Pourquoi vous êtes vous abstenus lors de ce vote ?
Même si nos propositions n’ont pas été retenues, nous n’avons pas voulu voter contre car nous considérons que les associations ont une grande utilité. Elles créaient du lien entre les personnes, ce sont des contre pouvoirs et surtout elles permettent de faire avancer la société dans beaucoup de domaines : sport, environnement ... mais elles ne peuvent pas répondre à toutes les difficultés que rencontre notre société. Ce qui nous pose problème, c’est que l’on reporte sur les associations certaines missions qui devraient être assurées par un service public digne de ce nom. Nous sommes contre le glissement des missions fondamentales de l’Etat vers le secteur associatif. Bien sûr, sans les associations bon nombre de pro-blèmes de société n’auraient jamais été abordés. Mais en Limousin, région pauvre où l’on ne croit plus dans l’industrie, on pense trop souvent que le secteur associatif peut-être pourvoyeur d’emplois. Oui mais à quel prix : du sous salariat avec les conditions de travail qui vont avec ? Bizarrement, c’est dans le monde associatif que l’on trouve le plus de temps partiel et de contrats précaires. Dès qu’un service ou autre mission deviennent trop couteux pour la collectivité, on les transfert vers le secteur associatif que l’on dévoie alors de son sens premier car on tend à en faire un service mar-chand à moindre coût. C’est le cas avec les services d’aide à la personne qui sont de gros employeurs dans la région.
Vous soulignez la précarité des conditions de travail des salariés associatifs, pourtant nombre d’entre eux ne s’en plaignent pas et les assument tout à fait, au nom d’une militance.
Pour un salarié, se priver de ses droits, ce n’est pas rendre service à l’association qui l’emploie car un jour ou l’autre elle devra se mettre en règle et peut-être payer les arriérés. Alors autant le prendre en compte dès le départ. A votre avis, le fort turn over dans certaines associations ne viendrait-il pas des conditions de travail qu’elles proposent ?
Ensuite, de mauvaises conditions de travail imposées par un patron sont inacceptables mais quand celui-ci est une association qui se dit défendre des valeurs “humanistes“ c’est encore pire. Surtout quand certaines s’appuient sur l’affectif pour faire passer certaines choses (défraiement bien en dessous du barème des impôts...). Lorsque l’on décide d’embaucher une personne on assume et on lui assure ses droits quitte à faire pression sur les financeurs pour obtenir l’argent nécessaire. De tout façon, nous considérons à la CGT qu’il est inadmissible que les aides publiques soient allouées sans qu’il y ait des contre parties de la part des bénéficiaires (qualité de l’emploi proposé, niveau de rémunération, accès à la formation professionnelle, convention collective...). Ça fait 25 ans que l’on en parle à la Région mais rien n’y fait. D’ailleurs cette proposition n’a pas été retenue par le Conseil Economique et Social.
Vous considérez que c’est à l’association de trouver l’argent nécessaire pour assurer des conditions de travail décentes. Mais les collectivités sont très regardantes sur les sommes qu’elles attribuent, notamment parce que leurs budgets sont restreints.
Oui, mais c’est en partie parce que l’Etat et les collectivités n’assument pas la défaisance et qu’ils ne vont pas au bout de la logique en attribuant l’argent nécessaire pour le service rendu.
Le principe de péréquation (rééquilibrage entre régions pauvres et riches par une redistribution des richesses) n’étant pas vraiment assuré par l’Etat, les territoires comme le plateau de Millevaches se voient intervenir à différents niveaux (région, département, communauté de commune ou commune) et donc mettre plusieurs fois la main dans la même poche : les impôts locaux. Ce constat est-il partagé par la CGT ?
Oui, bien sûr. Et en plus on rompt l’égalité de traitement qui est un principe fondateur de la république. Pour les associations d’aide à domicile, mieux vaut être âgé dans un département riche que dans la Creuse car les Conseils Généraux n’ont pas les mêmes moyens donc ne peuvent rendre les mêmes services (subventions aux associations). Nous avons vraiment l’impression que l’Etat utilise le salariat associatif pour détricoter les missions de la fonction publique en les transférant d’abord aux associations pour qu’à terme elles intègrent le secteur marchand et concurrentiel.
Certains salariés sont conscients qu’ils méconnaissent leurs droits. Serait-ce une des raisons pour laquelle il y a parfois des dérives ?
Ils sont comme la plupart des autres salariés, mais en plus quand vous travaillez dans une association c’est bien souvent que vous adhérez à ce qu’elle fait et donc vous pensez que tout ça passe avant vos droits et qu’il n’est pas correct de se plaindre.
Les problèmes rencontrés par les salariés associatifs font partie de nos préoccupations comme l’intérim auparavant car les salariés y sont isolés et pas organisés entre eux. Mais contrairement à l’intérim où il n’y a que quelques agences, le salariat associatif est très éclaté. Beaucoup d’associations n’ont qu’un salarié ce qui les rend difficile à contacter. Nous connaissons les mêmes problèmes avec l’artisanat et le commerce. Et puis quand une association compte moins de dix salariés, les avantages et les droits sont moindres. C’est pour cette raison que nous voudrions que les salariés de différentes associations ayant le même objet puissent se rassembler et constituer des groupes inter associatif de plus de dix personnes, ce qui leur donnerait droit à un représentant du personnel...
Un mot pour la fin ?
La bonne santé des associations étant indispensable à la vie de notre société, il faut être vigilant à ce que ceux qu’elles emploient ne soient pas des sous salariés en droit et si certains ont des interrogations sur leurs droits, qu’ils nous contactent.
Propos recueillis par Frédéric Thomas