Iradj Emami

  • Un artiste, une œuvre, une association : Iradj Emami, “En bras sages“

    Iradj Emami est un artiste plasticien d'origine iranienne, installé depuis 50 ans en France, qui partage son temps entre Rempnat et Paris. Fréquentant les milieux alternatifs de la Montagne limousine, il en connaît bien les associations. Dont Le Monde Allant Vers et les Jardins Partagés d'Eymoutiers, pour lesquels il a créé une sculpture en granit. Une énorme pierre, était là, enfouie, depuis une éternité. Iradj lui a donné vie.

     

    Un artiste protée

    iradj emamiIradj est iranien de naissance, et fier de l'être, comme de sa nationalité française aujourd'hui. Arrivé en France en mai 1968, il a fait ses études à Paris, d'abord à l’École nationale des Beaux-Arts, dont il est diplômé, puis à la Sorbonne où il a obtenu un doctorat d'arts plastiques. Ses œuvres vont du dessin à la peinture et à la sculpture, qu'il inscrit dans ce qu'il appelle “la poétique de l'espace“. Il travaille tant la pierre que le bois, mais aussi le métal et la porcelaine, qui nourrissent des expositions un peu partout : en France, du Grand Palais au Bateau-Lavoir, riche du souvenir de Picasso. On peut  aussi les découvrir en province (Normandie, Bretagne) et à l'étranger (Autriche, Espagne). Dans notre Limousin, on croisera ses sculptures monumentales à Saint-Léonard (Un colossal taureau de granit, 2003) ou encore à Meymac (À bas les avions qui tuent, 2002, granit) et plus récemment à Eymoutiers, avec En bras sages. Dans ses relations avec de nombreuses institutions, il souhaite un respect réciproque, qui implique de ne pas déplacer ou dénommer les œuvres sans l'accord de l'artiste. Iradj dit que le dessin est primordial, parce qu'il est un carrefour de la peinture et de la sculpture, rappelant ces mots d'Ingres : “Les trois quarts de la peinture, c'est du dessin.“ Rodin disait aussi : “Ma sculpture n'est que du dessin sous toutes les dimensions.“ L'artiste partage cet esprit et le résume en quelques mots : “Mettre la main à la pâte : j'aime la matière et mes mains aiment toucher tout, même les choses interdites.“ Enfin, sa peinture est très colorée, elle traduit ses “terribles passions“, selon l'expression de Van Gogh.

     

    En bras sages, En brassage, Embrassages

    L'origine de l’œuvre vaut la peine d'être rappelée. Le terrain où elle est exposée se situe en bord de Vienne, rive droite, dans la direction Peyrat-le-Château (un panneau à gauche après le pont). Il y avait là une énorme pierre, en grande partie enfouie, modelée, poussée et déplacée sans doute par des siècles de crues successives. Elle fut un jour repérée par Iradj lui-même, alors qu'il étalait du fumier. Il a proposé de la sculpter. Il n'était pas question de déplacer la pierre, arrondie comme un œuf, car trop lourde. Pourtant il y avait là des gars solides et solidaires, “dans l'esprit des Jardins“ ajoute Iradj. Pour l'artiste, l'allure très arrondie ne pouvait que rappeler certaines formes féminines, ici un dos et une position accroupie. L'érotisme est en effet une des caractéristiques du travail d'Iradj. Un peu trop disent certains. Un philosophe pourrait voir ici, en bord de Vienne, une allusion à la fécondité, celle de la femme, celle de la terre. Il y avait ainsi pour Iradj l'idée de représenter la mère protectrice et l'enfant. “Étrange surprise : celui représenté ici a presque la même posture que le petit garçon découvert mort, sur une plage en Turquie, qui a fait la une des journaux il y a quelques temps, Iradj est attaché à l'idée d'humanité, sans frontières“. Il y eut aussi quelques problèmes techniques : sans électricité, il a fallu à Iradj utiliser des outils pour la taille directe, comme un marteau bouchard, qu'on connaît dans le bâtiment. “Heureusement, la pierre était très tendre sous les outils, j'ai obtenu une belle texture“, d'une couleur qui s'assombrit sous l'humidité et la pluie. “Ceci n'est pas contrôlable par qui que ce soit, c'est la nature“ dit Iradj. L'allure générale avec des formes non-dégagées rappelle un style que Rodin a utilisé magnifiquement : “le non-finito“, terme emprunté à Michel-Ange.

     

    Les jardins partagés

    Créés sous le patronage de l'association Le Monde Allant Vers, on y retrouve tous les ingrédients d'une collaboration fructueuse entre beaucoup de bonnes volontés. La mairie a bien voulu fournir un terrain qui a permis l'utilisation du contenu des bacs de compost du centre-bourg. Ici, en bord de Vienne, on peut découvrir l'œuvre d'une poignée d'amateurs de jardinage, qui se retrouvent près d'une cabane adéquate réalisée par les compagnons du réseau Repas. Et ce n'est pas seulement un jardin. Là, on peut rencontrer, autour et dans le potager, des personnes très diverses : du coin ou de plus loin, des archéo et des néo, dont des pensionnaires du CADA, de toutes les générations. Une manière de s'enraciner sans doute. Endroit parfaitement reposant où chacun peut se promener librement, au milieu des choux, des carottes, des plantes aromatiques et de très belles couleurs à certains moments de l'année évidemment. Depuis un an, des plants de vigne se sont ajoutés au paysage, qui ont chacun son propriétaire. Les gelées tardives ont été très néfastes, et beaucoup de ceps auront du mal à repartir. Heureusement, La dame à l'enfant d'Iradj pourra les protéger dans ses bras sages.

     

    Michel Patinaud

    Remerciements à Iradj Emami et Violette, Jean-Jacques Peyrissaguet, au collectif Zélie et son site “Néocampagne“.
  • Un haut-viennois qui perse

    Une vie bien sculptée

    Un atelier à Paris dans le XXe arrondissement près du cimetière du Père-Lachaise, une grange aux sculptures Chez Chapelle sur la commune de Rempnat à la limite des 3 départements limousins, Iradj Emami est de ceux qui apprécient la diversité.

    Iradj pratique la pluridisciplinarité dans son activité artistique : le dessin, qu'il considère essentiel, la sculpture sur bois, sur pierre ou en bronze font partie du quotidien de cet iranien implanté sur le Plateau de Millevaches.

     

    iradj 1

     

    Iradj expose ses œuvres en France comme à l'étranger. Il participe à des symposiums, propose des stages d'initiation à la sculpture chez lui en Haute-Vienne, à Meymac ou encore au village de Masgot où la taille ancestrale du granite par les maçons de la Creuse est une source d'enrichissement pour cet homme toujours curieux.



    iradj 2L'homme qui voulait faire échouer la grève 

    Rêvant de l'Italie et de la France, pays des richesses artistiques, en contrepoids à une civilisation, la sienne, où l'image est peu soutenue voire bannie, Iradj décide de quitter Téhéran pour Paris.

    Pour sa première venue à Paname, notre homme choisit l'année 1968 et son joli mois de mai. De la capitale iranienne à Istanbul en car, Iradj monte dans l'Orient-Express à destination de l'hexagone. Conséquence de la période, mais cela notre sculpteur l'ignore, le train est bloqué à la frontière, côté helvétique. Seule explication de ses compagnons de voyage : "C'est la grève". Puisque ayant dûment acquitté le montant de son billet l'on arrive forcément à destination, surtout dans un pays rationnel et organisé comme la France, un arrêt de travail ne peut bloquer sine die un train. Iradj s'en remet donc à son dictionnaire (le petit dans le sac qui est coincé sous la valise enfournée dans le filet à bagages au dessus des têtes) et conclut suite à la lecture de la définition du mot "grève" que l'Orient-Express s'est échoué sur un banc de sable… En tout cas, il faudra payer de nouveau pour trouver un bus et atteindre enfin Paris.



    De révolution en Révolution (ou l'inverse)

    Après quelques années d'études et son diplôme des Beaux-Arts en poche, Iradj retourne en Iran. En 1980, c'est la révolution iranienne, le shah a quitté le pays l'année précédente, Khomeiny est au pouvoir législatif et spirituel. Iradj est aux commandes (sans rien y connaître) de la gestion du cinéma au sein du ministère  iranien de la culture. Il règne alors en Iran une omniprésente ambiance de suspicion propre aux périodes troubles. C'est le début de la guerre avec l'Irak. Iradj, sur qui ce climat lourd pèse fortement, décide de revenir en France pour retrouver sa force tranquille ; nous sommes en 1981. Un ami lui parle du village de Nedde qui s'intéresse à la sculpture. Avec sa compagne, ils se rend sur le Plateau de Millevaches pour des vacances, visite une maison, l'achète et s'y installe avec Violette en 1992. Depuis, Iradj partage sa vie entre Paris et le Plateau, un territoire qui ne cesse de le séduire : "J'avais entendu dire que le Limousin était la région la plus pauvre de France, et effectivement il n'y a pas, par exemple, de grandes entreprises. J'apprécie le calme. Le Plateau, lieu de résistance antifasciste, avec son monument pacifiste à Gentioux possède des facettes qui me séduisent".

     

    Rémy Cholat

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