Abraham, patriarche des religions juive, chrétienne et musulmane, a eu un fils Ismaël avec sa servante égyptienne Agar avant que sa femme Sarah donne naissance à leur fils Isaac. Pour ne pas partager l’héritage d’Isaac, Sarah lui a demandé de bannir Agar et Ismaël. Ceux-ci partiront dans le désert mais Dieu promet à Agar que son fils sera à l’origine d’une grande nation. Certaines sources considèrent Ismaël comme un des pères de l’islam….*
Le bannissement est une décision prise par une autorité religieuse ou administrative qui exclut une personne de la communauté, éventuellement du pays, la privant de tous ses droits et biens, interdisant parfois aux autres membres de la communauté de lui prêter assistance. C’est une mise à mort sociale. C’est aussi une mesure d’infamie : une flétrissure imprimée à l'honneur, à la réputation.
Joséphine a été déboutée de sa demande d’asile. Violée régulièrement en prison, elle en a des séquelles. Elle n’a plus de contact au pays: son compagnon et ses enfants ont disparu. Elle présente un syndrome post traumatique attesté par sa psychiatre mais sa demande de titre de séjour a été rejetée. Depuis que les médecins de l’OFII (sous tutelle du ministère de l’intérieur) évaluent l’état de santé des personnes demandant un titre de séjour pour soins, le taux d’avis favorables s’est effondré tout particulièrement pour les pathologies psychiques. Outre une OQTF (obligation de quitter le territoire) Joséphine a reçu une IRTF (interdiction de retour sur le territoire français) de deux ans. Depuis plusieurs années qu’elle est ici, elle n’a commis aucun délit, hormis exister. Pour elle le retour est inenvisageable.
Admet vient d’avoir 18 ans. Déboutés, ses parents attendent la réponse à leur demande de titre de séjour pour soins. Admet, scolarisé, apprécié de ses professeurs a reçu une OQTF avec IRTF de 2 ans. Même chose pour Jean et Christine dont le titre de séjour pour soins n’a pas été renouvelé, pour Catherine déboutée, en terminale, bonne élève demandeuse d’un titre de séjour étudiant. Etc. etc…
L’IRTF ne prend effet qu’à partir du moment où les personnes ont quitté le territoire et elle est valable sur tout l’espace Schengen. Sa durée varie de 1 à 3 ans et peut être prolongée en cas de maintien sur le territoire. Si les personnes ne partent pas, cela exclut toute possibilité de régularisation même en cas de changement de situation qui ouvrirait des droits au séjour. Alors qu’avec une OQTF cette éventualité était possible au bout d’un certain temps.
La nouvelle loi a considérablement élargi le champ d’application de l’ IRTF qui n’était qu’exceptionnelle auparavant. Les déboutés du droit d’asile la reçoivent systématiquement (sans hésiter à séparer les familles), sauf s’ils ont fait une demande de titre de séjour (sans garantie d’obtention). Certains préfets zélés réussissent à ce que l’IRTF soit notifiée aux déboutés avant qu’ils reçoivent le courrier de la CNDA les informant du rejet de leur demande ! l’IRTF est émise en cas de refus de premier titre de séjour, de refus de renouvellement, si les personnes n’ont pas obtempéré à une OQTF ancienne et en cas d’entrée irrégulière sur le territoire.
Si les personnes partent, qui peut croire qu’à l’issue de cette interdiction, elles pourront revenir légalement, vu, dans de nombreux pays, les difficultés à obtenir un visa.
Qui osera déposer une demande de titre de séjour en préfecture, sachant qu’en cas de refus elle se verra automatiquement mise au ban de la société, sans réel espoir de recours ? Des dizaines de milliers de personnes, si elles décident malgré tout de poursuivre leur vie en France se retrouveront condamnées à vivre dans la clandestinité. Cette mesure, que seul le préfet pourra décider de manière tout à fait discrétionnaire d’abroger ou non, est un formidable outil pour briser des vies, les rendant illégales à jamais.
Bannis à l’extérieur, bannis de l’intérieur.
*Il s’agit là d’une référence “historique“ et non religieuse, en tant qu’illustration de l’ancienneté du phénomène dans nos sociétés périméditerranéennes.
Cimade Eymoutiers :