Lancé au milieu des années 1990, le marché d’Eymoutiers prend le relais d’une initiative de l’association Vienne-Maulde, qui fédérait alors une vingtaine de producteurs sur des marchés durant l’été. N’offrant qu’un complément de revenu, ce type de marché estival ne permettait pas de tisser un lien privilégié avec les locaux. “Un marché l’été, c’est dénué de sens. Un marché, c’est fait pour les locaux, pas pour les touristes“ estime Anne Lacroix. D’où le pari tenté par quelques-uns d’instaurer un rendez-vous hebdomadaire le samedi matin, en marge de la traditionnelle foire du jeudi. Pari risqué mais pari gagné puisqu’après un démarrage assez lent, le succès est aujourd’hui au rendez-vous, corroboré par l’arrivée de nouveaux producteurs qui complètent la gamme de produits (maraîchage, viande, pain, fromages de chèvre et de brebis, miel, épicerie).
Mais qu’apporte réellement une initiative de ce type ? Beaucoup de choses, répond Anne Lacroix : “le marché est un point de rencontre entre vendeur et client, mais également entre clients eux-mêmes. Et c’est un lieu ouvert, qui entraîne une animation, un dynamisme dans le bourg, avec un bénéfice commercial important pour les producteurs et l’ensemble des commerçants de la commune. L’intérêt du producteur, qui établit une relation de confiance avec sa clientèle, se double donc d’un bénéfice pour le consommateur, qui accède facilement à une large palette de produits de qualité“. Intérêt pour le milieu rural enfin, “car la production couplée à la vente directe nécessite des besoins en main d’œuvre supérieurs au système bovin viande dominant et favorise l’occupation humaine des campagnes“.
Gagnant-gagnant pourrait-on dire… Mais alors pourquoi n’assiste-t-on pas à une floraison de marchés, pourquoi ce mode de commercialisation en direct qui fut autrefois dominant demeure marginal, y compris en milieu rural ? La faute à tout le monde, semble-t-il… Aux producteurs, car “il faut qu’ils s’organisent entre eux pour atteindre une masse critique et offrir une diversité de produits. Il faut être nombreux, avoir assez de produits et être convaincu“. Pas toujours facile dans un milieu parfois enclin à l’individualisme. Aux clients ensuite qui, fréquentant la grande distribution, croient réaliser des économies que la profusion de marchandises présentées a tôt fait d’annuler… Aux organismes de financement et de conseil enfin, “car les initiatives de vente directe souffrent d’un manque de soutien technique et financier“. Anne reviendrait-elle en arrière ? Sûrement pas : la vente directe, à la ferme et sur les marchés, lui permet d’écouler 80 % de sa production, la vente en magasin 20 %. Sans regret !
Stéphane Grasser