En 1975, après de longs mois de recherches, Guy Valente quitte Paris et l’engagement politique au sein de la Gauche prolétarienne1 pour s’installer à Beaubier (commune de Royère de Vassivière) sur quelques hectares enfrichés qu’il a pu obtenir de la SAFER. La remise en état des parcelles et de leurs chemins d’accès lui prend beaucoup de temps et d’énergie et il démarre rapidement l’élevage, ovin d’abord, puis, en plus, de chevaux de race Mérens.
Peu après, il complète son activité par la culture et la commercialisation des framboises. Il est le premier à s’y adonner dans ce territoire de la Montagne limousine. Il adhère à la Coopérative d’utilisation de matériel en commun (CUMA) des jeunes agriculteurs de Gentioux, Royère et Faux-la-Montagne au sein de laquelle il rencontre d’autres néo-ruraux.
Avec les militants occitanistes et écologistes, il participe aux luttes contre l’enrésinement, dont un des moments emblématiques a été la marche aux Bordes de la Villedieu du 15 mai 1977 (voir IPNS n°71). Peu après, au tout début des années 1980, il commence la culture des myrtilles avec l’aide de ses voisins du Massoubrot de Saint-Martin-Château, Chantal et Christian Deplasse. Avec Jean-Jacques Peyrissaguet, du Mas, à Faux-la-Montagne, ils ont été les premiers à se lancer en lien avec l’INRA d’Angers dans cette culture qui avait alors un caractère expérimental.
Toujours avec Chantal et Christian, ils créent le syndicat des petits fruits, puis une CUMA qui leur permet d’équiper leur atelier (de la culture à la préparation des confitures) et un second à Chavanat autour d’un autre producteur, Alain Arlettaz. Très rapidement cette culture essaime sur toute la Montagne, en Creuse et en Corrèze. Des associations comme les CIVAM relaient l’information et ceux qui étaient considérés au départ comme des marginaux inefficaces ou utopistes sont montrés en exemple par la Somival (Société de mise en valeur du Massif central), le comité (d’expansion économique) Millevaches et d’autres institutions qui prônent la diversification en agriculture.
Pendant ces années-là, Guy prenait un certain plaisir à rappeler qu’il avait été regardé avec mépris, condescendance et suspicion lors de son installation, et que, quelques années après il recevait à Beaubier des visites nombreuses de représentants d’administrations ou d’institutions diverses, d’enseignants, d’étudiants et d’agriculteurs. Désormais il avait l’impression de faire partie du paysage local... Il fera partie de ces quelques-uns qui, selon un ethnologue venu travailler sur le Plateau, « ont réussi à créer et à imposer de nouvelles formes de production rurale : l’un d’eux [il s’agit de Guy] a fondé une petite entreprise de confitures qui lui permet de vivre correctement et de satisfaire sa passion pour les grandes randonnées. Jonglant habilement avec les contraintes et les opportunités, il commercialise ses produits en vente directe tout en bénéficiant du statut d’agriculteur, évitant ainsi la tenue fastidieuse d’une comptabilité. »
Jean-François Pressicaud