Au bord de la D982, entre Felletin et la Courtine, se trouve l’ancienne gare de Croze. Le village lui-même (200 habitants) se situe à un kilomètre à l’écart.
“Le café de la gare, l’auberge des voyageurs... Toutes ces enseignes encore lisibles en bord de route ont fermé après la gare“, explique Christian en m’accueillant.
“On vient de Paris, porte de Clichy, commence Christian. On est arrivés en 2005“. Zoé travaillait dans la publicité audiovisuelle, Christian organisait des randonnées en bateau. Cela ne leur laissait que peu de temps pour voir leurs enfants. “On les emmenait à l’école, puis de l’école chez la nounou, et c’est la nounou qui les couchait. On rentrait juste pour leur dire bonne nuit“, se souvient Zoé.
Début 2005 ils décident de “tout changer“. Ils déménagent en septembre et leurs enfants font leur rentrée scolaire en Creuse.
“On a brassé dès qu’on est arrivés ici“, se rappelle Christian. “À l’époque, ce n’était même pas une micro, mais une pico-brasserie, raconte Zoé. Et au début, ça n’était même pas de la bière“. Ce n’est que quand leurs recettes sont au point qu’ils vont à la rencontre d’autres brasseurs. Peu à peu, le couple arrive à écouler sa production auprès des amis. Durant deux ans, ils ont l’exigence de faire au moins un brassin (de 30 litres) par semaine.
Mais au fait, pourquoi la bière ?
“C’était une boutade au départ, explique Zoé. On n’avait pas réussi à refaire le monde, alors on allait au moins faire la boisson autour de laquelle d’autres pourraient le faire, en rêves ou en paroles.“.
À l’été 2007 Christian fait une formation brassicole théorique tandis que Zoé se forme à la gestion. Enfin en août 2007, par un contact au parc naturel régional, ils trouvent l’ancienne gare de Croze, qui leur est louée par la mairie. Ils s’y installent en février 2008, fondent la S.A.R.L. “la Brasserie du plateau“ et commencent à y brasser “en grand“ (dans une cuve de mille litres) le 1er avril.
La brasserie est organisée sur 60 mètres carrés selon un principe de “marche en avant“, des sacs de malt jusqu’aux bouteilles étiquetées, en passant par les cuves et les chambres chaude et froide. “Si la cuve de brassage est neuve et électronique, le reste ne l’est pas. Avec l’embouteilleuse et la capsuleuse à main, c’est encore Les Temps modernes“, plaisante Christian.
Le nettoyage des cuves et bidons nécessite des produits acide et alcalin, pour protéger les levures. Les brasseurs ont décidé de les utiliser en circuit fermé pour ne pas les rejeter dans la nature.
“Il faut quatre à six semaines entre le brassage et la livraison“ , indique Zoé. Le principal objectif désormais pour les brasseurs est d’apprendre à bien organiser leurs stocks et leur production. Ainsi pourront-ils peut-être proposer des bières de garde, chose impossible à l’heure actuelle.
Depuis qu’ils ont commencé, ils ont déjà brassé “en grand“ une bière blonde et une blonde “d’été“, typée blanche. Ils prévoient de lancer encore une brune, une ambrée, et une rousse. Ces bières seront produites et livrées toute l’année en bouteilles de 25 et 33 centilitres. Mais ils feront aussi des brassins spéciaux réguliers à déguster sur place, pour continuer d’être un “laboratoire de goût“.
“Les gens d’ici s’étonnent de nous voir fabriquer de la bière. Mais ici, avant, comme partout où la vigne ne poussait pas, c’était un pays de bière. Rien qu’à Limoges il y avait onze brasseurs différents“, précise Christian.
“On peut faire tellement de bières différentes , poursuit Zoé. Selon la température, le temps de brassage, le malt utilisé... Avec la même eau que la Félis, nous ne faisons pas la même bière“, pourquoi la “1000“ ? “En clin d’oeil au Plateau de Millevaches, explique Zoé. D’ailleurs beaucoup de gens croient que c’est la “bière Millevaches“». Certains m’ont même demandé si c’était de la bière de taureau, à cause du dessin sur l’étiquette“, raconte Christian.
L’activité de brasseur n’est pourtant pas simple. “C’est prise de tête, il y a beaucoup de paramètres, prévient Christian. Il faut être forcené“. Heureusement pour eux, ils sont passionnés.
“On a tendance à ne voir que les défauts de notre bière. On ne peut plus la boire décontractés , explique Zoé. À la foire artisanale de Meymac, on a vendu la bière directement a la pression, et les retours directs et positifs nous ont fait un bien fou“.
La “1000“ est déjà vendue à Faux-la-Montagne, Aubusson, Bellac, Peyrelevade... et sur les foires et marchés des environs. “À terme nous souhaiterions produire et vendre sur place“, précise Zoé. Une tireuse à bière pour fûts de 30 litres est également prêtée sur demande.
Mais le hall de la gare de Croze ne sert pas qu’à l’accueil et à la vente. C’est aussi un lieu d’exposition. “Le hall est dans son état original : il n’a jamais été rénové. On a voulu préserver cette ambiance“, explique Zoé.
Ce jour-là et jusqu’au 30 septembre 2008, les visiteurs venus déguster une bière peuvent également voir une série de photographies du plateau prises de Croze à Vassivière par Pascal Desmichel. Avant, c’était une exposition sur les chemins de fer. “Rien n’est planifié. Nous ne savons pas encore quelle sera la prochaine exposition“, indique Zoé.