L’objet du bouquin est de donner aux lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, à tous ceux qui reçoivent des informations, des outils nécessaires à un recueil critique de ces informations. Il analyse en particulier le langage, la manière dont les mots peuvent être choisis, présentés, utilisés, les différents types de raisonnements logiques et leur validité. Il nous donne aussi quelques bases mathématiques pour que nous ne soyons pas obligés de gober les chiffres dont on nous abreuve sans cesse, faute de pouvoir les soumettre à une analyse critique.
Et, bien sûr, il aborde la question de l’illustration, expliquant comment il est possible de manipuler une illustration ou un graphique : “dès lors, ils donneront une fausse impression dont il sera par la suite d’autant plus difficile de se défaire qu’on aura la conviction de l’avoir en quelque sorte vue de nos propres yeux.“ (p.151)
Loin de moi l’idée d’accuser IPNS d’avoir intentionnellement voulu nous manipuler. Mais l’exemple est trop beau pour ne pas être cité, un vrai cas d’école.
Il s’agit, au moyen d’un dessin évocateur (des robinets de tailles différentes), de représenter la consommation moyenne d’eau par habitant dans 4 pays : les États-Unis, la Suisse, la France et le Sénégal.
Pour mon explication, je vais prendre uniquement la France, dont on nous dit qu’un habitant consomme en moyenne 147 l d’eau par jour, et les États-Unis, pour lesquels cette moyenne monte à 670 l par jour, soit un peu plus de 4,5 fois plus. Or, il saute aux yeux que le robinet EU est bien plus de 4,5 fois plus grand que le français. Et pourtant, les dimensions relatives ont voulu être respectées (j’ai vérifié !!) puisqu’il est bien 4,5 fois plus large, mais aussi 4,5 fois plus haut. Ce qui donne une surface totale de 4,5 x 4,5 soit plus de 20 fois supérieure à celle du robinet français. Si bien que ce qui nous restera en mémoire sera l’image d’une consommation 20 fois plus importante, comme nos yeux nous l’auront montré, même si les chiffres sont clairement écrits à côté.
Il ne s’agit pas là de pinailler pour le simple plaisir, mais bien de prendre conscience des différentes manières dont une information, apparemment objective et irréfutable, peut être transmise et intégrée de manière erronée. Ce qui n’est pas très grave quand il s’agit d’une simple erreur, mais le devient vite quand la transformation est intentionnelle et vise un but de désinformation ou de propagande. Or, il semble qu’en ce moment il soit particulièrement utile de savoir détecter les opérations de propagande...
Si ce petit exercice vous donne envie de lire le livre de Baillargeon, vous pouvez aussi, à la fin de la lecture, appliquer les méthodes qu’il expose au livre lui-même : cela en fait un premier exercice pratique non dénué d’intérêt.
Anne Germain