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Le petit fendeur qui naquit dans les bois

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Date
samedi 1 juin 2019 16:38
Numéro de journal
67
Auteur(s)
Michel Patinaud
Visite(s)
1999 visite(s)

Le 15 avril 1754 on pouvait lire ceci sous la plume du curé de Saint-Julien-le-Petit, un dénommé Glangeaud, dans son registre paroissial : un garçon (pas de prénom) est né, de Georges Martin, fendeur, et Marie Audebert, a été ondoyé “dans le bois“ par Jean Roy, et “décédé un moment après“.

L'enterrement eut pour témoins Jean Audebert, le grand-père, et ce même Jean Roy, surnommé “sans chagrin“. C'est la naissance dans le bois qui attire l'attention. Il faut parcourir deux années de registres pour découvrir d'autres indices et comprendre qui étaient ces gens. Il s'agissait de plusieurs familles “résidents“ - c'est le terme – dans les bois de Larron. On peut se demander quelle pouvait bien être la forme de cette résidence- toujours mentionnée comme “dans les bois“. Pas une maison en tout cas, des cabanes assez rudimentaires probablement. Ces bois sont ceux – ils existent toujours - formés essentiellement de chênes, dominant la vallée de la Maulde, rive gauche, face au bourg de Saint-Julien-le-Petit, (le Mont Larron est plus au nord, sur l'autre rive). L'essence a une grande importance pour la compréhension du phénomène, comme nous allons voir. 

 

lettre fendeur glangeaud

 

Des fendeurs de mérains

Au fil d'une douzaine d'actes - baptêmes, mariages et sépultures - on découvre que cette importante communauté était formée d'au moins une vingtaine de personnes, toutes “venues d'ailleurs“, fait très étonnant pour l'époque. Trois maîtres fendeurs, deux fois plus de compagnons et manœuvres, et leurs enfants, sans compter quelques aïeuls. Quant au terme “petit fendeur“, c'est bien sûr parce qu'il aurait pu le devenir, comme avant lui son père, et son grand-père, si une probable “mauvaise fièvre“„ .... Le séjour de tout ce beau monde dura au moins 18 mois, selon les dates extrêmes des actes, du printemps 1754 à l'hiver 1755. Ensuite, on semble perdre leur trace.  Après enquête, on peut dire  ceci : toute cette communauté venait de loin, qui du Poitou, qui du Berry, pour “fendre“ du bois. Des bûcherons alors ? Pas tout-à-fait ou plutôt beaucoup plus que de simples bûcherons. Ceux-là avaient quelque chose de particulier, ils étaient très spécialisés, donc recherchés. Ils fendaient du chêne pour fabriquer des merrains (mairains), mot désignant ces planches de différentes dimensions, qui servaient à fabriquer les tonneaux. Et si on ne cultivait pas la vigne sur ces coteaux de la Maulde, ou de la Vienne, on buvait bel et bien du vin. Il fallait donc pour son transport ou sa conservation de gros tonneaux, des moyens, et de tout petits, ceux qu'on appelait les barricous, et en grande quantité. Quand Louis Léger, un beau-frère, également maître-fendeur, devint veuf le 25 juin 1754, il ne tarda pas à retrouver une épouse. C'est en ville qu'il alla la chercher, à Eymoutiers, qui est à 14 km. Elle avait pour nom Jeanne Bélegau, n'avait guère que 25 ans, soit un écart d'au moins 10 ans. Très intéressante est la profession du père Belegau, Jean, un “hospitalier “, autrement dit “hoste“, il devait bien vendre du vin. Ce qui nous ramène à la profession de tous ces gens-là, les fendeurs de bois. Voilà pourquoi un tel chantier. 

 

Travailleurs nomades

Fendeurs de merainsPerdre la trace de la communauté après 1756, pour Louis et Jeanne, c'est sûr, on ne trouve pas d'enfant né dans le coin. Où allèrent-ils fendre ? mystère. Par contre, on peut retrouver la famille Roy, avant et après, mais il faut bien chercher. Grâce aux sites gratuits de généalogie, on s'aperçoit que, à la différence du Petit Poucet, ils égrenaient non les cailloux, mais leurs enfants. Voyons ainsi ceux du couple formé par Jean Roy - celui qui baptisa dans le bois, on faisait ainsi en cas de danger de mort - et Louise Veau. Jean, né en 1719 à Poitiers, et elle se marièrent le 28 août 1751 à Béruges, 12 km plus à l'ouest. L'acte nous informe sur le fait que le père, Toussaint Roy, était vivant. Or ce Toussaint n'apparaît jamais lors du séjour à Saint-Julien-le-Petit, à partir de 1754. Quand il mourut en 1765 à Marçay (Vienne),  tous ses enfants mariés s'étaient dispersés dans diverses directions. Il est question de cette famille dans un ouvrage historique (“Le peuple de la forêt“ de Sébastien Jahan, PUF Rennes, 2002), où on le décrit ainsi : Toussaint Roy est un "modeste charpentier de la paroisse de Saint-Didier de Poitiers, qui en 1724, quittait la ville pour sillonner le Haut-Poitou à fabriquer la latte et le merrain". Sillonner, c'est bien le mot, il ne connut ainsi probablement jamais ses petits-enfants.  Dans la famille des Roy …. aucun enfant ne naquit au même endroit.  On en trouve  à Sommières, à La Chapelle-Batton, puis à Marray à 27 km, à Champagne-Mouton, enfin, à Béruges à nouveau, et jusqu'en Charente. Amusez-vous à faire une carte. Un tel nomadisme a de quoi interroger. Il ne ressemble pas à celui de nos célèbres maçons creusois, qui faisaient des allers-retours annuels entre la Montagne Limousine et Lyon ou Paris. A leur différence – c'est essentiel – ces travailleurs du bois partaient avec femmes et enfants, et ne revenaient jamais au pays. Si l'on considère qu'il leur fallut parcourir 160 km pour venir fendre dans la vallée de la Maulde, sans doute à pied, avec matériel, femme et enfants,  on doit convenir que la spécialité devait être fort recherchée. On retrouve la trace de leurs descendants quelques décennies plus tard, à Azat-le-Ris, en Basse-Marche, ou dans le Berry.

L'amusant, c'est que leur séjour aurait pu passer totalement inaperçu pour l'Histoire, si là, une grand-mère n'avait pas rendu l'âme, si une épouse n'y avait pas accouché, et si un mariage n'y avait pas été conclu après un veuvage… 

 

Michel Patinaud
  • Thème
    Chroniques
  • enterrement | merains | travailleur du bois | fendeur | bois | naissance | Saint-Julien-le-Petit
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