Iradj est iranien de naissance, et fier de l'être, comme de sa nationalité française aujourd'hui. Arrivé en France en mai 1968, il a fait ses études à Paris, d'abord à l’École nationale des Beaux-Arts, dont il est diplômé, puis à la Sorbonne où il a obtenu un doctorat d'arts plastiques. Ses œuvres vont du dessin à la peinture et à la sculpture, qu'il inscrit dans ce qu'il appelle “la poétique de l'espace“. Il travaille tant la pierre que le bois, mais aussi le métal et la porcelaine, qui nourrissent des expositions un peu partout : en France, du Grand Palais au Bateau-Lavoir, riche du souvenir de Picasso. On peut aussi les découvrir en province (Normandie, Bretagne) et à l'étranger (Autriche, Espagne). Dans notre Limousin, on croisera ses sculptures monumentales à Saint-Léonard (Un colossal taureau de granit, 2003) ou encore à Meymac (À bas les avions qui tuent, 2002, granit) et plus récemment à Eymoutiers, avec En bras sages. Dans ses relations avec de nombreuses institutions, il souhaite un respect réciproque, qui implique de ne pas déplacer ou dénommer les œuvres sans l'accord de l'artiste. Iradj dit que le dessin est primordial, parce qu'il est un carrefour de la peinture et de la sculpture, rappelant ces mots d'Ingres : “Les trois quarts de la peinture, c'est du dessin.“ Rodin disait aussi : “Ma sculpture n'est que du dessin sous toutes les dimensions.“ L'artiste partage cet esprit et le résume en quelques mots : “Mettre la main à la pâte : j'aime la matière et mes mains aiment toucher tout, même les choses interdites.“ Enfin, sa peinture est très colorée, elle traduit ses “terribles passions“, selon l'expression de Van Gogh.
L'origine de l’œuvre vaut la peine d'être rappelée. Le terrain où elle est exposée se situe en bord de Vienne, rive droite, dans la direction Peyrat-le-Château (un panneau à gauche après le pont). Il y avait là une énorme pierre, en grande partie enfouie, modelée, poussée et déplacée sans doute par des siècles de crues successives. Elle fut un jour repérée par Iradj lui-même, alors qu'il étalait du fumier. Il a proposé de la sculpter. Il n'était pas question de déplacer la pierre, arrondie comme un œuf, car trop lourde. Pourtant il y avait là des gars solides et solidaires, “dans l'esprit des Jardins“ ajoute Iradj. Pour l'artiste, l'allure très arrondie ne pouvait que rappeler certaines formes féminines, ici un dos et une position accroupie. L'érotisme est en effet une des caractéristiques du travail d'Iradj. Un peu trop disent certains. Un philosophe pourrait voir ici, en bord de Vienne, une allusion à la fécondité, celle de la femme, celle de la terre. Il y avait ainsi pour Iradj l'idée de représenter la mère protectrice et l'enfant. “Étrange surprise : celui représenté ici a presque la même posture que le petit garçon découvert mort, sur une plage en Turquie, qui a fait la une des journaux il y a quelques temps, Iradj est attaché à l'idée d'humanité, sans frontières“. Il y eut aussi quelques problèmes techniques : sans électricité, il a fallu à Iradj utiliser des outils pour la taille directe, comme un marteau bouchard, qu'on connaît dans le bâtiment. “Heureusement, la pierre était très tendre sous les outils, j'ai obtenu une belle texture“, d'une couleur qui s'assombrit sous l'humidité et la pluie. “Ceci n'est pas contrôlable par qui que ce soit, c'est la nature“ dit Iradj. L'allure générale avec des formes non-dégagées rappelle un style que Rodin a utilisé magnifiquement : “le non-finito“, terme emprunté à Michel-Ange.
Créés sous le patronage de l'association Le Monde Allant Vers, on y retrouve tous les ingrédients d'une collaboration fructueuse entre beaucoup de bonnes volontés. La mairie a bien voulu fournir un terrain qui a permis l'utilisation du contenu des bacs de compost du centre-bourg. Ici, en bord de Vienne, on peut découvrir l'œuvre d'une poignée d'amateurs de jardinage, qui se retrouvent près d'une cabane adéquate réalisée par les compagnons du réseau Repas. Et ce n'est pas seulement un jardin. Là, on peut rencontrer, autour et dans le potager, des personnes très diverses : du coin ou de plus loin, des archéo et des néo, dont des pensionnaires du CADA, de toutes les générations. Une manière de s'enraciner sans doute. Endroit parfaitement reposant où chacun peut se promener librement, au milieu des choux, des carottes, des plantes aromatiques et de très belles couleurs à certains moments de l'année évidemment. Depuis un an, des plants de vigne se sont ajoutés au paysage, qui ont chacun son propriétaire. Les gelées tardives ont été très néfastes, et beaucoup de ceps auront du mal à repartir. Heureusement, La dame à l'enfant d'Iradj pourra les protéger dans ses bras sages.
Michel Patinaud