brasserie

  • La félis felletinoise

    etiquette biere felis felletinAu cœur de l'été les felletinois ont eu la surprise de découvrir sur leur marché réputé du vendredi un nouvel étal où leur est offerte une bière savoureuse aux couleurs de leur ville : la félis. Alessio Batazza, romain d'origine et sa compagne Rebecca Julien, native de Creuse, viennent tout juste de créer à Felletin la Brasserie de la Creuse. Tous deux ont vécu plusieurs années à Edimbourg en Ecosse où Alessio a fait ses études supérieures et exercé une profession d'informaticien dans la toile des multimédias. Ils y ont aussi apprécié le goût et la passion de la fabrication de la bière artisanale. Plutôt que de se propulser dans les hautes sphères de la société virtuelle, Alessio a persuadé sa compagne de revenir s'enraciner en Creuse pour créer une brasserie artisanale.

    Ils connaissaient les charmes de la Creuse et la vertu de ses mille sources d'eau pure sans aucun traitement comme il en existe à Felletin. Sans trop de conviction sur leur projet, la municipalité leur a cependant offert l'opportunité d'installer leur brasserie dans un bâtiment désaffecté des ateliers municipaux.

    Tout en suivant les stages d'installation à la création d'entreprise, avec une aide familiale qualifiée, Alessio et Rebecca ont tôt fait de restaurer la masure en ruine. En même temps qu'ils transformaient du matériel de laiterie d'occasion pour en faire un coquet atelier de maître brasseur. Un travail rude et exigeant pour respecter les normes draconiennes de toute production alimentaire. Un travail pressant pour arriver le plus vite possible à brasser les 400 litres de bière qu'ils ont projeté de produire chaque semaine pour assurer la rentabilité de leur entreprise.

    brasserie felis felletinAujourd'hui avec les croisillons de ses colombages la Brasserie de la Creuse a fière allure à l'entrée des ateliers municipaux, près de la gare. Cette nouvelle implantation met en valeur un pôle artisanal et culturel encore ignoré de beaucoup de felletinois. Trois entreprises aux fonctions pourtant très hétérogènes se sont installées presque simultanément sur ce site. Avec l'échange d'outils, de matériel et de coups de mains il s'est très vite instauré entre elles un faisceau d'entraide mutuelle. La jeunesse, la qualité et l'ambition de ces nouveaux entrepreneurs sont de bon augure pour la notoriété de ce quartier.

     

    Pour personnaliser leur production de qualité nos jeunes brasseurs ont choisi une partie du toponyme de Felletin pour caractériser leur bière du nom mythique de Felis. Les mémorialistes qui s'interrogent sur l'origine toponymique de Felletin sont toujours surpris. Pas moins de 15 toponymes ont été recensés. Aussi rien d'étonnant à ce que se soient multipliées ses significations étymologiques. Sur la belle étiquette de leurs 75 cl nos entrepreneurs ont fait le choix d'une de ces légendes où Felletin tire son nom d'une double origine mythique. La félis (déesse de la fougère) dans le panthéon des divinités celtiques ou romaines rejoint le cortège des nombreuses déesses de la végétation qui dans les civilisations agraires participent au culte de Vénus, la divinité de la fécondité. Quant à la rivière non moins mythique du Tin, nul ne repère aujourd'hui le sillon de sa trace dans la topographie felletinoise. Prenait-elle sa source au village de Thym situé en aval du confluent de la Rozeille et de la Creuse ? La cartographie de l'IGN le situe sur la rive gauche de la Creuse alors que sur la carte de Cassini du XVIIIème ce village se trouve sur la rive droite. Qu'importe ! Les mythes ne sont-ils pas des symboles de la mémoire collective d'une société ? Au-delà de la légende la felis ne pourrait-elle pas tenir lieu de symbole identitaire pour la sociabilité felletinoise et de passerelle entre les générations ?

     

    En effet, au fil des marchés de l'été Alessio et Rebecca ont établi des relations de fidélité avec leur clientèle. Les vieux felletinois se sont très vite appropriés la félis et sa présentation. Car ils y ont retrouvé les saveurs d'une bière qui se brassait jadis à Felletin. D'ailleurs pour le confirmer, les chercheurs qui travaillent sur l'inventaire patrimonial de Felletin ont retrouvé la trace de la dernière brasserie Felletinoise. En 1930 dans les locaux du moulin du Liaport, Monsieur Combas installait une brasserie artisanale attenante à un dépôt de carburants. Il a cessé sa production de bière en 1970.

    houblonDepuis la nuit des temps, la bière se fabriquait à l'échelle locale, en Creuse comme ailleurs. N'est-elle pas reconnue aujourd'hui comme la boisson alcoolisée la plus vieille du monde ? On retrouve le maltage de la céréale, sa germination et son brassage en eau pure dans toutes les civilisations de la Mésopotamie à l'Egypte en passant par l'Espagne pour arriver en Gaule où les celtes l'appelleront la cervoise.

    En souhaitant longue prospérité à la félis de la brasserie de la Creuse pourquoi ne pas préfigurer dans un proche avenir une fête de la bière et de la production artisanale dans cette vieille cité où l'artisanat d'art et de production ne cesse de lui assurer une singulière renommée.

    La Félis est en vente le vendredi sur le marché de Felletin et le samedi au marché d’Aubusson. On peut aussi l’acheter à la Brasserie de la Creuse, rue des Ateliers à Felletin.

     

    Alain Carof
  • Une bière pour changer le monde

    La "1000" est une nouvelle bière locale fabriquée en Creuse depuis le 1er avril 2008. Ses artisans, Zoé et Christian, se sont installés dans les locaux de l’ancienne gare de Croze, qui sont désormais ceux de la “Brasserie du plateau“ – et même un peu plus...

     

    1000 vachesAu bord de la D982, entre Felletin et la Courtine, se trouve l’ancienne gare de Croze. Le village lui-même (200 habitants) se situe à un kilomètre à l’écart. 

    “Le café de la gare, l’auberge des voyageurs... Toutes ces enseignes encore lisibles en bord de route ont fermé après la gare“, explique Christian en m’accueillant.

    “On vient de Paris, porte de Clichy, commence Christian. On est arrivés en 2005“. Zoé travaillait dans la publicité audiovisuelle, Christian organisait des randonnées en bateau. Cela ne leur laissait que peu de temps pour voir leurs enfants. “On les emmenait à l’école, puis de l’école chez la nounou, et c’est la nounou qui les couchait. On rentrait juste pour leur dire bonne nuit“, se souvient Zoé.



    Changer de vie

    Début 2005 ils décident de “tout changer“. Ils déménagent en septembre et leurs enfants font leur rentrée scolaire en Creuse.

    “On a brassé dès qu’on est arrivés ici“, se rappelle Christian. “À l’époque, ce n’était même pas une micro, mais une pico-brasserie, raconte Zoé. Et au début, ça n’était même pas de la bière“. Ce n’est que quand leurs recettes sont au point qu’ils vont à la rencontre d’autres brasseurs. Peu à peu, le couple arrive à écouler sa production auprès des amis. Durant deux ans, ils ont l’exigence de faire au moins un brassin (de 30 litres) par semaine.

     

    Mais au fait, pourquoi la bière ?

    “C’était une boutade au départ, explique Zoé. On n’avait pas réussi à refaire le monde, alors on allait au moins faire la boisson autour de laquelle d’autres pourraient le faire, en rêves ou en paroles.“.

     

    Micro-brasserie 

    À l’été 2007 Christian fait une formation brassicole théorique tandis que Zoé se forme à la gestion. Enfin en août 2007, par un contact au parc naturel régional, ils trouvent l’ancienne gare de Croze, qui leur est louée par la mairie. Ils s’y installent en février 2008, fondent la S.A.R.L. “la Brasserie du plateau“ et commencent à y brasser “en grand“ (dans une cuve de mille litres) le 1er avril.

    La brasserie est organisée sur 60 mètres carrés selon un principe de “marche en avant“, des sacs de malt jusqu’aux bouteilles étiquetées, en passant par les cuves et les chambres chaude et froide. “Si la cuve de brassage est neuve et électronique, le reste ne l’est pas. Avec l’embouteilleuse et la capsuleuse à main, c’est encore Les Temps modernes“, plaisante Christian.

    Le nettoyage des cuves et bidons nécessite des produits acide et alcalin, pour protéger les levures. Les brasseurs ont décidé de les utiliser en circuit fermé pour ne pas les rejeter dans la nature.

     

    Gestion des stocks

    “Il faut quatre à six semaines entre le brassage et la livraison“ , indique Zoé. Le principal objectif désormais pour les brasseurs est d’apprendre à bien organiser leurs stocks et leur production. Ainsi pourront-ils peut-être proposer des bières de garde, chose impossible à l’heure actuelle.

    Depuis qu’ils ont commencé, ils ont déjà brassé “en grand“ une bière blonde et une blonde “d’été“, typée blanche. Ils prévoient de lancer encore une brune, une ambrée, et une rousse. Ces bières seront produites et livrées toute l’année en bouteilles de 25 et 33 centilitres. Mais ils feront aussi des brassins spéciaux réguliers à déguster sur place, pour continuer d’être un “laboratoire de goût“.

     

    Bière de taureau

    “Les gens d’ici s’étonnent de nous voir fabriquer de la bière. Mais ici, avant, comme partout où la vigne ne poussait pas, c’était un pays de bière. Rien qu’à Limoges il y avait onze brasseurs différents“, précise Christian.

    “On peut faire tellement de bières différentes , poursuit Zoé. Selon la température, le temps de brassage, le malt utilisé... Avec la même eau que la Félis, nous ne faisons pas la même bière“, pourquoi la “1000“ ? “En clin d’oeil au Plateau de Millevaches, explique Zoé. D’ailleurs beaucoup de gens croient que c’est la “bière Millevaches“». Certains m’ont même demandé si c’était de la bière de taureau, à cause du dessin sur l’étiquette“, raconte Christian.

     

    Une passion

    L’activité de brasseur n’est pourtant pas simple. “C’est prise de tête, il y a beaucoup de paramètres, prévient Christian. Il faut être forcené“. Heureusement pour eux, ils sont passionnés.

    “On a tendance à ne voir que les défauts de notre bière. On ne peut plus la boire décontractés , explique Zoé. À la foire artisanale de Meymac, on a vendu la bière directement a la pression, et les retours directs et positifs nous ont fait un bien fou“.

     

    Lieu d’exposition 

    La “1000“ est déjà vendue à Faux-la-Montagne, Aubusson, Bellac, Peyrelevade... et sur les foires et marchés des environs. “À terme nous souhaiterions produire et vendre sur place“, précise Zoé. Une tireuse à bière pour fûts de 30 litres est également prêtée sur demande.

    Mais le hall de la gare de Croze ne sert pas qu’à l’accueil et à la vente. C’est aussi un lieu d’exposition. “Le hall est dans son état original : il n’a jamais été rénové. On a voulu préserver cette ambiance“, explique Zoé.

    Ce jour-là et jusqu’au 30 septembre 2008, les visiteurs venus déguster une bière peuvent également voir une série de photographies du plateau prises de Croze à Vassivière par Pascal Desmichel. Avant, c’était une exposition sur les chemins de fer. “Rien n’est planifié. Nous ne savons pas encore quelle sera la prochaine exposition“, indique Zoé.

     

    Jean-Benoît Julien
    La Brasserie du Plateau :  05 55 67 51 37 / 06 66 37 1000 / Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.