La France va se couvrir d’éoliennes, transition énergétique oblige. Tentons de comprendre. Les énergies fossiles sont le facteur principal du réchauffement climatique lié à l’activité humaine. Là se trouve l’urgence comme nous le signalent les alertes des climatologues toujours plus pressantes. Or nous constatons que la taxation des carburants des avions et des cargos n’est pas à l’ordre du jour. Nous constatons qu’aucune disposition n’est prise pour tenter de réduire la circulation aérienne, maritime et terrestre. Quand Airbus signe un nouveau contrat de vente d’avions, c’est la fête. Nous constatons que l’investissement de l’État dans l’isolation des habitations est ridiculement faible. Nous découvrons, à l’inverse, que le programme éolien est magistralement soutenu par un financement de dizaines de milliards d’euros. Nous commençons à comprendre que la priorité n’est pas à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette lutte sera laissée aux générations futures. La priorité est à l’investissement dans la “croissance verte”, l’énergie éolienne, les voitures électriques, l’industrie numérique, “l’intelligence artificielle”, etc... La Chine prend de l’avance sur nous. Là se trouve l’urgence. L’électricité éolienne ne sera pas en remplacement du nucléaire, mais en complément pour alimenter les besoins croissants en électricité. Pour le moment encore les éoliennes semblent donner le change aux antinucléaires, qui les voient d’un bon oeil, petite vitrine “écologique” même si elles sont aux mains d’industriels goinfrés de subventions. Ne désespérons pas qu’un jour leurs yeux s’ouvrent.
C’est ainsi que débarque chez nous, en catimini, sur Bujaleuf et Champnétery, un projet de 2 parcs éoliens, début 2018. Les élus, démarchés par l’entreprise Valéco, donnent leur accord pour une étude préalable. Valéco rencontre les propriétaires fonciers, dont les 2 maires, et obtient une majorité de signatures de promesses de bail. Deux semaines plus tard ces promesses sont devenues bail irrévocable. Et le projet des 2 parcs éoliens est ficelé. Aucune information préalable à cet accord des élus n’a été donnée à la population, pas même aux riverains, dont 2 employés municipaux, qui “bénéficieront” d’éoliennes de 200 mètres de haut à 500 mètres de leurs maisons. Le projet se concrétise. Conformément à la réglementation, une étude environnementale est lancée, un mât de mesure du vent est posé, une enquête publique suivra, ces préalables étant juste de pure forme. Il n’est plus besoin de vent pour monter une éolienne. Il suffit de la subvention de l’État et de la signature des propriétaires bailleurs. Il n’est plus besoin non plus de l’accord des maires. Ils sont démarchés quand même, leur avis favorable étant une carte de visite utile pour démarcher les propriétaires. Des protestations de riverains s’élèvent, les élus s’en étonnent ou se murent dans le silence. Une association anti-éolienne est créée, de citoyens qui ne veulent pas d’éoliennes ni dans leur jardin, ni dans celui de quiconque. Les relations avec les élus et les bailleurs se sont refroidies. Les informations circulent enfin. Quantité d’autres associations anti-éoliennes existent déjà, en Limousin et à travers la France entière. 200 éoliennes sont en projet sur la Haute Vienne.
L’État n’a jamais eu l’intention de fermer ses centrales nucléaires, il espère au contraire en construire d’autres. Son projet éolien a pour lui 2 avantages. D’une part il donne l’illusion de la transition énergétique vers une électricité “propre” qui a la faveur des Verts et des associations écologistes. D’autre part il lui permet d’augmenter sa production d’électricité pour sa croissance verte. Les éoliennes ne sont pas un moyen de lutte contre le réchauffement climatique. Elles fournissent du courant en moyenne pendant 25 % du temps. Le reste du temps le relais est pris par les centrales à charbon ou à gaz, énergies fossiles qui participent au réchauffement climatique. Cherchez l’erreur !
L’État se défausse toujours plus de sa main-mise sur l’énergie. Il confie son projet aux industriels qui ont pour mission d’inonder le territoire d’éoliennes, moyennant subventions. Subventions pour la construction et subventions pour la production d’électricité : 82 € le Mwh, pendant plusieurs années. EDF facture aux abonnés 41 € le Mwh, et récupère sur leur facture le surplus qu’il a payé aux producteurs éoliens (c’est ce qui apparaît au dos de la facture avec la ligne CSPE : contribution au service public de l’électricité).
De leur côté, les industriels éoliens peuvent vendre et acheter des parcs éoliens comme des petits pains. Total, par exemple, achète des parcs éoliens pour avoir des exonérations de taxes carbone sur ses raffineries de pétrole. IKEA achète des parcs éoliens pour se faire une publicité d’entreprise “verte”. En France, l’éolien c’est d’abord un business.
Quand le promoteur s’invite dans notre Limousin (comme ailleurs) la discrétion est de rigueur. Il ne faut pas ébruiter le projet, sous peine de le faire capoter. Les échanges avec les élus se font dans la confidentialité. C’est là où ces derniers rentrent (naïvement ou pas) dans le jeu du promoteur, engageant l’avenir de la commune et de ses habitants sans la moindre information ni concertation préalables (même si, comme dit plus haut, leur accord n’est plus indispensable). Ce déni de démocratie est proprement insupportable.
Une éolienne rapportera au bailleur entre 1 000 et 6 000 euros par an, suivant le vent, soit plus près de 1 000 que de 6 000. Les communes reçoivent aussi une manne financière qui est évidemment, comme pour les bailleurs, la seule raison de leur accord. Même si certains maires, comme le nôtre, un brin tartuffes, se sentent devenir écologistes, se déclarant désormais “commune à énergie positive”. La distance minimale par rapport aux habitations a été réduite de 1 500 à 500 mètres, alors que ces machines atteignent un gigantisme écrasant. Les nuisances sanitaires sont balayées d’un revers de main, alors qu’elles sont patentes et invalidantes pour nombre de riverains. Le recours au tribunal administratif en première audience est supprimé pour les opposants qui portent plainte. Ils doivent aller directement en appel (ce qui accélère les procédures, qui ne concluent jamais en faveur du plaignant, sauf cas exceptionnel). Rappelons que l’Académie de médecine recommande “de n’autoriser l’implantation de nouvelles éoliennes que dans des zones ayant fait l’objet d’un consensus de la population concernée”. Mais les gestionnaires de l’État, comme les élus locaux, se moquent de leurs administrés.
La situation sur la région Monts et Barrages
80 maires et conseils municipaux à la ronde ont reçu de ma part une alerte sur ces démarches de promoteurs éoliens, leur conseillant notamment de mettre en garde leurs propriétaires fonciers sur les promesses de bail trop vite signées. Ma lettre n’attendait pas vraiment de réponse. Je n’ai eu aucun retour. Il est vraisemblable qu’une large majorité d’entre eux serait favorable à un projet sur leur commune. D’ailleurs d’autres projets éoliens sont déjà en cours ou conclus depuis 2018, sur notre territoire proche. Le problème pour les propriétaires bailleurs c’est que le bail emphytéotique les rend propriétaires de l’éolienne en fin de bail... avec le démantèlement à leur charge ! Je suis frappé du mutisme ambiant, chez les habitants, écologistes inclus, comme chez les élus, sur ce sujet des éoliennes, comme s’il ne fallait pas en débattre, comme s’il était indécent de les refuser. Quelques opposants se lèvent quand même, notamment sur St-Méard. Des paysans refusent aussi de signer sur St-Julien-le-Petit. Des réunions d’information vont se tenir à l’initiative des associations antiéoliennes, malheureusement souvent trop tard si les promesses de bail sont déjà signées.
Ailleurs en France, quantité de témoignages remontent des régions, Aveyron, Allier, Nord, Pays-de-la-Loire, de la part de collectifs, attestant de nuisances environnementales, paysagères, sanitaires, touristiques, de dépréciation du patrimoine immobilier, de désertification accentuée, de dégradation des relations sociales. Globalement un gâchis immense est en cours. Les forces de l’ordre sont en train d’évacuer la ZAD de l’Amassada en Aveyron qui refusait un projet de centaines d’éoliennes et d’un transformateur géant sur leur territoire.
Et pendant ce temps, le réchauffement climatique continue paisiblement sa courbe ascendante.
Joseph Mazé, Bujaleuf