Avec 1905, le printemps rouge de Limoges, trois jeunes historiens limougeauds déroulent le fil conducteur des évènements qui ont donné à Limoges son "image internationale de ville rouge". Entre histoire et mémoire l'ouvrage est construit comme une tragédie dramatique.
En premier acte Dominique Danthieux décrit les bouleversements de la transformation industrielle de la ville.
Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle la capitale limousine double sa population. Les 30 manufactures de porcelaine et les 19 usines de chaussure ont recomposé le paysage urbain. La rationalisation de la production industrielle introduit la déqualification de la main d'oeuvre, et le durcissement de l'autorité patronale. La réplique ouvrière s'organise en chambres syndicales où se diffusent les idées du socialisme. Elles s'incorporeront tout naturellement dans la CGT lorsqu'elle sera créée à Limoges en 1895. Au 1er janvier 1905 Limoges compte pas moins de 4 000 syndiqués.
Dans l'acte 2 Philippe Grandcoing fait le récit des événements. Chez Haviland - le parangon de la réussite industrielle - des ouvriers se mettent en grève contre le pouvoir tyrannique et arbitraire d'un chef d'atelier. La solidarité ouvrière s'organise autour d'une souscription en faveur des victimes de tous les conflits d'autorité, alors nombreux dans les industries limougeaudes. Face à la mobilisation ouvrière le patronat s'organise et en appelle au lock out. Décrété le 13 avril, il met toute la ville en ébullition. Manifestations et défilés se succèdent autour des manufactures. De leur côté, socialistes révolutionnaires et anarchistes rameutent la vindicte populaire contre l'Armée et l'Eglise. Des barricades s'érigent pour faire obstacle aux charges de la cavalerie. L'émeute gronde. Des meneurs sont emprisonnés. Devant le refus de leur libération par le préfet les manifestants courent vers la prison. L'intervention massive et brutale de l'armée disperse la foule. La fusillade laisse un mort au jardin d'Orsay. Les funérailles de Camille Vardelle marqueront la fin du cycle de la porcelaine et de la combativité ouvrière à Limoges.
Au dernier acte Vincent Brousse tempère cette affirmation. Il discerne quelques répliques sociales et surtout politiques des événements de 1905 dans l'histoire du socialisme au cours du premier tiers du vingtième siècle en Haute Vienne. Il évoque quelques conflits. Montrant combien ces événements ont façonné la culture politique locale. Elle se manifeste notamment à travers la figure emblématique de tel ou tel leader politique des cités industrielles de la vallée de la Vienne : Saint Junien, Saint Léonard de Noblat ou Eymoutiers. Les grèves insurrectionnelles et la mort de Camille Vardelle au printemps 1905 demeurent un marqueur indélébile dans la mémoire collective limougeaude. Aussi la fin annoncée des usines Haviland en ce printemps 2005 ravive la peur du déclin de l'activité porcelainière à Limoges.
Sur le mode de la tragédie nos trois historiens dramaturges restituent la cohérence et la logique de ce scénario catastrophe. Avec les contributions des membres de l'Association Mémoire ouvrière en Limousin ils ont réalisé les 24 tableaux de la mise en scène de ce drame. Grâce au savoir faire de la remarquable collection (patrimoine en poche) ils en ont assuré tous les décors par une iconographie fascinante. Celle-ci de bien des manières témoigne de l'enracinement des événements dans la culture populaire. On retiendra les deux étonnantes séries de cartes postales “Les troubles et les grèves de Limoges”.
Pour garder à cet ouvrage son caractère singulier, le prologue a été confié à un romancier dont l'ouvrage n'a pas été retenu dans la bibliographie. L'épilogue nous est contée en occitan, mais le lecteur demeure frustré de sa traduction.
Alain Carof