalitaires », les « violents », bref... les « anti-républicains ». Tout cela constituant une « mouvance » qui serait par avance coupable de tous les maux.

    On s’émeut, dans une même phrase, d’incendies qui restent inexpliqués (celui de Lubrizol ?), des constructions hors normes, des subsides de la CAF à des espaces de vie sociale du Plateau, des instituteurs-trices « prosélytes », et de quelques échanges de paroles un peu véhéments lors de réunions publiques. 

     

    Airs grinçants

    On comprend bien, dans un tel climat de terreur, où les agents économiques du territoire en sont à raser les murs à cause de quelques « chevreuils » impénitents, que cette campagne électorale pour les municipales s’ouvre sur des airs grinçants. Ça n’aura d’ailleurs pas échappé au staff de campagne corrézien du Rassemblement National tout près à voler au secours des élus locaux assiégés en se proposant de présenter des listes au cœur de la bête, comme à Tarnac par exemple. Ce climat relativement soudain – si on excepte celui qui brillait déjà de ses prophéties avant-gardistes sur le grand-remplacement local aux dernières élections municipales, Dominique Simonneau, « maîtresse » de Gentioux – ce climat, donc, ne tombe pas du ciel. Des incendies il y en a eu avant, bien avant même, pour toutes sortes de mobiles, des mouvements pour s’inquiéter de tel ou tel projet industriel aussi, des cabanes et des yourtes... aussi. Ce qui a changé ces derniers mois et années, c’est que, d’un côté, ce qui passait pour des lubies de « choubabs » (l’effondrement biologique) est passé, en catastrophe, au statut de vérité télévisée, et que, de l’autre, quelques politiciens locaux sans vergogne se sont mis en tête de capitaliser électoralement sur le désarroi (bien compréhensible) de ce qu’il reste de classes laborieuses rurales. Le magnifique sursaut populaire incarné par les Gilets Jaunes, qui ne s'en laissent pas conter, a déjà largement compromis leur stratégie cynique, mais pour combien de temps ?

     

    Le grand règlement de comptes

    Voilà plusieurs années que le coup se prépare entre le conseil départemental de la Corrèze, la rédaction de La Montagne, les permanences de tel ou tel député ou sénateur, les couloirs de tel ou tel conseil communautaire. À coup de publi-reportages qui ne disent par leur nom, sur la filière-bois, sur la filière-viande, sur le mal-être des agriculteurs, sur la menace d’« ultra-gauche » ou « écolo-activiste », à coup de petites phrases dispensées à l’envie sur l’antenne de France Bleu Limousin, dans telle ou telle réunion ou inauguration, dans la rubrique « indiscrétions » du journal La Montagne, dans un reportage de complaisance du 19/20 de France 3 Limousin à Gentioux en plein mois d’août. Rien d’étonnant dès lors que ce petit foyer de ressentiment rural régulièrement attisé, notamment par Pascal Coste depuis son arrivée au conseil départemental de la Corrèze, suscite aujourd’hui la convoitise pèle-mêle de La République En Marche, en la personne du député Jean-Baptiste Moreau, ou du Rassemblement National qui ont l’un et l’autre besoin de se refaire dans le secteur. 

    Depuis des mois donc on prépare les cœurs et les esprits à un grand règlement de comptes, où l’on fera dans un grand brouhaha fleurant bon le pogrom, passer les « ultras » du Plateau ou d’ailleurs et tout ce qui s’en rapproche de près ou de loin, pour responsables du malheur du bon peuple des campagnes. Oui ce sont eux et elles LE problème, bien plus que le démantèlement des services publics, la politique agricole, la fermeture des écoles, des postes, des trésors publics, l’augmentation des prix des carburants, les déremboursements de médicaments, les retards au versement des primes, la sécheresse, la pénurie d’eau, les déserts médicaux, les trop petites retraites, le traitement inhumain des anciens et de celles et ceux qu’on paye au lance-pierre pour les gérer, la baisse des dotations municipales, la prolifération des normes, la disparition des truites, du train et de l’hôpital, celle de L’Écho, les coupes rases à perte de vue, l’érosion partout visible, et bien sûr la fin de l’eau potable au robinet.

     

    Benjamin Rosoux

     

    L’ASDEHC c’est quoi ?

    Créée à l’initiative d’élus de Haute-Corrèze en 2018 en réponse à la mobilisation contre le projet d’usine à pellets de Bugeat-Viam, l’Association de soutien au développement économique de la Haute-Corrèze (ASDEHC) vise à soutenir tout type de projets qui peuvent contribuer au développement économique de Haute-Corrèze (voir le reportage de Télé Millevaches : http://telemillevaches.net/videos/une-usine-en-question-episode-3). Depuis quelques semaines, l’ASDEHC, présidée par le maire de Pérols-sur-Vézère, Alain Fonfrède, s’est engagée dans une mobilisation farouche via une motion dans laquelle, prenant prétexte de quelques sabotages ou incendies inexpliqués, elle déplore que « des agriculteurs, des entrepreneurs, des associations ne puissent plus s’implanter, se développer, créer des emplois, travailler en paix sur notre territoire » et que « l’économie liée à la sylviculture et à l’élevage ne puissent pas s’exercer en toute sérénité ».
    L’association prévoit d’élargir son champ d’action à la Creuse et la Haute-Vienne, soit l’ensemble du Plateau, a lancé une campagne d’adhésion auprès des élus, relayée en Creuse par Dominique Simoneau, et souhaite également « mobiliser la population ».
  • Municipales

    ­affiche voteDans les communes rurales, lorsqu’un scrutin municipal se profile à l’horizon la révision des listes électorales retient toute l’attention des équipes au pouvoir. Dans certaines communes on fait la chasse à la population en double compte : étudiante, hospitalisée, migrante, en double résidence, etc. Ailleurs on est moins regardant et il arrive dans bon nombre de communes de trouver autant et plus d’électeurs que d’habitants permanents. 
    Un survol rapide du territoire du Parc Naturel de Millevaches est assez révélateur de ce phénomène. Toutes les communes du PNR ont été visitées et quelques communes non adhérentes de leurs cantons ont été également observées.

     

    Plus d’électeurs que d’habitants : Un particularisme rural en Limousin

     

    En Haute-Vienne

    En Haute-Vienne dans deux communes, Beaumont-du-Lac et Saint-Gilles-les-Forêts, il y avait autant de votants que d’habitants le jour du premier tour de scrutin. Mieux que cela, à Beaumont-du-Lac, pour le second tour, le nombre des électeurs dépassait celui des résidents permanents ! Située en bordure du lac de Vassivière la commune détient un record avec une proportion considérable de résidences secondaires (plus des trois quarts de son parc immobilier) alors qu’à Saint-Gilles-les-forêts elles ne représentent qu’un tiers des logements.

    La possession d’une résidence secondaire, l’attachement aux racines familiales sont les mobiles les plus souvent invoqués pour justifier ce surnombre d’électeurs. On remarque quelquefois chez des jeunes et moins jeunes retraités le désir d’exercer un pouvoir local souvent mal perçu voire inaccessible dans les concentrations urbaines. Sans oublier la plénipotence du droit de propriété qui depuis 1789 a malheureusement défini les contours de notre citoyenneté française. Le traditionnel conservatisme des propriétaires fonciers non résidents est souvent le plus grand frein à l’émergence de nouvelles activités économiques agricoles ou autres dans les communes rurales.

     

    En Creuse et en Corrèze

    Quoiqu’il en soit, dans les cantons haut viennois et creusois seules des petites communes de moins de 165 habitants sont concernées. Elles sont deux sur sept dans les cantons de Royère-de-Vassivière et de Gentioux-Pigerolles. Elles sont cinq sur neuf dans le canton de La-Courtine et cinq sur quatorze dans celui de Crocq. Ces deux cantons sont en bordure de la Corrèze où la pratique des listes électorales gonflées semble mieux établie. Elles sont deux communes sur neuf dans le canton de Corrèze, trois sur dix dans celui d’Eygurande, trois sur huit à Sornac, cinq sur douze à Treignac, six sur dix à Meymac, sept sur onze à Bugeat, pour en rester sur le PNR et ses contours. On y rencontre des communes de plus de 300 habitants qui pratiquent cette surabondance d’électeurs. Cette singularité corrézienne aurait-elle quelque rapport avec l’importance de la pratique des sociétés d’originaires pour les Corréziens de Paris ? C’est bien dans ce cadre qu’en 1907 Henri Queuille qui se destinait à une carrière médicale à Paris a été sollicité par ses concitoyens émigrés à Paris pour se présenter aux suffrages des habitants de Neuvic d’Ussel. Une sollicitation qui l’a destiné à une carrière politique corrézienne et nationale prestigieuse.

     

    Des “listes ouvertes“ : Une avancée pour la démocratie ?

     

    Dans plusieurs communes du plateau, on a assisté lors des dernières élections municipales, à la présentation de «listes ouvertes», des listes uniques où s’inscrivent tous ceux qui font acte de candidature, ce qui aboutit à avoir plus de postulants que de sièges à pourvoir. Bien sûr ce système est seulement possible dans les petites communes où le panachage est de règle et très largement pratiqué.

    Deux communes du sud de la Creuse ont opté pour ce procédé de liste ouverte : Crocq, chef lieu de canton de 546 habitants, et Néoux, 300 habitants, dans le canton d’Aubusson.  

     

    chatoux

     

    A Crocq

    C’est la deuxième expérience de liste ouverte : en 2001 il y avait eu vingt cinq candidats pour quinze sièges à pourvoir. Parmi les candidats figurait Jacques Longchambon, marqué à gauche par sa candidature simultanée au poste de conseiller général. En 2008, la liste ouverte proposait 19 candidats, avec seulement cinq “rescapés“ de l’ancien conseil, le maire et la plupart des anciens conseillers ne se représentant pas. Cette fois Jacques Longchambon a été élu et sur la proposition des cinq conseillers sortants, il a été le seul postulant à la fonction de maire à laquelle il a été élu à l’unanimité du conseil.

    La profession de foi de la liste avec son programme avait été préparée d’abord au sein d’un petit groupe, puis discutée et amendée par l’ensemble des candidats. Ainsi, chacun d’eux se reconnaissait dans les propositions avancées.

     

    A Néoux

    C’est à l’initiative du maire sortant, candidat à sa propre succession, Jean-François Ruinaud que la liste ouverte s’est constituée. Il avait en effet gardé un souvenir amer de la campagne électorale de 2001, où il y avait deux listes en présence. Il souhaitait éviter en 2008 les fractures qui en avaient découlé. La liste comportait 16 candidats pour 11 sièges à pourvoir. La profession de foi a été établie lors d’une réunion entre tous les postulants au cours de laquelle seules les propositions acceptées par tous ont été retenues.

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    Les deux maires concernés sont très satisfaits de cette manière de procéder, qui paraît bien adaptée aux petites communes. Elle évite les oppositions, parfois durables, qui naissent ou s’exacerbent au cours des campagnes électorales. Elle permet de sélectionner ceux qui apparaissent les plus compétents ou qui sont le plus largement  appréciés. Enfin, l’énergie des candidats est concentrée sur les projets à réaliser plutôt que sur la lutte entre clans opposés : dans les communes de petite taille on ne peut guère se payer le luxe de reproduire les clivages politiques partisans.

     

    Néanmoins le procédé a des limites. D’abord il conduit à une certaine dépolitisation : même si beaucoup estiment que l’ancrage politique n’a que peu d’incidence sur l’action municipale dans une petite commune rurale, on peut aussi penser que l’attention aux problèmes sociaux tels que les inégalités ou l’exclusion sera plus grande de la part d’élus de gauche alors que ceux de droite chercheront plutôt à contenir les impôts et à diminuer les charges des entreprises. Et il reste quelques situations où l’opposition droite-gauche réapparaît, comme pour la désignation des délégués des conseils municipaux pour les élections sénatoriales. 

     

    Ensuite, la recherche de l’unanimité peut empêcher que soient retenus les projets les plus innovants, ceux qui peuvent heurter une partie de la population parce qu’ils traduisent une vision à plus long terme. Or les élus municipaux ne doivent pas chercher à faire le moins de vagues possible, ils ont aussi un rôle de leaders à exercer pour conduire la population vers de nouvelles perspectives. Mais ces inconvénients éventuels n’existent pas dans tous les cas. Il faut juger sur pièces en se souvenant que les conflits peuvent être féconds dans certaines circonstances – ils contribuent à faire avancer les choses – mais aussi paralysants et stérilisants dans d’autres occurrences.

     

    Hommes et femmes : la parité est encore loin

    Les faits ont encore beaucoup de mal à rejoindre les principes de la loi. Celle-ci exige que dans les communes de  plus de 3500 habitants il y ait parité hommes femmes sur les listes électorales. Au niveau des résultats on est loin du compte ! Les femmes ne représentent que 35% des élus municipaux. Et pour ce qui concerne la place des femmes comme maire on en est encore aux balbutiements. Moins de 14 % des villes et communes de France ont choisi une femme comme maire. C’était la proportion des femmes élues maires en Creuse en 2001. En élisant dix femmes de plus en 2008 le département de la Creuse avec 16,9 % rejoint les huit départements métropolitains qui ont 17 % et plus de femmes à la tête de leurs municipalités. Ce progrès dans la parité ne s’est pas retrouvé pour les élections au conseil général de la Creuse. La loi imposait aux candidats de prendre un suppléant de l’autre sexe. Mais au final la résultat est désastreux, une seule femme siège à l’assemblée départementale : 3,7 %, et 13,1 % pour la France ! 



    Une commune conflictuelle

    A Croze, les 211 habitants ne cultivent pas l’unanimisme. Qu’on en juge : en 2008 ils ont une nouvelle fois changé de maire, le quatrième depuis 1989 !

    La liste d’opposition a enlevé haut la main, mais en deux tours, les onze sièges à pourvoir. Cependant cette victoire n’a pas apaisé les tensions puisque les élus se sont ensuite divisés pour l’élection du maire : le vainqueur a été élu par six voix contre cinq. 

    Par ailleurs deux recours au tribunal administratif ont été déposés : le premier par la liste gagnante concernant le scrutin du premier tour et qu’elle a retiré après sa victoire au second tour. Le second par la maire sortante, visant un tract injurieux trouvé dans certaines boîtes aux lettres la veille du scrutin du premier tour.



    124 noms au dépouillement ! 

    A Saint-Quentin-la-Chabanne, commune de 357 habitants, une seule liste conduite par le maire sortant se présentait aux suffrages des habitants. Le maire et ses dix colistiers ont tous été élus dès le premier tour. Les suffrages se sont dispersés sur 124 noms et pas toujours à bon escient : outre la désignation d’une personne décédée, d’autres suffrages relevaient davantage de la malveillance ou de la discourtoisie, toutes preuves d’incivilités démocratiques. Le maire octogénaire et ancien agriculteur entame sa troisième magistrature à la tête de la commune. En se préparant  à célébrer son cinquantième anniversaire d’élu municipal il dit combien la vie municipale est absorbante : “si je n’étais pas maire je ne saurais pas quoi faire“. C’est une façon de voir les choses...

     

    Alain Carof et Jean François Pressicaud
  • Qu’attendons-nous des élu.es municipaux ?

    En mars 2020, les urnes seront ressorties dans toutes les mairies pour désigner les futurs conseillers municipaux. Mais quel rôle confie-t-on aux élus quand on glisse notre bulletin dans l’urne ? Quel rôle, nous en tant qu’habitant.es, souhaitons-nous remplir pour la commune ? Et si nous en parlions dans chacune de nos communes d’ici les prochaines élections ? 

     

    syndicat montagne limousine 2019 AG

     

    Naissance du Syndicat de la Montagne limousine

    C’est officiel ! Le 3 novembre 2019, à Peyrelevade, un peu plus de 150 personnes étaient réunies pour la naissance officiel du Syndicat de la Montagne. Une démarche encore largement en construction plutôt qu’une structure clé en main. C’est pourquoi il est facile et possible de le rejoindre pour contribuer à en faire un outil adapté aux besoins du territoire.

    Le Syndicat de la Montagne limousine est issu d’une démarche vieille de plusieurs années dans laquelle des habitantes et habitants, à titre personnel souvent, au nom d’une structure parfois, cherchaient à se doter d’un outil pérenne pour mieux agir ensemble, croiser leurs expériences et leurs pratiques, établir un rapport de force plus favorable à leur vision du territoire. Bref, une sorte de boîte à idées et d’outil de mutualisation qui sache à la fois prendre des positions et construire des réponses concrètes aux besoins de tous et de chacun. Si le mot « Syndicat » a été choisi, c’est pour dire la double intention du projet : d’une part défendre les intérêts d’un territoire et de ses habitants et habitantes (à l’instar par exemple des syndicats de salariés ou d’usagers) et d’autre part construire collectivement des outils communs (à l’instar par exemple des syndicats de gestion de l’eau ou des syndicats d’électrification). Bref être à la fois sur la défensive et dans l’offensive, tout en développement des actions et réalisations très concrètes.

     

    Un projet en 6 points

    La vision du territoire défendue par le Syndicat s’inscrit explicitement dans la continuité des propositions pour une plateforme de la Montagne limousine, un texte écrit en 2014 comme un « contre-scénario » pour le Plateau face aux scénarios qu’à la même époque la Datar nous concoctait1. Dans cette filiation, le Syndicat a également écrit un texte qui présente les six perspectives dans laquelle il s’inscrit aujourd’hui et qui se résume en six points : 

    • Relocaliser l’usage des ressources du territoire (l’eau, l’énergie, la forêt, l’alimentation)
    • Permettre l’accès à la terre et au logement pour toutes et tous
    • Défendre les infrastructures existantes et se doter des moyens et des services dont le territoire a besoin
    • S’organiser face aux violences du système, de l’économie et à l’arbitraire administratif et se défendre
    • Mettre en place un droit d’asile local : il n’y aura pas d’expulsions sur la Montagne limousine
    • Mettre un terme à notre échelle à la destruction du vivant, des sols et des milieux de vie humains et non humains2.

     

    Des groupes qui agissent

    Dans cette optique plusieurs groupes de travail ont été lancés. Un groupe sur les  biens vacants prépare la réalisation d’une brochure sur le sujet et proposera aux nouvelles équipes municipales issues des prochaines élections une formation technique sur cette question. Un groupe sur l’eau réfléchit à la gestion et la distribution de cette ressource pour éviter qu’elles ne soient confiées à des sociétés privées étrangères au territoire dont les motivations ne sont pas spécialement les mêmes que les communes qui en assurent encore la gestion aujourd’hui. Un groupe d’entraide administrative et juridique assure déjà depuis plusieurs mois des permanences gratuites ouvertes à tout un chacun dans différents lieux (un peu à l’image de ce que réalise sous d’autres formes un groupe d’entraide psychologique qui intervient depuis 8 ans en complémentarité de professionnels). Existent aussi un groupe « exilés », un autre sur l’agriculture, encore un autre sur la question de l’autonomie et des réponses à envisager face aux changements climatiques et à l’épuisement des ressources sur la planète. Le jour de l’assemblée de Peyrelevade, s’est également constitué un groupe sur la forêt dont une des premières actions sera l’accueil en décembre d’une mission de plusieurs parlementaires sur le sujet. D’autres thématiques ont été évoqués : énergie, éducation, etc.

     

    Un séminaire les 30 janvier, 1er et 2 février 2020

    Jusqu’à maintenant, le projet de Syndicat a avancé via des séminaires de travail de plusieurs jours (une semaine en janvier réunissant 23 personnes, 3 jours en avril et 3 jours en septembre réunissant à chaque fois une trentaine de personnes). Ce mode de fonctionnement sera continué en 2020 avec 4 rendez-vous, dont un « camp d’été » plus large en juillet. Le prochain séminaire est prévu fin janvier et début février sur un vendredi, un samedi et un dimanche pour permettre au maximum de personnes de se rendre disponible. Ces assemblées sont actuellement les lieux de décision légitimes pour orienter les actions du Syndicat, ce qui n’empêche pas les différents groupes de fonctionner en toute autonomie. Un petit groupe de coordination composé de 9 personnes venant de différentes communes du Plateau, en Creuse, en Corrèze et en Haute-Vienne, assure le suivi des différentes actions pour aider au bon fonctionnement de l’ensemble. Une de ses premières actions est de mettre en place une lettre d’information pour que chacun puisse suivre ce qui se fait et disposer également d’un canal pour diffuser idées et propositions.

     

    1 Lire le texte de la plateforme dans IPNS n°46 ou ici : http://frama.link/_A8GQHs7
    2 Une plaquette détaille ces objectifs : http://frama.link/HxWaH5m5 
    On peut en demander des exemplaires imprimés.

     

    La fabrique de l’ennemi intérieur, ou quand les services de l’État fabriquent un plateau fantasmé

    À plusieurs reprises déjà, des représentants de l’État ou de collectivités se sont ingéniés à inventer un plateau peuplé de dangereux et séditieux anarchistes, prêts à confisquer le territoire des mains des paisibles et honnêtes habitants qui le peuplent. Qu’il s’agisse de l’affaire de Tarnac ou plus récemment de la pantalonnade de l’An zéro, les exemples ne manquent pas. 

    Mais voilà qu’un nouveau front s’ouvre, et pas des moindres : l’école. 

    Lors de leur traditionnelle « réunion de rentrée », le 11 septembre 2019, les directeurs d’école de la circonscription Aubusson-Bourganeuf ont ainsi été appelés à la vigilance par le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) de la Creuse. 

    Dorénavant compétents pour donner leur agrément à des intervenants extérieurs pour mener, par exemple, des actions dans les domaines artistique ou culturel, ces directeurs ont été invités à solliciter l’avis des services de la DASEN avant toute décision. Pourquoi ? Car la DASEN possède « des informations que vous n’avez pas. Dans notre département, des associations sont soupçonnées de radicalisation et de dérives sectaires, notamment dans le sud de la Creuse et plus particulièrement sur le plateau de Millevaches ». Et la situation est d’autant plus sensible qu’ « on n’est pas les seuls à avoir ce problème, [c’est] également [le cas] en nord Corrèze ».

    Bigre ! Le danger guette… Mais quel danger ? Là, les choses sont moins nettes… : « Je [le DASEN] reste volontairement flou. Sachez qu’il y a des familles qui risquent de se faire embrigader, donc je vous alerte sur ce sujet. Ce sont des informations que je tiens des services de la Préfecture. »

    Rien à voir, bien entendu, avec le climat de suspicion et de chasse aux sorcières qui s’installe petit à petit, attisé par certains élus qui ont du mal à accepter la pluralité des points de vue... Calomnions, calomnions, il en restera toujours quelque-chose...
  • Quand la démagogie chasse la démocratie

    Le témoignage que nous publions ici est celui d’un maire d’une commune de l’Indre. Après quatre mandats de maire, il a vu le travail patient de son équipe remis en cause par l’arrivée inopinée d’un jeune retraité. Une histoire qui montre la fragilité de projets qui nécessitent du long terme et la versatilité d’électeurs qui ne voient parfois guère plus loin que le bout de leur nez.

     

    La démocratie est le meilleur des régimes, tout le monde s’accorde à le dire (encore pouvons-nous remarquer que nous essayons d’y échapper en confiant à un président tout puissant le soin de conduire nos affaires ; mais là n’est pas la question). De toute façon, de bonnes institutions, comme de bons outils, ne suffisent pas à assurer de bons résultats. Quelles sont donc les conditions complémentaires de la réussite ? Les élections municipales peuvent-elles, sur ce point, apporter quelques enseignements ?

     

    Dans les petites communes, le plus souvent, deux équipes s’affrontent, conduites chacune par des prétendants à la fonction de maire dont les motivations peuvent être très différentes, allant du désir désintéressé de travailler au bien commun à celui d’exercer un pouvoir pour en être récompensé. Seul l’examen de situations concrètes peut nous faire progresser dans la recherche de la meilleure solution et surtout nous préserver d’erreurs quelquefois lourdes de conséquences. Parmi d’autres, voici un exemple.

     

    Une histoire exemplaire 

    Une commune d’un département voisin, de moins de mille habitants, s’était engagée depuis plus de vingt ans à poursuivre trois objectifs :

    • Développer son économie (ce qui n’est pas original),
    • Restaurer et valoriser son patrimoine bâti (sa principale richesse),
    • Devenir en même temps un lieu de rencontre et de création contemporaines (pour ne pas regarder que le passé).

    Au cours de quatre mandats, cette politique, poursuivie par des conseils qui s’enrichissaient à chaque élection de quelques nouveaux éléments, a produit des résultats :

    • Création de deux petites zones artisanales, 
    • Création de quatre foires agricoles importantes, * aménagements de magasins pour de nouveaux commerces,
    • Restauration complète d’une église pré-romane, * aménagements d’espaces publics et de l’entrée du bourg, réfection de façades,
    • Accueil en résidence d’écrivains, musiciens, photographes dont les travaux ont conduit à des livres, un festival, des expositions, des films., 
    • La construction de nouveaux équipements (un collège, un gymnase, des logements, un centre de secours, une salle de spectacle) confiée à des architectes et des paysagistes de grand renom.

     

    Grâce à cela, le village a pu conquérir une certaine notoriété qui lui amena de nouveaux résidents, en même temps que se dessinaient de nouveaux objectifs qui permettraient de conforter son activité. En particulier, un prieuré, dans un cadre particulièrement attrayant, devenant disponible, il fut envisagé d’en faire un centre culturel et touristique qui apporterait  au village et à toute la région les moyens d’accueil qui leur manquaient, tout en étant lui-même objet de visites et d’activités. Ce projet reçut l’approbation de l’État et de la Région de telle sorte qu’il fut inscrit dans le Contrat de Plan 2001-2007 au titre des grands travaux d’aménagement du territoire.

    Vinrent les élections municipales de 2001.

    La gestion d’un village actif, de surcroît classé parmi les plus pittoresques, suscite beaucoup d’envie, en particulier parmi les habitants nouvellement installés qui y voient le moyen d’occuper leur récente inactivité. Ce désir est légitime et généralement profitable à la communauté lorsque ceux-ci s’engagent à poursuivre un travail depuis longtemps commencé et qui a accumulé à la fois expérience et relations. Mais il n’en est pas toujours ainsi.

     

    Effrayer et détruire

    demagoDans ce village, deux équipes sollicitaient le suffrage des électeurs ; celle qui, depuis plusieurs mandats, tout en se renouvelant, poursuivait le même objectif, une autre, conduite par une personne tout récemment arrivée dans le pays, qui se sentait l’envie et la capacité de diriger la commune.

    Comment pour cette liste, qui n’avait pas d’état de services à montrer, espérer l’emporter sur celle dont le bilan était incontestable ?

    Elle choisit tout simplement d’effrayer les électeurs en leur faisant croire que le projet de la première priverait chacun des services qu’il pouvait attendre de la commune. Cette crainte fut répandue habilement dans chaque maison, accompagnée de promesses adaptées à chaque interlocuteur : pour les uns c’était la réfection d’un trottoir, ailleurs le renforcement de l’éclairage public, pour d’autres la promesse d’un emploi… Ces arguments arrivant dans un contexte général de méfiance (c’était le temps de la vache folle et de la préparation à l’euro), l’emportèrent largement au point que cette liste fut élue en totalité. La population se réjouit alors d’avoir échappé à un grand péril.

     

    Le nouveau maire s’acharna à effacer les traces du travail de l’ancien conseil partout où cela était possible; abandonnant évidemment les projets en cours, vendant les maisons destinées par la commune à faire des logements locatifs, vendant jusqu’à la cure communale et une place publique, arrachant les plantations récentes faites par l’ancienne équipe…

    Deux ans après, les vainqueurs avaient fait la preuve de leur incapacité à gérer convenablement la commune de telle sorte que le tiers des conseillers démissionnèrent. Lors des élections partielles qui suivirent, les candidats de l’ancienne équipe furent tous élus ; le maire à son tour démissionna entraînant une nouvelle élection qui confirma le revirement des électeurs. Mais le mal était fait.



    A l’extérieur l’image du pays était ternie, les projets abandonnés avaient vu leur financement s’orienter vers d’autres objectifs et les habitants, s’ils ne soutenaient plus une équipe discréditée, conservaient encore une partie des craintes qui leur avaient été inspirées.

    Le reste du mandat ne put complètement corriger ces désordres ni rattraper les occasions perdues, d’autant moins que les derniers élus des élections partielles de 2003 n’avaient pas la majorité et si la vie communale retrouva plus de calme, des plaies avaient été ouvertes qu’il était difficile de refermer.

     

    Les élections de 2008 en firent partiellement la preuve.

    Une nouvelle majorité se constitua autour de l’ancienne équipe favorable au projet du centre culturel et touristique mais de nouveaux prétendants à la direction de la commune utilisèrent encore, bien que plus timidement, les mêmes procédés qui avaient fait le succès provisoire des élus de 2001.

     

    Cette histoire d’une petite commune ne serait qu’anecdote si elle ne s’était observée en de nombreux endroits. Le journal Le Monde consacrait dans son édition du 3 avril 2008, une page entière à des événements semblables observés dans des villes plus importantes. Il y est raconté que les municipalités de Saint-Étienne, Béthune, Lodève, Rodez, Chalon-sur-Saône avaient chuté à cause de projets, d’urbanisme ou culturels, qui avaient pour objectifs la valorisation à long terme de leur ville

     

    Intérêts individuels et intérêt général

    Bien sûr, la faute est aussi du côté des battus, pour n’avoir pas su suffisamment expliquer et convaincre et tout simplement d’avoir été trop confiants dans la qualité de leurs propositions. Il reste qu’une des faiblesses de la démocratie est d’ouvrir trop souvent la porte à la démagogie. Quel remède à cela ?

     

    Expliquer inlassablement que le confort de chacun n’est pas seulement fait de petits avantages personnels, ceux qui sont immédiatement visibles, généralement situés autour de chaque habitation, mais dépend d’un ensemble beaucoup plus complexe. S’il est bien  que les routes soient entretenues, l’éclairage public suffisant, le village attrayant, cela ne suffit pas à y rendre la vie confortable. Il faut pouvoir y trouver une grande variété de services. Le retraité le moins exigeant attend qu’il y ait un bon médecin pour le soigner, des artisans pour le dépanner…Ces conditions élémentaires ne sont plus aujourd’hui données d’avance. Il faut en particulier que le pays soit suffisamment attractif pour y retenir de jeunes familles naturellement intéressées par la richesse et la variété de la vie urbaine. 

    Pour que nos pays puissent satisfaire ces besoins de sociabilité il est nécessaire qu’on se préoccupe de quelques nouvelles questions comme l’accueil des personnes, les activités culturelles, les relations avec l’extérieur. Ce sera donc le rôle des élus d’un territoire de ne pas oublier ces conditions “invisibles” mais bien réelles de la vie sociale.

     

    Promettre de satisfaire les désirs immédiats et émiettés de chaque électeur est peut-être le moyen de gagner une élection, mais c’est conduire, plus ou moins rapidement, la population et un territoire dans une impasse. 

     

    Si, à l’inverse, on se préoccupe de répondre aux nouveaux besoins de la population, en particulier des jeunes, si l’on arrive à construire un pays où il est agréable de se rencontrer, de participer à des manifestations de qualité, on ajoutera à ce qui fait le succès des villes nos propres avantages, ceux de l’espace, de la qualité de l’air, de nos paysages, l’avantage aussi de relations plus apaisées. Nous pourrons y ajouter le sentiment d’appartenir à une communauté ou à un pays dont l’identité est bien perçue, non seulement sur place, mais tout autant à l’extérieur. Ces conditions ne se construisent pas en un jour, il faut y consacrer du temps, quelques moyens mais surtout de la persévérance et du discernement. Alors, villages et campagnes ne seront plus ces lieux éloignés, un peu délaissés, mais des lieux à la fois protégés et ouverts sur le monde, enrichis de tout ce que les hommes savent inventer de bien.

  • Rempnat ou la mort d’une commune

    À Rempnat, en Haute-Vienne, comme à Saint-Yrieix-la-Montagne en Creuse, aucune liste ne s’est présentée au premier tour des municipales 2020. Il y a en France, plus d’une centaine de communes dans ce cas. Mais tout n’est pas perdu : une liste peut être déposée entre les deux tours, faute de quoi la préfecture mettra la municipalité sous tutelle et organisera une nouvelle élection. Si rien ne se passe, elle restera sous tutelle ou fusionnera. Voyons comment une commune, qui avait 23 candidats en 2014, en arrive là 6 ans plus tard.

     

    gard aneRecette : Comment faire disparaître une commune ?

    Ingrédients, pour 140 personnes :

    • un chef parachuté,
    • des conseillers uniquement animés par la volonté d’éliminer une équipe soupçonnée d’être trop écolo-gauchiste-alternative en 2014,
    • un non-projet politique,
    • un discours plein de grands mots dissimulant mal le désir d’exclure les indésirables,
    • une gestion jupitérienne,
    • une touche de féodalité,
    • une bonne dose de mépris de classe vis-à-vis des salariés de la commune.

    Laisser mijoter pendant six ans, sans remuer surtout, ni assaisonner.

    Résultat : une chape d’inertie fade et sans saveur. Plus d’animations, un cantonnier à mi-temps, une mairie fermée depuis fin février, un patrimoine et la voirie négligés…

     

    Plutôt mourir que laisser vivre

    C’est ainsi qu’en 2014, voulant « sauver » leur bourg du péril alterno-innovant des prétendus néo-ruraux, des habitants, en refusant de s’impliquer réellement, incapables de porter un véritable projet pour leur commune, en ont signé l’arrêt de mort. Alors, pourquoi ? Est-ce par dépit de se voir « confisquer » par des « nouveaux arrivants » les idées susceptibles de faire vivre leur petite commune ? Ou par peur du changement ? Ou plus grave : résurgence de vieux démons tels que xénophobie, misogynie… Ou tout simplement une certaine apathie symptomatique d’un orgueil délétère qui a fait dire à quelques-uns « laissez-nous mourir en paix ».

     

    Une liste décapitée, une mort sous tension

    Quoiqu’il en soit, en 2020, le maire, Bruno Gardelle, ne se représente pas. Et personne ne veut reprendre le siège. Or, dans la conception hiérarchique qui semble primer dans l’équipe sortante, sans chef, point de salut. Donc, pas de liste et pas d’élections. Les quelques personnes qui auraient pu se lancer dans l’aventure se sentent découragées devant l’étendue de la tâche. Face à une commune morte, pas facile de se projeter dans l’avenir... Toujours est-il que, bien qu’il n’y a pas eu d’élections à Rempnat le 15 mars, les tensions de 2014 sont toujours là. En effet, le dernier bulletin municipal, signé par le maire, les a ravivées. Il a cependant fait réagir un « fan-club » qui a rédigé une réponse humoristique pour le remettre à sa place, en rectifiant point par point ses allégations et en révélant des faits opportunément passés sous silence : un procès pour licenciement abusif perdu auprès du tribunal administratif, une tentative pour récupérer des biens sans maître qui se sont avérés pas vacants du tout...  Des petites affaires dont beaucoup d’habitants n’avaient pas même entendu parler. 

     

    La prose de Monsieur

    Il faut préciser que ce bulletin est un morceau d’anthologie d’auto-satisfaction et de grandiloquence, condescendant au possible et flirtant avec le ridicule à chaque phrase. S’il est représentatif de la gestion des dernières années, on peut comprendre le mécontentement d’un certain nombre d’habitants. On y perçoit à quel point le personnage est loin de la réalité du pays qu’il prétend « gérer depuis la capitale ». À quel point sa réflexion est toute faite de préjugés faciles sur les « révolutionnaires » mangeurs de rutabagas (?) et « autres caillades », sur le monde associatif qui ne doit surtout pas se mêler de tenir un « espace de convivialité et d’ouverture » de type commercial, à savoir l’auberge. Bref, on voit pourquoi la dernière mandature n’a pas su réduire les clivages. Et l’absence d’élections ne va rien résoudre non plus... 

     

    mairie rempnat

     

    Pour finir un petit extrait d’un poème

    Si vous avez envie que disparaissent nos communes
    Au profit des métropoles dont toutes les lumières
    Aveuglent les miséreux et obscurcissent le ciel ;
    Que ce soit leurs élites au clinquant démagogue 
    Qui décident pour nous du destin de nos vies.

    « Si vous avez envie… »,
    anonyme, 2014

     

    Rempnat condamnée par le tribunal administratif

    La municipalité de Rempnat a été condamnée par le tribunal administratif de Limoges le 13 février 2020. L’arrêté de décembre 2017 pris par le maire Bruno Gardelle pour licencier le cantonnier de la commune est annulé. Rempnat devra lui verser 3 500 euros et le réintégrer à son poste. Curieusement, l’information n’est pas parue dans le bulletin municipal. En mai 2017, Bruno Gardelle a commencé subitement à rendre la vie difficile à cet employé municipal, jusqu’à lui hurler dessus, le laissant en état de choc fin juin 2017 juste avant une réception importante pour Bruno Gardelle : l’inauguration d’un hangar. L’employé a été placé en arrêt maladie par son médecin traitant pour dépression. Bruno Gardelle, voyant cet arrêt se renouveler de mois en mois, l’a enjoint à passer une visite chez un autre médecin, non agréé, au service des patrons, Charles Bezot, alors maire de Magnac-Bourg, dont la liste a du reste été largement battue le 15 mars 2020. Ce dernier avait déclaré, comme cela lui était demandé, le cantonnier apte au travail. Cet argument n’a pas convaincu le tribunal administratif. Le parcours de la victime de Bruno Gardelle a été long et il a réellement été en dépression. Après trois années éprouvantes de procédures, il a enfin obtenu gain de cause.

     

  • Y-a-t-il une vie démocratique après les élections ? Une association citoyenne à Nedde

    Nous nous sommes présentés aux élections municipales dans la commune de Nedde (Haute-Vienne) par mécontentement à l’encontre du conseil en place d’une part, avec le désir de présenter des idées nouvelles d’autre part. Nous étions la liste marginale des trois qui se présentaient sur la commune. En effet, les deux premières, nées d’une scission entre communistes et socialistes, étaient composées d’anciens conseillers municipaux et d’habitants originaires de la commune. C’est peu dire la difficulté de s’imposer !

    Nous avons cependant été très bien accueillis dans chaque foyer où nous nous sommes présentés. Nous avons pu exprimer nos déceptions face à l’inertie de l’équipe en place, et ce dans de nombreux domaines ; assainissement, voirie, peu de mesures sociales tant en faveur des jeunes que des plus âgés, pas de participation demandée aux habitants, aucune anticipation face à des problèmes à venir comme les réseaux d’eau potable et aucune vision à long terme pour le développement de la commune. Tout ceci créant un désintérêt progressif pour la vie communale...

     

    election nedde

     

    Bousculer l’ordre établi

    neddeEn outre, et ce depuis des années, il y a suprématie d’une classe politique qui ne reflète plus la réalité mais qui reste comme le modèle unique à maintenir, qui laisse la part belle aux querelles de pouvoir et aux discours politicards dont les habitants n’ont que faire... Nous avons donc expliqué que notre liste voulait bousculer l’ordre établi, impulser une nouvelle dynamique en mettant en avant des projets fédérateurs, environnementaux (travailler à obtenir le label Village terre d’avenir, projet de développement durable) ou sociaux (créer un conseil municipal de jeunes, réfléchir à des instances d’aides pour maintenir les plus âgés d’entre nous dans leur commune, initier un jumelage pour découvrir d’autres horizons et d’autres problématiques, voir au-delà de notre petite commune...).

    Notre liste composée par une majorité de personnes non originaires de la région, considérée peut-être comme composée de doux rêveurs, n’a pas obtenu les suffrages souhaités. Nous n’avons néanmoins pas considéré cela comme un échec, mais plutôt comme un ressort au vu des débats et discussions que nous avons pu soulever pendant la campagne.

     

    Nous savons qu’il faut laisser du temps aux gens pour s’adapter aux idées nouvelles, pour les apprivoiser et se les approprier. Nous savons également que la résistance aux changements et le conservatisme ont encore de beaux jours devant eux dans nos campagnes !

     

    Une association à vocation citoyenne 

    route de fauxMais à Nedde, une amorce d’évolution a pointé le bout de son nez. Trois listes c’était déjà une révolution et au bout du compte, nous avons un conseil municipal renouvelé malgré les apparences. Fort de toutes ces petites secousses, notre petit groupe a décidé de continuer sous une autre forme le travail entamé, car il nous paraît important de ne pas laisser retomber ce souffle nouveau.

    Aussi sommes nous en pleine réflexion pour créer une association loi 1901 à vocation citoyenne, instance d’échanges, de réflexions et d’actions dont une des premières mesures sera d’assister aux conseils municipaux pour se tenir informés des projets et décisions de nos élus, mais aussi de pouvoir être force de proposition auprès de ceux-ci, d’être porte-parole des habitants dans leurs attentes et dans leurs souhaits de mettre en place sur la commune des actions fédératrices, innovantes, issues d’une démarche participative et dont le seul but est de devenir acteur dans sa commune, dans l’intérêt de tous.

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    Contacts : Chantal Lebouquin et Françoise Lulek