Le samedi 20 avril 2019, eut lieu à Royères (87) la 3è édition de la “Marcel Jourde, randonnée cyclotouriste vintage“. Ouverte à tous les participants munis d’un vélo antérieur à 1987, ou d’un vélo Jourde, quelle qu’en soit l’année, la manifestation a rassemblé 90 cyclistes venus honorer le souvenir de Marcel Jourde (1923-2016), dans cette commune, berceau de sa famille. Très connu comme créateur de vélos à son nom (années 70-90), ce dernier a été pendant 70 ans, simultanément ou successivement, acteur et témoin de l’activité cycliste limousine.
Passionné de vélo dès son plus jeune âge, Marcel commence à participer à des courses cyclistes en 1938, alors qu’il travaille dans un garage automobile de Royères, apprenant la mécanique et la soudure.
La période de la guerre puis l’occupation ne sont évidemment pas favorables à son activité sportive.Malgré cela, et au prix de multiples interruptions d’entraînement, il obtient des résultats probants (1er à Royères en 1942, 2è du championnat de Haute-Vienne en 1943). Après la Libération, il poursuit sa carrière dans de meilleures conditions et s’illustre tant sur route – il est un excellent grimpeur – que sur piste, au vélodrome André Raynaud, où, malgré son petit gabarit, il est remarqué pour ses qualités d’adresse et de sprinter.
Il remporte sa plus belle victoire en 1949, dans le “Paris-Roubaix limousin“, en l’occurrence Limoges-Saint-Léonard et retour. Cette épreuve marque alors chaque année l’ouverture de la saison cycliste, et ce depuis 1905. Disputée sur ses routes d’entraînement, il y brilla aussi en 1946, 47 et 48.
Après 1949, il arrête la compétition pour se consacrer à son foyer fondé avec Marie - qui l’accompagnera et le secondera toute sa vie – ainsi qu’à son activité professionnelle.
Pierre Blondin était un champion cycliste alsacien dans les années 20-30. Il fabriquait des vélos à son nom. Réfugié à Limoges durant la guerre, il y poursuit cette activité. C’est pourquoi le logo en losange des cycles Pierre Blondin porte Limoges et Strasbourg comme lieu de fabrication, indiquant même que le champion alsacien a été vainqueur de plus de 200 courses.
Dès 1946, Marcel Jourde travaille au magasin Blondin, rue Jules Guesde à Limoges, jusqu’à sa fermeture en 1958. Il en est le mécanicien, précis et efficace, ses qualités de soudeur peuvent ainsi s’épanouir. Il prépare des vélos de compétition, une bonne partie des cyclistes limougeauds – notamment du CRCL – courent sur des machines Blondin. Les vélos de cyclotourisme ont aussi du succès : les automobiles, comme les cyclomoteurs étant rares, le vélo (de loisir ou utilitaire) est très pratiqué. A cette époque, Marcel construit un magnifique tandem, sur lequel il fait de belles randonnées avec son épouse. Cette même machine a roulé au cours des 3 éditions de la “Marcel Jourde“. Et les cycles Blondin existent toujours à Strasbourg.
Après avoir quitté la rue Jules Guesde, Marcel est contraint momentanément de retourner au métier de mécanicien auto. En 1963, il pense avoir retrouvé un emploi lui convenant mieux, lorsque son ami Robert Frugier l’embauche dans son magasin de cycles, route de Bellac. Là sont commercialisés les vélos Mercier. Marcel y fait de l’excellent travail, fabriquant à nouveau des cadres qui équipent de nombreux cyclistes limougeauds. Mais les “qualités“ gestionnaires de M.Frugier entraînent une déliquescence de l’entreprise, que Marcel quitte au début des années 70.
Alors qu’il approche la cinquantaine, poussé par des amis fidèles, Marcel se décide à travailler à son compte. C’est l’ouverture du magasin-atelier de la rue Boileau, dans lequel il fabriquera des milliers de vélos, cela jusqu’à sa retraite en 1990. Dans ce travail, il faisait étalage de remarquables compétences ; qu’il s’agisse des soudures de cadres, de la finition, de la peinture, la mise au point des vélos est méticuleusement réalisée. Sans aucune publicité, sa réputation s’étend. Les meilleurs champions régionaux, Francis Duteil, Michel Dupuytren, Marc Durant, Yves Nicolas, Eric et Luc Leblanc courent sur des vélos construits sur mesure par Marcel, qui adaptait la taille et la géométrie du cadre à la morphologie de chacun. Du côté cyclotouriste, de très belles et efficaces randonneuses sortent de l’atelier, ainsi le vélo qui permit à François Alaphilippe, de participer à Paris-Brest-Paris au milieu des années 70. Dans toutes les créations de Marcel Jourde, on retrouve une constante : l’amour du travail bien fait, caractéristique des artisans maîtres de leur art.
Pendant toutes ces années, le magasin de la rue Boileau était remarquable, tant par la qualité de l’accueil du couple Jourde, que comme lieu privilégié d’échange d’infos ou de commentaires concernant les manifestations sportives.
De nombreux vélos Jourde ont été présentés à l’occasion de la randonnée vintage évoquée plus haut.. Leurs propriétaires roulent encore sur ces montures, ou les ressortent pour cette occasion. Dans tous les cas, elles forcent l’admiration de ceux qui sont sensibles à la qualité et au savoir-faire de cet artisan d’exception qu’était Marcel Jourde.