éolienne

  • Des éoliennes dans le paysage limousin

    Au cœur du Parc Naturel Régional de Millevaches en Limousin, les premiers géants d'acier de la région ont fait leur apparition. A Peyrelevade, depuis novembre 2004 où le chantier se finalisait, se sont quelques cinq cents curieux qui, chaque week-end, montent au village de Neuvialle admirer ces six belles du vent. Du haut de leurs 65 mètres elles apportent une note pittoresque dans ce paysage caractéristique de la Mijoie.

    eolienne peyrelevadeA partir de ce succès dont tout le monde parle, une association "Energies pour demain" s'est créée. Elle a pour but de promouvoir et développer les énergies renouvelables sur le plateau de Millevaches. Pour l'animation de ce projet, Rémi Gerbaud un jeune chômeur de Faux-la-Montagne a fait valoir ses compétences techniques dans ce domaine. Il a ainsi créé son emploi. Pendant deux mois, il a collecté, travaillé, vulgarisé une masse d'informations. Et aujourd'hui l'association propose une découverte touristique et pédagogique du site.

    Ce projet a été bien accueilli par des partenaires tels que les offices de tourisme, les élus de la Région et de la Communauté de communes … il a reçu l'appui de l'Agence pour l'Environnement et la Maîtrise de l'Energie (ADEME).

    Le point de rendez-vous des visites sur le site est matérialisé par une cabane en bois. Les curieux y trouvent toutes sortes de renseignements pratiques, de brochures explicatives sur les différentes sources d'énergie (géothermie, panneaux solaires, biomasse...). L'animation s'appuie sur des panneaux pédagogiques illustrant les propos de l'animateur. On y aborde entre autres les différentes étapes de la construction du site, l'impact paysager au cours des différentes saisons, la quantité d'énergie produite, le seuil de rentabilité, etc. Elle est complétée par des exercices pratiques comme la mesure de la nuisance sonore ou de la vitesse du vent.

    La première animation s'est déroulée le samedi 4 juin dans le cadre de la semaine du développement durable. Elle a réuni cent-cinquante personnes, parmi lesquelles trente-cinq élus de Haute-Vienne. Après ce premier succès encourageant, d'autres animations sont programmées pour cet été : les après midi des samedis et dimanches à partir du 1er juillet, et tous les jours du 15 juillet au 15 août. D'ores et déjà, les demandes affluent de la part d'associations locales, de groupes d'élus souhaitant mettre en place de tels projets, de structures scolaires, de groupes de retraités.

    Unique en son genre cette prestation semble répondre à une curiosité alimentée par les préjugés et autres idées reçues sur les éoliennes, leur impact environnemental et paysager, leur capacité de production, etc. Elle s'inscrit dans la vogue actuelle pour le tourisme dit industriel, celui-là même qui voit défiler des milliers de curieux sur le viaduc de Millau par exemple.

    eolienneMais la vocation de l'association est bien de sensibiliser tous les publics à l'intérêt et au développement des énergies propres et renouvelables, d'en expliciter les différentes illustrations, afin de faire prendre conscience à tout un chacun de sa responsabilité face à sa consommation d'électricité.

    Le contexte européen de politique actuelle de développement des énergies renouvelables encourage ce genre d'initiatives. D'ici 2010, la France doit multiplier son quota de production d'électricité par énergies renouvelables par deux pour atteindre les 21 % de sa production totale. Cette politique devrait être créatrice d'emplois, comme ce fut le cas en Allemagne qui compte environ quarante fois plus d'éoliennes qu'en France et où 45 000 emplois ont été créés dans le secteur de l'éolien. La France plafonne péniblement à 405 mégawatts de puissance installée, alors que l'Allemagne s'enorgueillit d'en produire 16 209 fin 2004.

    A un niveau plus local, cette animation et les objectifs de l'association concordent avec la volonté de valoriser et promouvoir les énergies renouvelables auprès du grand public. Politique illustrée par le projet de construction d'une maison des énergies renouvelables. Au delà du caractère innovant de ces installations, c'est aussi une heureuse opportunité pour nous interroger sur notre consommation énergétique.

    Gageons que nous n'avons pas fini d'entendre parler de ces énergies propres et accessibles à tous, pour repenser notre consommation d'énergie et déjà nous orienter vers plus de sobriété. Espérons aussi que nous pourrons dans quelques années renommer à Peyrelevade notre fournisseur d'électricité : "Eoliennes de France (EDF)".

     

    Energies pour demain
    Président : Pierre Coutaud, maire de Peyrelevade

     


     

    Les énergies renouvelables, l'Europe et la France

    Lorsqu'on compare la politique énergétique menée en France à celle que préconise l'Union Européenne, on peut se demander comment la France va s'insérer dans l'Europe vis-à-vis des énergies renouvelables. Pour cela comparons la Directive Européenne et la loi d'orientation française.

     

    Les énergies renouvelables en Europe :

    • 1ère priorité européenne
    • En 2010 : 12% de la consommation
    • Promotion de l'accroissement du pourcentage d'énergies renouvelables
    • Série de mesures de soutien : aide publique, prix intégrant les coûts sociaux et les coûts externes, aide à l'investissement, soutien des prix, obligation d'achat ou appel d'offres, certificats verts, garantie d'origine renouvelable délivrée par des organismes indépendants
    • Réduction des obstacles réglementaires, rationalisation des procédures administratives
    • Nomination d'un médiateur
    • Faculté de priorité d'accès au réseau, de priorité de distribution

     

    Les énergies renouvelables en France :

    - 2ème priorité après le nucléaire

    • En 2010, 10% de la consommation
    • Refus de mesures en faveur de la consommation d'énergies renouvelables
    • Obligation d'achat, une seule fois, sans intégrer les coûts d'investissement, les coûts d'exploitation, les coûts sociaux et externes.
    • Puissance éolienne minimale : 20 Mw
    • Multiples obstacles pour l'éolien
    • Aucun médiateur
    • Aucune priorité d'accès au réseau et à la distribution

     

    L'énergie d'origine renouvelable possède un aspect stratégique, de par la dissémination des centres de production et la proximité des lieux de consommation. En outre, toutes ses caractéristiques s'intègrent dans le développement durable (pas de CO2, pas d'effet de serre, matière première inépuisable, sans conséquences néfastes à court comme à long terme). Les producteurs indépendants ont, de plus, un rôle important sur le plan local : diminution des pertes en ligne haute tension du fait de la consommation à proximité, source de revenus pour les collectivités (taxe foncière, taxe professionnelle), création d'emplois induits.

    L'électricité d'origine renouvelable ne peut pas être un alibi écologique à une politique pro nucléaire. Pourquoi tant de difficultés administratives pour l'implantation d'éoliennes ? Pourquoi une si grande différence entre la France et l'Allemagne par exemple ? Pourquoi la Directive Européenne sur les énergies renouvelables n'a-t-elle pas été transposée en France alors qu'en octobre 2005 le bilan doit en être fait dans tous les états membres ?

     

    Geneviève Coutier
  • Des ZDE au SRADDET : les communes perdent la main

    De lois en décrets, de programmes en schéma intégrateur de planification stratégique, le rôle des communes et intercommunalités est passé de celui d’initiateur de centrales d’aérogénération à celui d’échelon pertinent pour cibler, depuis Bordeaux, Paris ou Bruxelles, les zones favorables à l’implantation de centrales. 

     

    Des ZDE...

    En 2005, la loi POPE (Programme fixant les orientations de la politique énergétique) introduit le principe des ZDE (Zones de développement de l’éolien). À partir du 14 juillet 2007, les centrales d’aérogénération doivent être envisagées au sein de ZDE. Outils de planification local, les ZDE cherchent un équilibre entre, d’un côté, l’augmentation de la production d’énergie d’origine éolienne en garantissant aux promoteurs respectant ce zonage un tarif préférentiel d’achat de l’électricité par EDF fixé par l’État, et, de l’autre, la maîtrise des implantations en les soumettant à des critères (environnementaux, sanitaires, paysagers...) et en en confiant l’initiative aux communes (ou intercommunalités). L’autorisation préfectorale intervenant après un passage dans une commission départementale compétente. Cependant, la création des ZDE fait que les implantations de centrales d’aérogénération dans ces zones ne relèvent plus du code de l’urbanisme mais du code de l’énergie.

    Dans la même idée de maîtriser les implantations, la région Limousin, sûrement soumise à la pression du lobby de l’aérogénération industrielle, se dote en 2006, à son initiative, d’un Schéma régional éolien (SRE).

    Dernière tentative de maîtrise en 2011, avec la création d’une rubrique éolienne dans la nomenclature relative aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Toute demande de permis de construire doit désormais s’accompagner d’une étude d’impact sur la santé et l’environnement.

     

    eolienne gentioux

     

    … aux SRE

    Mais le rouleau compresseur est déjà en route. Avec la loi Grenelle de 2010, les ZDE sont remplacées par un Schéma régional éolien - SRE (annexe obligatoire du tout aussi obligatoire Schéma régional climat air énergie - SRCAE). Intégrant les objectifs européens déclinés nationalement (et les colossales pressions de la filière aérogénération industrielle à ces échelles), le SRE limousin devra prendre sa part des 700 nouveaux aérogénérateurs qui devront s’implanter en France d’ici fin 2020. Avec la fin des ZDE, le zonage se fait désormais à l’échelle régionale avec une liste de communes définies comme favorables au développement de l’énergie éolienne selon tout un tas de critères (cf. article page 6).

    Adopté en avril 2013, le SRE limousin ne verra jamais le jour : l’arrêté préfectoral le concernant est annulé le 17 décembre 2015 par le tribunal administratif de Limoges (annulation confirmée par la cour administrative d’appel de Bordeaux un an plus tard) au motif que le document ne comportait pas d’évaluation environnementale...

    Nouvelle offensive en 2015 avec la loi NOTRe. L’organisation territoriale de la République devient, elle aussi, industrielle. Désormais, dans les nouvelles grandes régions, les schémas régionaux sectoriels (dont le SRE fait partie) sont remplacés par - accrochez-vous - un « Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité de territoires », le SRADDET. S’inscrivant dans la marche forcée vers les énergies renouvelables balisée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de Ségolène Royal (17 août 2015) et le programme pluriannuel de l’énergie d’Emmanuel Macron (21 avril 2018) qui veut doubler la puissance installée d’éolien terrestre d’ici 2028, le SRADDET de la Nouvelle-Aquitaine (approuvé par la préfète de région en mars 2019) prévoit, lui, de multiplier par 2,5 la puissance installée dans la grande région.

     

    projet eolien nouvelle aquitaine 2019

     

    Mais les opposants sont pugnaces. Trois mois plus tard, le 5 juin 2020, un collectif de 11 associations, en représentant 165, dépose un recours contre le SRADDET devant le tribunal administratif de Bordeaux. Selon lui, il y a une contradiction dans les objectifs du SRADDET : comment passer de 677 à 1 600 (en 2030) puis  2 790 (en 2050) aérogénérateurs industriels tout en voulant sanctuariser les espaces agricoles, réduire l’artificialisation des sols, protéger les forêts et la biodiversité ?

    Heureusement, le SRADDET pense encore aux communes et aux habitant·es… notamment comme partenaires financiers dans les projets de centrales d’aérogénération : « La territorialisation des projets et l’implication directe des collectivités locales et des habitants y compris comme partie prenante dans les investissements financiers » (La Nouvelle-Aquitaine en transition. Rapport d’objectifs du SRADDET, décembre 2019, p. 150).

     

    Loïc Bielmann

     

  • Du côté d’Eole

    eolienneUn projet d’implantation d’éoliennes génératrices d’électricité à Neuvialle sur la commune de Peyrelevade suscite des réactions, dont certaines négatives. Ces protestations peuvent surprendre lorsqu’elles émanent de personnes de “sensibilité” écologique, qui devraient être a priori favorables à cette installation.  Jean-François Pressicaud pense que ce projet présente des inconvénients surmontables, mais aussi qu’il soulève deux questions de fond : le caractère industriel du projet et l’atteinte au paysage.

     

    Des inconvénients surmontables

    • Le bruit

    Les personnes qui sont allées visiter des éoliennes en exploitation considèrent que cette nuisance est d’un niveau faible, ce qui n’est pas surprenant lorsqu’on examine les exigences de la réglementation : on ne peut construire qu’à une distance qui garantisse un bruit extrêmement faible pour le voisinage. Néanmoins, elles sont susceptibles d’altérer le silence nocturne.

     

    • Les oiseaux

    Pour les oiseaux, la vitesse de rotation assez faible des pales minimise le danger. Des études menées au Danemark, pays où l’éolien est très développé, montrent qu’après une période de surmortalité au début du fonctionnement de l’installation, on revient ensuite très vite à la normale, les oiseaux prenant l’habitude d’éviter les pales. Mais il faut éviter de choisir des emplacements qui coïncident avec les couloirs de migration. L’intervention de la SEPOL pour la réalisation de l’étude d’impact a conduit à modifier certains emplacements.

     

    • Les champs magnétiques

    Les inquiétudes concernant les champs magnétiques n’ont pas jusqu’à présent été étayées. Elles sont en tout cas moins graves que pour les lignes à haute tension, nombreuses ici. Mais il convient de rester vigilant en ce domaine où les recherches sont récentes et parfois contradictoires.

     

    Un projet industriel

    Une question plus fondamentale concerne le caractère industriel de cette installation : pourquoi produire tant d’énergie avec des moyens financiers et techniques aussi puissants ?

    Tout écologiste cohérent considère qu’il faut d’abord avoir pour objectif d’économiser l’énergie, de la produire grâce à des ressources locales, renouvelables et non polluantes et de l’utiliser de la façon la plus décentralisée possible.

     

    “L’eau, c’est fait. Il leur reste à nous vendre l’air que l’on respire”. Herbé.

     

    Le projet de Neuvialle ne se situe que très partiellement dans cette perspective, mais cela ne doit pas nous empêcher de prendre en considération les avantages qu’il y a à faire de l’électricité en utilisant l’énergie du vent plutôt qu’un combustible nucléaire ou fossile. Les éoliennes ne génèrent aucune pollution, elles fonctionnent à partir d’une ressource gratuite et indéfiniment renouvelable, et leurs inconvénients éventuels cesseront immédiatement et totalement au moment de l’arrêt de l’exploitation : il n’y a aucune production de déchets.

    L’objectif assigné aux éoliennes de Neuvialle étant de fournir de l’électricité en quantité importante pour le réseau EDF, seuls des groupes industriels sont en mesure de mener les recherches et de supporter les investissements indispensables à une telle opération . Cette logique industrielle fait que ce type de projet ne peut émaner des collectivités locales ou d’autres groupements citoyens, de type associatif par exemple. Les collectivités locales bénéficient certes de retombées financières (taxe professionnelle). A elles cependant de négocier avec les promoteurs pour obtenir encore plus.

     

    Le paysage

    Celui qui s’oppose aux éoliennes au nom du respect du paysage exprime un point de vue aussi défendable que celui qui considère que les éoliennes sont plutôt une réussite esthétique et attireront probablement des visiteurs.

    Il reste qu’implanter des éoliennes dans un site jusqu’à présent préservé de toute implantation industrielle ou technique peut légitimement choquer. Cet argument prend encore plus de poids lorsqu’il émane de personnes pour qui le choix de vivre sur le Plateau de Millevaches a été conforté par l’existence d’un paysage protégé de la plupart des agressions de l’industrie et de l’urbanisme.

    En contrepartie, si l’on compare l’impact paysager des éoliennes avec la possible implantation de déchets nucléaires ou avec les nombreuses lignes électriques à haute tension déjà existantes sur le territoire – alors que les lignes partant des éoliennes seront obligatoirement enterrées – on parvient rapidement à relativiser les reproches faits aux éoliennes.

    Sans vouloir nier l’importance que peut revêtir la question du paysage, on peut se demander si ceux qui s’opposent aux éoliennes pour cette raison se sont rendus compte qu’ils vont avoir des alliés de circonstance obéissant à des motivations bien différentes des leurs. On peut penser en effet que les partisans du lobby nucléaire vont avancer masqués sur ce thème, mettant en avant des motifs paysagers pour justifier leur opposition aux éoliennes, alors que leur souci profond est de gêner tout projet qui pourrait empiéter un tant soit peu sur le tout nucléaire.

    Comment expliquer la vigueur de l’opposition aux éoliennes sur le thème du paysage alors que dans d’autres domaines où les atteintes sont nettement plus graves, il n’y a pas eu de réaction collective ? Je pense en particulier aux nouvelles routes ou autoroutes qui servent prioritairement au développement des transports routiers (polluants et dangereux). Le bouleversement du paysage du col du Massoubre (entre Felletin et La Courtine) et l’impact paysager de l’A 89 sont considérablement plus graves que l’implantation de six éoliennes à Neuvialle et résultent exclusivement de la logique de croissance économique, industrielle et technique qui contribue à dégrader irrémédiablement notre environnement . 

     

    C’est pourquoi, malgré les critiques qui peuvent lui être adressées, il me semble qu’il est souhaitable que le projet d’éoliennes de Neuvialle se réalise. A nous, habitants du lieu, de peser sur les promoteurs pour que les bénéfices de l’opération ne soient pas destinés au seul investisseur, mais soient également dirigés vers les instances locales.

     

    Jean-François Pressicaud

    Illustration de Rousso, extraite du “Courrier de l’environnement de l’INRA



    Appel à réflexion

    Ce projet d’éoliennes fait cogiter. La communauté de communes du Plateau de Gentioux, dont Peyrelevade fait partie, s’interroge sur l’opportunité de créer un projet autour du développement des énergies renouvelables (vulgarisation d’équipements en énergies renouvelables auprès des communes et des particuliers ; animation sur le site des futures éoliennes ; etc.). Pour partager et enrichir ces réflexions, la communauté de communes invite les personnes ou associations intéressées par la mise en place d’un tel projet à une réunion.
  • Électrons libres

    Le plateau de Millevaches peut raisonnablement s'enorgueillir d'être en matière d'énergies renouvelables un territoire exemplaire. Barrages et usines hydroélectriques, unité de cogénération de Felletin et depuis peu éoliennes de Peyrelevade, témoignent que l'eau, le bois et le vent - dont le plateau dispose en abondance et de manière quasi infinie s'il sait en prendre soin - peuvent être des sources d'énergies "propres" et "durables" - pour reprendre les mots à la mode que dévoient sans état d'âme et pour leur propre compte l'industrie nucléaire et, peu ou prou, tous les plus grands pollueurs de la planète. Ici, nous avons la chance de pouvoir utiliser ces mots sans tricherie. Nous vous proposons dans ce numéro et dans le prochain un tour d’horizon de ces énergies que nous espérons être celles de demain.

     

    Du tableau noir à la turbine

    energie eauAprès ses études à l'Ecole Centrale, Gérard Coutier est devenu professeur de mathématiques. Il l'est resté 19 ans. Ce ne sont pas les équations ou les axiomes (et encore moins les élèves) qui le lassèrent du métier, mais il se sentait un peu à l'étroit dans les cadres rigides de l'Education Nationale. Il décide donc de s'échapper du "mammouth" et avec sa femme Geneviève, de rechercher une centrale hydroélectrique pour devenir producteur d'électricité. Une profession que le public ignore en grande partie, croyant que seule EDF assure la fabrication de l'énergie électrique. Il existe pourtant en France environ 1500 centrales hydrauliques privées. En Limousin il y en a 80 environ. Parmi elles, la centrale du Theillet à Saint Martin Château que Geneviève et Gérard Coutier ont achetée en 1992. L'usine était en piteux état. Construite en 1968, passée entre les mains de deux propriétaires, elle ne fonctionnait plus lorsque le couple la reprend. Gérard qui n'a pas oublié ses leçons de Centrale reconçoit tout, achète une turbine d'occasion, la réinstalle, mobilise les compétences d'un maçon de Royère, d'un électricien et d'un chaudronnier de Limoges, bref reconstruit lacentrale qui depuis, marche sans problèmes et sans à-coups.

    Une prise d'eau capte une partie du débit de la rivière 26 mètres au dessus de la centrale. L'eau suit une conduite forcée d'environ 600 mètres de long. C'est ce qu'on appelle une "moyenne chute" (en opposition aux "basses chutes" généralement installées directement sur la rivière, ou aux "hautes chutes" : il en existe une en Limousin, à Saint Augustin en Corrèze, qui fait plus de 80m de hauteur de chute). D'une puissance de 240 Kw l'usine hydroélectrique des Coutier est dans la moyenne des entreprises de ce genre. C'est l'une des trois centrales privées que compte la commune de St Martin. Pour respecter un débit minimum à la rivière sur laquelle elle est implantée (ce qu'on appelle le "débit réservé", pourcentage du débit moyen de la rivière, obligatoirement laissé pour permettre la vie piscicole) un système de régulation asservit la turbine, et l'été, la centrale est arrêtée dès que le débit réservé ne peut être assuré, ceci pendant environ un mois et demi.

    Chez lui, dans la Drôme, où il réside le plus souvent, le couple a aussi une petite centrale, beaucoup plus modeste (10 à 11 Kw) pour assurer le chauffage de sa maison.

     

    Quand EDF se désengage

    Aujourd'hui, comme la plupart des petits producteurs d'électricité, les Coutier sont inquiets. Depuis sa nationalisation en 1946, EDF avait en effet une obligation d'achat envers les producteurs privés, puisque c'est l'entreprise nationale qui disposait du monopole de la vente de l'électricité en France. Or la loi relative au statut d'EDF présentée au parlement en août 2004 lève cette obligation d'achat. Geneviève Coutier explique : "La loi ne prévoit pas le renouvellement de nos contrats, lesquels arrivent à échéance en 2012. L'abrogation de cette obligation d'achat, sous prétexte de Bruxelles, nous place dans une situation difficile : que vaudront nos entreprises, comment trouverons-nous des clients, et à quel prix ? Imaginons un éleveur, un artisan qui, ayant investi dans des équipements coûteux, se verraient, par une décision législative, privés de clients, sauf à des tarifs très bas…".

    Par ailleurs, la loi d'orientation sur l'énergie changerait radicalement les seuils jusqu'alors pratiqués pour l'achat de l'électricité pour l'éolien. EDF était jusqu'à maintenant obligée d'acheter l'électricité aux unités ayant une puissance inférieure à 12 Mw. Désormais la loi ne maintiendrait l'obligation d'achat que pour les puissances supérieures à 20 Mw ! L'ancien plafond se retrouverait ainsi en dessous du nouveau plancher. Geneviève Coutier ironise : "Seules les grosses sociétés pourront bénéficier de l'obligation d'achat. C'est bien connu, les gros ont toujours intérêt à grignoter les petits…".

    Au sein d'EAF (Electricité Autonome de France), le plus gros des syndicats de producteurs d'électricité qui regroupe 800 membres et dont font partie les Coutier, on ne décolère pas. L'article 33 de la loi sur EDF a été votée en plein mois d'août, au dernier moment, et sans aucune concertation avec la profession concernée. EAF et les deux autres syndicats nationaux se mobilisent donc pour tenter de faire réévaluer à la baisse le seuil de 20 Mw. Un seuil qui rendrait nul l'intérêt économique d'un projet comme celui des éoliennes de Peyrelevade d'une puissance annuelle de 9 Mw…

    Facile aux yeux de Geneviève Coutier de deviner derrière ces mesures la pression du lobby nucléaire, "vous savez, l'énergie qui ne produit pas de CO2 ".

     

    Les énergies renouvelables : un hochet

    Pourtant, la France a souscrit à la Directive européenne sur les énergies renouvelables qui fait de celles-ci, en matière énergétique, la priorité (voir encadré page ci-contre). "Il y a un discours où l'on ne parle que de développement durable et d'énergies renouvelables et puis il y a la réalité qui est toute autre" tempête Geneviève Coutier qui conclut que pour l'Etat, les énergies renouvelables ne sont qu'un hochet pour amuser la galerie. "A titre d'exemple, poursuit-elle, j'ai traversé récemment l'Allemagne. Sur le trajet Bregenz, Nuremberg, Berlin, Francfort sur Oder, j'ai compté depuis l'autoroute 289 éoliennes d'une puissance approximative de 800 Kw… Alors ? Vérité au-delà du Rhin, erreur en deçà ?".

     

    Michel Lulek

    Pour plus de renseignements : Electricité Autonome de France, La Boursidière, BP 48 92357 Le Plessis Robinson. Tel : 01 46 30 28 28.
  • Éoliennes : avis de tempête sur la Montagne limousine

    eolienne3Les centrales d’aérogénérateurs industriels1 s’accumulent sur les cartes limousines que les collectifs d’opposant·es actualisent au fur et à mesure que les projets sortent de l’ombre. D’un côté, cinq ans de politiques d’éloignement progressif entre les centres de décision et les habitant·es, et de réduction des espaces de concertation au niveau local ; d’un autre, des programmes de développement massif de production d’énergie d’origine éolienne. Il fallait s’y attendre, la tension monte dans les hameaux limousins entre habitant·es, élu·es et promoteurs de centrales. Tour des enjeux de la bataille qui s’annonce sur la Montagne.

     

    Un peu d’air ne ferait pas de mal 

    L’avalanche des projets de centrales d’aérogénérateurs industriels et l’opacité dans laquelle ils sont mis en œuvre a de quoi sidérer n’importe quel·le habitant·e de la Montagne limousine. Et ces dernier·ères n’ont pas fini de se mobiliser pour, déjà, juste avoir accès à ce qui se trame près de chez elles et eux, et tâcher de comprendre qui décide de ces implantations. Y a-t-il un plan général quelque part ? Pourquoi maintenant et si massivement ? Et ensuite : va-t-il y avoir le temps de réfléchir un minimum à leur pertinence avant de se retrouver au milieu d’un semis géant de machines de plus de 100 m de haut ?

    Plusieurs mouvements, à différentes échelles, conduisent à la multiplication des projets sur les trois départements limousins. Le premier est celui de l’impulsion européenne et nationale donnée à la production d’énergie d’origine éolienne. Dernier en date, le plan pluriannuel de l’énergie d’Emmanuel Macron (avril 2018) prévoit un doublement de la puissance éolienne terrestre d’ici 2028. 

    Un deuxième mouvement est celui des promoteurs. Ces entreprises qui installent et exploitent des centrales d’aérogénération surfent sur les programmes de lutte contre le réchauffement climatique et, regroupés dans France énergie éolienne (FEE), savent se rendre utile auprès des décideurs et planificateurs dans la conception des plans de développement.

    Un troisième mouvement concerne les évolutions du cadre juridico-administratif : depuis 10 ans, différents textes, de la loi NOTRe aux lois sur la transition énergétique, rendent ce cadre de plus en plus favorable aux implantations (lire page 9 : Des ZDE au SRADDET : les communes perdent la main). À l’inverse, les procédures de contestation sont amputées (cf. encadré). Dans le même temps, la baisse des dotations financières de l’État aux communes rendent celles-ci plus enclines à donner suite aux promesses de recettes fiscales annoncées par les promoteurs.

    Le quatrième mouvement est technologique. En effet, les nouvelles machines commencent à produire avec des vitesses de vent moindres. C’est ainsi que le Limousin, du point du vue du vent, a vu passer la proportion de sa surface favorable à l’aérogénération industrielle de 15 % à 80 % entre le schéma régional éolien de 2006 (seuil à 5,5 m/s à 80 m de hauteur) et celui de 2013 (seuil à 4,3 m/s à 80 m de hauteur). De plus, l’augmentation de la taille des mâts et des pâles permet d’aller chercher du vent plus haut et d’aller prospecter dans des zones aux gisements de vent jusqu’alors moins intéressants. 

     

    Le Limousin, préservé donc à conquérir 

    Le dernier mouvement est celui qui pousse à concentrer les nouvelles implantations dans les zones jusqu’à maintenant peu dotées. Vu des bureaux d’études, la détermination des zones favorables est simple. Il suffit d’empiler des calques de cartes thématiques définissant, chacune selon son critère (vent, sécurité aéronautique, habitat, biodiversité, patrimoine et paysage), des zones « défavorables », « favorables à fortes contraintes », « favorables à contraintes modérées », ou « favorables », et d’en tirer une liste de communes « favorables ». À l’échelle nationale, ce sont les Hauts-de-France, la Bretagne, les vallées et crêtes méditerranéennes qui sont sorties gagnantes de ce jeu de cartes.

    À l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine (cf. carte page 9), ce sont les quatre départements de l’ex-Poitou-Charentes qui ont tiré le gros lot… jusqu’à la saturation. Au point qu’en décembre 2020, les présidents de leurs conseils départementaux respectifs, dénonçant « un développement anarchique » dans « un vide juridique total », ont menacé d’attaquer les arrêtés d’autorisation et de soutenir les associations qui s’opposent à l’aérogénération industrielle. Ils réclament une meilleure répartition territoriale des centrales. 

    Les forêts des Landes étant sujettes aux incendies et les pilotes de canadairs refusant de faire du slalom entre des mâts ou de terminer hâché·es comme de vulgaires rapaces (la Région espère cependant à terme lever ces contraintes), tous les regards se tournent vers le Limousin et ses 70 MégaWatt (MW) installés, contre 805 MW en Poitou-Charentes et quasiment 0 dans l’ex-Aquitaine. Selon le collectif qui a déposé un recours contre le SRADDET (cf . page 9), la Région prévoit ainsi l’installation à terme de 288 aérogénérateurs en Creuse (contre une trentaine aujourd’hui), 217 en Haute-Vienne et 207 en Corrèze.

     

    Le rôle clé des propriétaires et conseils municipaux

    Photo Pont de SenoueixSi ces mouvements qui se conjuguent ont pour conséquence une offensive sans précédent des promoteurs de centrales d’aérogénération en Limousin, nul trace, en revanche, d’une planification territoriale fine à l’échelle locale et à l’écoute des communes et des habitant·es. Forts de ces mouvements de fond qui les favorisent, les promoteurs passent aux cartes détaillées, ciblent les communes dites « favorables » et délimitent des polygones sur des crêtes à plus de 500 m des habitations. Vient ensuite le démarchage des propriétaires des parcelles visées et des conseils municipaux.

    Aux premiers, les promoteurs proposent des baux aux montants alléchants (plusieurs milliers d’euros par an). Montants qui dépassent très largement en quelques années la valeur d’achat de la parcelle visée, mais permettent de s’affranchir des coûts autrement plus importants de la remise en état du site à la fin de vie de la machine. Peu au fait des enjeux liés aux aérogénérateurs industriels et pris dans la communication des promoteurs (leur unique interlocuteur), nombre de propriétaires ne mesurent pas la portée et l’impact de leur décision personnelle, qui de fait ressort plutôt de l’intérêt public. Situation qui fait dire à un participant d’une réunion publique à Gentioux qu’il y a là « un abus de jouissance du droit de propriété ».

    Du côté des conseils municipaux et intercommunaux (majoritairement de petites communes rurales aux moyens d’expertises réduits), les propositions financières sont aussi tentantes. Il leur est demandé, en échange, des droits d’usage de chemins communaux et des permis pour l’installation de mâts de mesure. C’est la fameuse phase de « pré-faisabilité », terme qui laisse entendre que tout est encore réversible. Or à ce stade, si des propriétaires ont donné leur accord, il n’y a plus de retour en arrière possible. 

    Le pouvoir bascule alors vers les préfectures et leurs services techniques, et ensuite, peut-être, le rapport de force que peuvent instaurer des habitant·es y pourra quelque chose.

     

    Quand les habitant.es s’éveillent

    Ainsi, de projets en projets, l’histoire se répète : au stade de la « pré-faisabilité », un élu défavorable ou des habitant·es sortent le projet de l’ombre, se réunissent en association qui font vite beaucoup d’adhérent·es et interpellent les élu·es qui, souvent, reviennent sur leurs décisions. Mais il est parfois trop tard. Et l’affaire est portée sur le terrain judiciaire (le cas de 70 % des projets en 2017, selon l’ADEME).

    En Creuse, le collectif Alerte éoliennes 23 tâche depuis 2017 de recenser précisément les projets d’implantation de centrales dans le département (liste détaillée sur le site de Stop-mines 23). À ce jour, il a recensé 202 machines : 35 en exploitation, 33 autorisées ou en construction, 35 en instruction à la préfecture et 101 en projet. Toujours en Creuse, la quinzaine d’associations locales a tenté, au printemps 2019, de se fédérer dans un collectif SOS Éole 23. Des désaccords internes ont freiné la dynamique et amoindri l’ampleur d’une manifestation en janvier 2020 à Guéret. Mais une réunion ce printemps, rassemblant une quarantaine de personnes, a relancé le mouvement. Une nouvelle manifestation est prévue le 10 octobre à Guéret avec aussi des collectifs de l’Indre (sous réserve de l’autorisation de la préfecture). Par ailleurs, pas à pas, des liens se tissent avec des collectifs de la Montagne limousine.

    À Gentioux-Pigerolles, l’Association de défense du vivant des paysages du plateau de Gentioux a relevé l’avancement de trois projets de centrales sur la commune et de deux autres alentour. Du côté de Bugeat, c’est l’association Mille Vents Debout pour la protection du plateau de Millevaches qui bataille sur une centrale de 6 à 9 aérogénérateurs sur les communes de Bonnefond, Bugeat, Gourdon-Murat et Pérols-sur-Vézère. Les deux associations ont averti les habitant·es de leur commune respective par des tracts avant les élections municipales et ont organisé des réunions d’information au mois d’août. Résultat : le thème est devenu incontournable dans les campagnes électorales et les élu·es sortant·es fortement interpellé·es sur leur soutien aux projets de centrales. 

    Quant aux réunions publiques, elles ont rassemblé large dans leur nombre et leur composition. Cinquante personnes sur la place de Gentioux et plus de cent cinquante dans le foyer rural de Bugeat, salle où le promoteur avait déjà organisé ses propres réunions d’information. Des participant·es surtout avides d’informations et remonté·es contre le manque de transparence de leurs élu·es. Mais aussi prêt·es à s’approprier la complexité du sujet, de l’urgence de lutte contre le réchauffement climatique à la composition du mix énergétique français. Depuis, la nouvelle équipe municipale de Gentioux-Pigerolles, « plutôt défavorable aux projets en l’état » a envoyé à ses habitant·es une lettre d’information détaillée sur l’état d’avancement des projets et ouvert cinq permanences hebdomadaires jusque fin septembre pour « recueillir leurs avis, questions et propositions ».

     

    Carte Eoliennes Creuse 2020

     

    Neuf centrales dans le Parc naturel régional

    C’est d’ailleurs à ce thème que veut s’atteler, en lien avec le Syndicat de la Montagne limousine, le tout nouveau collectif pour la maîtrise citoyenne de l’éolien sur la Montagne limousine, créé en mars 2020 par une vingtaine de personnes représentant 9 projets de centrales sur le territoire du Parc naturel régional (dont le bureau a voté, en décembre 2019, une délibération - non contraignante - contre l’implantation d’aérogérateurs industriels dans la zone de protection spéciale du Parc). Le collectif a fait sa première apparition publique au camp d’été du Syndicat et des Gilets jaunes en juillet à Lacelle. Dans ses cartons : un séminaire public sur la question des énergies renouvelables, locales, durables, etc. à l’échelle du Plateau afin d’aboutir à des recommandations.

    C’était un peu la démarche en 2018 d’un groupe départemental de travail et de réflexion en Corrèze. Réunissant au « niveau départemental des représentants des collectivités, des associations et des organismes professionnels concernés à la fois par l’avenir du territoire et de l’environnement », il s’était donné pour but de « rédiger un document réunissant les observations de terrain des participants ainsi que des analyses relatives au développement des projets éoliens conduisant à des recommandations pour la Corrèze ». Le document d’information qui en est ressorti est très riche d’expériences concrètes (L’Éolien en Corrèze, document d’information, 22 mai 2018).

    Tout ceci laisse penser que l’automne sera chaud sur le sujet, à moins qu’un moratoire de quelques années sur les projets en cours permette aux différentes parties prenantes d’élaborer localement et collectivement une position pertinente sur la question de l’énergie (production et consommation) et des éventuelles infrastructures à envisager.

     

    Loïc Bielmann

    1 - Le choix a été fait, au regard de la taille des installations (hauteur, profondeur, emprise au sol), des impacts de leur mise en place (ouverture de pistes, creusement de tranchées pour le passage de câbles, installation de transformateurs) et de leur place dans marché et le réseau européen de production électrique, de les assimiler aux unités de production électrique partageant ces caractéristiques (centrales à gaz, à charbon ou à uranium). Il a donc été préféré, par souci de justesse, de nommer ces installations « centrales d’aérogénération », plutôt que « champs », « fermes » ou « parcs » d’« éoliennes » qui renvoient à un imaginaire, certes plus bucolique, mais trop éloigné de la réalité.

     

    Une carte collaborative de l’éolien en Limousin

    À l’initiative de quelques personnes une carte des éoliennes en fonctionnement et en projet en Corrèze, Haute-Vienne et Creuse a été élaborée et sera régulièrement actualisée. Accessible uniquement sous format numérique elle permet en cliquant sur les sites répertoriés de découvrir les caractéristiques de chaque projet. Cette publication collaborative se veut un point de convergence pour les nombreux groupes, somme toute assez éparpillés, qui suivent, s’informent ou combattent ces projets. Pour voir la carte : http://u.osmfr.org/m/495403/

     

    Pour les habitant.es, de plus en plus dur de se faire entendre

    Olivier Dubar et Luis Landrot (administrateurs du collectif d’associations de Bourgogne Franche-Comté), notent dans leur guide L’Eolien et l’élu que « les moyens institutionnels de se faire entendre pour les habitants ont été rognés par deux décrets en 2018 ». Le premier décret (Lecornu du 29 novembre 2018) précise que pour l’éolien, et pour l’éolien seulement, le citoyen ou des associations de défense ne peuvent plus accéder gratuitement au juge de première instance. Ces derniers doivent se faire accompagner d’un avocat pour plaider directement en deuxième instance de la juridiction administrative. En ce qui concerne l’enquête publique, le second décret (de Rugy du 24 décembre 2018) prévoit de supprimer le commissaire enquêteur. Les citoyen.nes devront faire leurs observations par internet où elles seront examinées par le préfet, le même préfet qui signe l’autorisation. Selon les mêmes auteurs, « ce simulacre d’enquête publique est actuellement expérimenté en Bretagne et dans les Hauts-de-France. Il sera probablement généralisé à toute la France. »

     

  • Éoliennes : des vaches victimes des champs magnétiques

    Alors qu’à Saint-Pardoux-Morterolles EDF a abandonné son projet éolien, le 24 avril Iberdrola est venue confirmer à la maire de Nedde son projet d’installer trois éoliennes sur sa commune. La population de Nedde, dont une partie suit pourtant ce dossier de près, n’a pas été invitée à ce rendez-vous crucial. La multinationale espagnole maintient son projet de trois éoliennes de 150 mètres avec des pales de 58 mètres. 18 kilomètres de câbles seraient installés pour raccorder ces aérogénérateurs au réseau européen d’électricité à La Veytisou. Iberdrola veut obtenir l’autorisation de la préfecture de Haute-Vienne dès juin 2024. Des habitants de Nedde mobilisés contre ce projet viennent de rendre visite dans le Puy-de-Dôme à un éleveur très durement touché par une implantation d’éoliennes à côté de chez lui. Voici le récit glaçant de ce voyage.

     

    vache et eolienne 01Samedi matin 22 avril, il est 9 heures et il pleut. Les voitures arrivent sur la place de la bibliothèque à Nedde. Combien sommes-nous pour faire cette visite dans le Puy de Dôme ? Sept personnes, ça va, nous allons pouvoir faire le voyage avec deux véhicules. Les techniciens de Télé Millevaches sont là, ils prennent déjà des images, nous expliquent un peu le déroulement : ils veulent monter ce reportage un peu comme une enquête alors ils nous installent des micros et nous annoncent qu’ils vont tourner dans la voiture pendant le voyage. 9 h 15 : Nous partons, nous passons par la Courtine. C’est le plus court, mais la route est un peu plus sinueuse. Télé Millevaches prend des images des paysages que nous traversons et nous interviewe, Vincent et moi. 11 h : Nous arrivons à Tortebesse. J’appelle Laurent Mège pour qu’il m’indique la route pour aller chez lui au village des Plaines. Il est en train de changer un troupeau de vaches et j’entends son chien aboyer. Ce n’est pas compliqué, c’est tout droit, me dit-il. Nous continuons, voyons le panneau « les Plaines », puis une ferme. Nous sommes arrivés.

     

    Internet ne marche plus...

    Depuis le témoignage de Laurent Mège lors de la réunion publique du 29 octobre 2022 à Nedde, j’appréhendais un peu cette visite. Qu’allons-nous découvrir ? J’aperçois une femme et un homme derrière une baie vitrée, je m’approche, c’est Mme Mège et le voisin M. Morge qui est aussi éleveur, ils nous attendent. Laurent Mège arrive, toujours aussi dynamique. Ils nous invitent à nous installer autour de la grande table, Télé Millevaches filme toujours mais nous finissons par les oublier. Laurent Mège nous montre des plans et divers documents, c’est une ferme familiale depuis trois générations où ils produisent du lait pour une coopérative qui fabrique divers bleus d’Auvergne et des tommes. Son troupeau est constitué d’environ 70 vaches montbéliardes qui produisent une moyenne de 7 500 litres de lait par an. Ils ont deux bâtiments : un pour les génisses qu’ils gardent, et un autre où sont les laitières avec la salle de traite attenante. En 2014, Laurent Mège décide de rénover une grange en maison d’habitation et comme il n’y a pas de possibilité d’internet par ligne téléphonique, il fait une installation par parabole type Nornet afin de faciliter ses démarches administratives, notamment ses déclarations. Pour son voisin M. Morge qui est à 900 m du parc éolien mais de l’autre côté, c’est un peu la même situation et les mêmes problèmes. Son épouse est vétérinaire salariée dans un cabinet et fait tout pour les aider mais elle subit des pressions de l’ordre des vétérinaires. Pour cette raison, elle n’a pas voulu témoigner car elle a peur de perdre sa place. En 2018, un parc de 6 éoliennes de 90 m de haut, relativement petites comparativement à d’autres, s’implante sur la commune voisine à 900 m de leur village. Ils n’ont a priori rien contre les éoliennes mais à partir de là, les ennuis commencent : tout d’abord, plus d’internet ! Ils changent la box, puis l’ordinateur mais rien n’y fait. Les diverses déclarations se font en retard, ce qui leur vaut des réprimandes. Évidemment sans internet, c’est moins facile. Un jour un technicien un peu plus perspicace que les autres demande : « Quel changement y a-t-il eu depuis que vous avez la parabole ? » - Nous avons un parc éolien en face de chez nous ! En fait, comme les éoliennes sont situées en face de la parabole, les pales coupent le faisceau.

     

    ...et les vaches meurent

    vache et eolienne 03Puis ça commence avec le troupeau de laitières : la production de lait baisse, les vaches sont bizarres, elles se regroupent dans une partie de la stabulation et restent comme un troupeau de moutons collées les unes aux autres. Soit elles ne boivent plus du tout, soit elles boivent beaucoup à la fois. Elles refusent de rentrer dans la salle de traite, se couchent et finissent par mourir. M. Mège perd jusqu’à neuf ou dix vaches par semaine soit environ 50 à 60 animaux par an. Les vétérinaires viennent, sept se succèdent mais ne comprennent pas ce qui se passe. Ils font des analyses qui ne donnent rien, certains finissent même par penser qu’il ne soigne pas bien ses animaux. Dépité, M. Mège fait faire des analyses toxicologiques à base de poils de ses vaches et là sont détectés des taux anormalement élevés de fer, zinc, cuivre, plomb, cadmium. Il effectue les mêmes analyses sur sa famille à partir de leurs cheveux et le résultat est le même que sur leurs vaches. C’est un peu normal, ils vivent en complète autarcie. Potager, volailles, charcuterie, viandes, lait, œufs, tout est produit sur la ferme. Ils se tournent vers des géobiologues qui commencent à parler de champs magnétiques dus au parc éolien installé sur une immense nappe phréatique. À ce moment-là, nous décidons de sortir de la maison pour aller voir les bâtiments et les animaux. Nous n’avons toujours pas vus les éoliennes. Nous commençons par le bâtiment des génisses, et là c’est le choc ! Un premier box de 6 ou 7 petites vaches bizarres avec des têtes d’adultes mais avec des petits corps et des gros ventres. Il nous lance : « Quel âge ont-elles à votre avis ? » Comme il y a des agriculteurs dans le groupe, certains disent 5 mois, 8 mois… Et bien non, elles ont 12 mois. De toute façon il n’a plus de problèmes avec les mâles, les vaches ne font plus que des femelles. C’est stupéfiant ! Dans un autre box, une quinzaine de jeunes génisses : certaines sont plutôt jolies et d’autres un peu mieux que celles du premier box, mais quand même avec un problème. Les plus jolies ne sont pas nées ici, car voyant que tout s’effondrait, en 2021, il décide d’aller dans un autre bâtiment situé à 8 km qu’il loue pour l’hiver. Il déménage les vaches et là, quelle stupeur, les animaux rentrent dans le bâtiment comme si elles l’avaient toujours connu, il décide d’utiliser la salle de traite sans faire de frais et là aussi les vaches rentrent pour se faire traire sans aucune difficulté. En trois semaines la production de lait remonte, les vaches vont mieux et le moral remonte également. Il reste dans ce bâtiment pendant cinq mois, refait des analyses toxicologiques et tout est redevenu normal.

     

    Pressions

    Ensuite, nous allons voir les laitières dans l’autre stabulation. Là on aperçoit enfin les éoliennes, il y en a six, elles sont dans la brume et ne sont effectivement pas immenses. Dans un pré attenant, on voit des pierres genre menhirs installées par M. Mege. Elles sont pointées au-dessus des veines d’eau qui traversent le bâtiment pour en atténuer les effets. Pouvant peser jusqu’à 2 tonnes, certaines se sont fendues. Cela prouve bien la force qui se dégage de la terre. Ensuite, nous rentrons dans le bâtiment par la salle de traite, là il nous montre avec une baguette le champ magnétique présent à l’entrée du passage des vaches. La baguette se met à tourner. C’est la raison qui empêche les vaches de rentrer dans la salle de traite. Les vaches sont plutôt tranquilles, certaines sont couchées et en bon état de santé, mais toujours un peu sur le qui-vive. Nous avions complètement oublié Télé Millevaches qui ne filme plus, plus de batterie, mais juste le temps de revenir à la voiture et c’est reparti pour la conclusion.
    Nous décidons de rejoindre la maison et conclure un peu cette matinée de visite. Laurent nous explique pourquoi il met autant d’énergie dans ce combat : il ne veut pas que ce qu’ils vivent avec son épouse et son voisin M. Morge ne se reproduise ailleurs. Plusieurs fois dans la matinée, il nous a lancé : « Maintenant, je ne veux plus fermer ma gueule, je n’ai plus rien à perdre ! ».
    Depuis deux semaines, Laurent Mège travaille comme ripeur pour une entreprise de ramassage d’ordures ménagères. Ne pouvant plus rembourser les prêts de l’exploitation, il décide de passer ses permis poids lourds afin de devenir salarié. Son épouse va rester sur l’exploitation pour continuer la production de lait. Tandis que nous les remercions pour leur disponibilité et leurs témoignages, ils nous encouragent fortement à tout faire pour empêcher l’implantation de ce parc éolien chez nous à Nedde. L’agence immobilière qui souhaitait témoigner finalement se défile, elle a trop peur de perdre des clients. Le représentant de la chambre d’agriculture ne vient pas au rendez-vous. Télé Millevaches enregistre son témoignage par téléphone, il dit soutenir les agriculteurs en difficulté et comprend leur détresse. Florent Tillon de Télé Millevaches commence à comprendre pourquoi les témoignages sont difficiles à obtenir : tout le monde subit des pressions. C’est l’omerta. Il y a beaucoup de projets en cours dans les communes avoisinantes, dans des forêts domaniales et à terme, ce sera près de 240 éoliennes qui seront installées sur les montagnes tout autour de chez eux…

     

    Paul Gerbaud, pour l’association ESC
     
    Saint-Pardoux-Morterolles : une chauve-souris aurait fait capoter le projet éolien

    « 19 mois de combat acharné et un dénouement heureux » se réjouissent les opposants au projet éolien, que nous présentions dans notre dernier numéro, qui visait à l’implantation d’éoliennes sur les communes de Vidaillat, Soubrebost, Mansat-la-Courrière, Faux-Mazuras, Saint-Pardoux-Morterolles et Saint-Pierre-Bellevue. Selon Baptiste Rossignol, directeur de projets à EDF, c'est une chauve-souris, la Grande Noctule, qui est à l'origine de  cet abandon. Dans un courrier au maire de Saint-Pardoux-Morterolles, il explique : « En 2021, des diagnostics approfondis sur les chauves-souris ont montré que la zone d’implantation potentielle présentait des enjeux environnementaux importants. La Grand Noctule, inconnue jusque-là sur le secteur a été identifiée (...) Au regard des enjeux relevés, EDF Renouvelables fait le choix aujourd’hui d’arrêter le développement du projet éolien sud creusois. » Il semblerait cependant que la rentabilité économique du projet ajoutée à la forte mobilisation locale contre celui-ci ne soient pas totalement absents de cette décision. La grande noctule serait plutôt un bon prétexte pour battre en retraite tout en se donnant une bonne image d'entreprise respectueuse de l'environnement...
  • Éoliennes : La Grande Noctule n'a pas arrêté tous les projets

    grandenoctuleDans notre dernier numéro, nous annoncions que suite à la découverte d'une chauve-souris rare, la Grand Noctule, les projets éoliens sur le secteur de Vidaillat, Soubrebost, Mansat-la-Courrière, Faux-Mazuras, Saint-Pardoux-Morterolles et Saint-Pierre-Bellevue étaient abandonnés. C'était aller un peu vite en besogne puisque la chauve-souris en question ne remet en cause qu'une partie de ces projets.

    Plusieurs lecteurs attentifs et engagés dans la lutte contre ces éoliennes ont vite rectifié notre tir ! Un projet dans le tiroir depuis sept ans de 4 éoliennes, par la multinationale espagnole Iberdrola sur Saint-Pardoux-Morterolles et impactant majoritairement les habitants de Saint-Martin-Château, est toujours en cours d'étude... pour une implantation annoncée dans 8 mois ! De même, à Soubrebost, le projet de l'allemand VDN est toujours en lice. Comme à Nedde, avec le même Iberdrola.

  • Éoliennes : ne nous trompons pas d’adversaire !

    Dans le n°66 d’IPNS, Joseph Mazé nous a alerté sur le danger des implantations massives d’éoliennes sur le territoire et en dénonce ce qu’il appelle une “énorme escroquerie“. Agacé par certains argumentaires des anti-éoliens, Jean-François Pressicaud tente de faire la part des choses.

     

    Habituellement, je suis assez indifférent aux propos des anti-éoliens, généralement motivés par le refus de la proximité des installations. De plus, beaucoup avouent être des pro-nucléaires, d’autres refusent de s’interroger. Mais, lorsque Joseph Mazé, dénonce une “énorme escroquerie“, il faut prendre son argumentation au sérieux, en essayant de distinguer ce qui est juste de ce qui prête à discussion, comme ce qui est exagéré ou abusif.

     

    Des dégâts moindres

    En France, écrit Joseph Mazé, l’éolien est d’abord un business. On ne peut qu’être d’accord avec lui sur ce point : le développement de l’éolien fait partie de la même logique industrielle et capitaliste que le nucléaire, l’industrie chimique, l’agro-alimentaire, les transports, etc. Mais il ne provoque pas les mêmes dégâts ! En effet, malgré tous les efforts des anti-éoliens pour mettre en avant les nuisances causées par les éoliennes, elles restent incomparablement moindres que celles du nucléaire, ou même de la chimie. Il n’en reste pas moins que l’éolien, dans son déploiement actuel, fait partie de la “croissance verte“, de la modernisation industrielle, de la diversification des sources d’énergie et autres formules montrant que le but est de l’adapter au développement techno-industriel, et non de le contester. C’est tout le contraire de la recherche de la décroissance et de la priorité donnée aux économies d’énergie, seule voie pour espérer – peut-être, en étant optimiste – restaurer les grands équilibres de l’écosystème terrestre.

     

    Changer de rythme

    Joseph Mazé a également raison de stigmatiser le manque de démocratie et d’information des populations. Il serait naïf de s’en étonner : quand a-t-on vu une industrie baser son activité sur la transparence et la démocratie ? Ce n’est pas pour autant qu’il faut accepter ces comportements. Mais, au-delà du constat, n’y a-t-il pas des inconvénients propres à l’éolien, qu’il conviendrait d’examiner ? Une des critiques majeures des anti-éoliens consiste à stigmatiser le caractère intermittent de la production d’électricité. Une telle critique n’est recevable que si on reste dans le cadre de nos sociétés d’abondance où chacun a pris l’habitude – agréable, j’en conviens – de disposer à tout moment de toute l’énergie désirée, en appuyant sur un bouton. Dans un monde décentralisé et décroissant, on chercherait certainement à s’adapter à une production variable, en réservant les moments de plus grande dépense énergétique aux périodes de production maximale. C’est ce que pratiquaient autrefois les meuniers : leurs installations travaillaient en cas de quantité optimale d’eau ou vent, puis étaient au repos dans les périodes de manque et dans les épisodes de crues ou de tempêtes.

     

    Laideur et démantèlement

    La question de l’atteinte aux paysages ne me paraît pas non plus déterminante. Les jugements sur l’esthétique des éoliennes ne peuvent être que subjectifs. Pour ma part, je ne les trouve pas laides, ne défigurant pas plus le paysage que les lignes à haute-tension, les aménagements routiers (autoroutes, voies rapides, ronds-points), les hangars agricoles ou industriels et autres merveilles de notre modernité. Il reste que leur implantation dans des secteurs pittoresques ou protégés est à proscrire, et qu’aucune installation ne doit être imposée aux populations. Derrière cette critique, on trouve souvent la crainte que les propriétés proches des éoliennes perdent de leur valeur. Dans La Montagne du 28 mars 2019, le maire de Bussière-Saint-Georges (nord de la Creuse), commune où 7 éoliennes ont été installées, déclare : “Depuis 2000, nous sommes passés de 189 à 255 habitants, les maisons proches des éoliennes se vendent toujours“.

    Quant au démantèlement, il est difficile de savoir où est la vérité. En effet, les pro disent que les 500 000 € légalement provisionnés par les exploitants de chaque éolienne sont largement suffisants, les recettes résultant du recyclage des métaux composant la machine en faisant une opération bénéficiaire. Quant aux anti, ils développent un argumentaire terrifiant, avec des chiffres astronomiques et des dangers insurmontables. Il me semble qu’il faut quand même raison garder. Par exemple, en ce qui concerne les socles de béton, décrits avec effroi par les anti-éoliens, ce n’est pas le seul secteur qui utilise de telles implantations et il doit bien exister un savoir-faire pour éliminer à peu près proprement ces vestiges encombrants.

     

    Gigantisme

    Il reste que la question de la taille pose un problème important : le gigantisme des machines actuelles ne facilite ni leur intégration dans le paysage, ni leur acceptation par les habitants. C’est un problème général dans notre société, quel que soit le domaine (institutions, régions, entreprises, machines, etc.). Il faut toujours voir plus grand, comme si nous devions tous devenir chinois ! Pour les techniciens, cette course au gigantisme serait rendue nécessaire parce qu’en Limousin, il n’y a pas beaucoup de vent, il faut donc aller le chercher en altitude. Je ne suis pas vraiment convaincu par cet argument. D’abord parce que l’augmentation de la taille ne concerne pas seulement le Limousin, mais aussi des régions très ventées, ensuite parce qu’il faut sortir du dogme de la rentabilité économique maximale et immédiate. Dans une conception alternative, il ne serait probablement pas rédhibitoire d’accepter une rentabilité moindre, mais plus durable.

    Finalement, je reste agacé par les anti-éoliens, parce que j’aimerais bien voir autant d’énergie pour lutter contre le nucléaire ou l’industrie chimique, que celle dont ils font montre contre l’éolien. Il est plus facile de dénoncer les éoliennes que de se passer de ces délices de la modernité qui ont nom : portables, ordinateurs, qui ne peuvent fonctionner qu’avec d’énormes dépenses d’énergie et utilisent des métaux rares, comme des composants divers extrêmement polluants et dramatiques socialement. Dans le cadre d’une production et d’une consommation d’électricité décentralisées, nous pourrions envisager l’utilisation d’éoliennes de taille modeste. Les collectivités de base (communes, villages, coopératives diverses, groupements associatifs ou professionnels) y gagneraient en autonomie, au plan énergétique, comme politique et social.

     

    Jean-François Pressicaud

     

    Pages de cassiniUn projet éolien à Royère-de-Vassivière

    Un groupe de citoyens regroupés au sein de l'association du parc éolien de Cassini, en partenariat avec Quadran, société spécialisée dans les énergies renouvelables rachetée en 2017 par le groupe Direct Énergie, étudie la faisabilité d'un projet éolien sur le Puy du Pic, sur la commune de Royère-de-Vassivière. 

    Pour ce faire, l'association a créé la société du parc éolien de Cassini, détenue à 50 % par 45 citoyens du territoire et à 50 % par Quadran. Mais derrière tout cela, c'est en réalité Total qui cherche, selon ses mots, à “se renforcer dans la commercialisation de l’électricité et la production bas carbone.“ En octobre 2018, le groupe Total a en effet finalisé une offre publique d’acquisition de Direct Énergie, devenue depuis Total Direct Énergie.

  • Le vent souffle en Limousin

    Depuis 3 ans quelques projets éoliens sont en réflexion dans notre région. Leur aboutissement apparaît long car de nombreuses démarches sont à suivre. Petit tour d'horizon de l'éolien en Limousin à travers les différentes étapes d'un projet.

     

    parc eolien peyrelevadeViennent tout d'abord les questions préliminaires (3 à 6 mois)

    • gisement de vents (supérieur à 6m/s soit environ 20 km/h).
    • proximité du réseau électrique (facilité de raccordement en souterrain).
    • respect des règles d'urbanisme (création d'une Zone de Développement Eolien dans le Plan Local d'Urbanisme, c'est le cas par exemple de Peyrelevade pour la mise en place de quelques éoliennes supplémentaires).
    • impact local et environnemental (proximité des habitations, site classé, couloir de migration...).
    • concertation avec les habitants et tous les acteurs.

    L'élaboration de ce pré-diagnostic est facilitée depuis peu par la publication du «schéma régional éolien» commandité par la région Limousin.

     

    Viennent ensuite les mesures sur le terrain (environ une année)

    • mesure de l'intensité et l'orientation du vent avec l'installation d'un mât de mesure sur 1 an minimum
    • simulation de l'impact paysager et sonore
    • étude sur le milieu naturel

    Ces différents paramètres vont permettre d'élaborer l'étude d'impact.

     

    Dernière et périlleuse étape : le permis de construire (de 1 à plusieurs années)

    Une fois toutes les études réalisées, le permis de construire est déposé et il s'en suit une enquête publique, c'est la phase où se situe le projet des 7 éoliennes Castelmarchoises (Châtelus-le-Marcheix) et du projet de 4 éoliennes sur les 2 communes de la Souterraine et Saint-Agnant-de-Versillat côté Creuse ; côté Haute-Vienne d'une dizaine d'éoliennes sur 3 commmunes (Lussac-les-Eglises, Saint-Martin-le-Mault et Jouac).

    Le permis de construire est ensuite délivré en fonction du résultat de l'enquête publique et de l'avis de la direction départementale de l'environnement, service départemental de l'architecture et du patrimoine, l'aviation civile... Le projet des 7 éoliennes de Lestards est depuis le mois d'août 2007 dans les mains du préfet de la Corrèze.

    Cependant les délais peuvent s'allonger par un recours porté auprès des services de la préfecture pour annuler les avis. C'est une démarche que l'association des amis du paysage Bourganiaud a entreprise, contre le permis construire accordé à 9 éoliennes sur les communes de Saint Dizier Leyrenne et Janaillat (23), sans gain de cause.

    Les recours peuvent se poursuivre ensuite devant le tribunal administratif.

    Notons que le permis de construire a été accordé aux éoliennes de la Blanche en Corrèze (Communes de Davignac, Péret Bel Air et Ambrugeat) après de nombreux recours administratifs et surtout la mobilisation des habitants et élus qui se sont regroupés dans une association, la plus importante de France favorable à un projet éolien, qui compte aujourd'hui plus de 1300 adhérents. Les 7 prochaines éoliennes en Corrèze devraient voir le jour dans ces 3 communes du plateau courant 2008.

    Du côté de la Creuse, un permis a été accordé sur la commune de Chambonchard qui, ironie du sort, devait être rayée de la carte quelques années auparavant pour un projet de barrage hydraulique.

    En Haute-Vienne c'est un petit projet d'une éolienne à Lastour porté par des agriculteurs et habitants qui vient d'obtenir le permis de construire (construction prévue en 2009).

    Les quelques projets en marche dans notre région montrent que le Limousin a un rôle a jouer dans le développement des énergies renouvelables comme ce fut le cas il y a quelques années avec les barrages hydroélectrique.

    Cependant si l'on souhaite atteindre l'objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, notre pays doit d'une part augmenter de façon considérable la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique mais également se doter d'une politique rigoureuse d'économie d'énergie.

     

    Rémi Gerbaud
  • Les éoliennes, cache-misère de la “transition écologique”

    Tandis que deux projets d’installation d’éoliennes se mettent en place sur Bujaleuf et Champnétery, en Haute-Vienne, Joseph Mazé tire la sonnette d’alarme : “Le projet éolien national nous saute à la figure, s’apparentant fort à une énorme escroquerie, et dans sa finalité, et dans son mode opératoire.“ Explications.

     

    Où est la priorité ?

    eolienLa France va se couvrir d’éoliennes, transition énergétique oblige. Tentons de comprendre. Les énergies fossiles sont le facteur principal du réchauffement climatique lié à l’activité humaine. Là se trouve l’urgence comme nous le signalent les alertes des climatologues toujours plus pressantes. Or nous constatons que la taxation des carburants des avions et des cargos n’est pas à l’ordre du jour. Nous constatons qu’aucune disposition n’est prise pour tenter de réduire la circulation aérienne, maritime et terrestre. Quand Airbus signe un nouveau contrat de vente d’avions, c’est la fête. Nous constatons que l’investissement de l’État dans l’isolation des habitations est ridiculement faible. Nous découvrons, à l’inverse, que le programme éolien est magistralement soutenu par un financement de dizaines de milliards d’euros. Nous commençons à comprendre que la priorité n’est pas à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette lutte sera laissée aux générations futures. La priorité est à l’investissement dans la “croissance verte”, l’énergie éolienne, les voitures électriques, l’industrie numérique, “l’intelligence artificielle”, etc... La Chine prend de l’avance sur nous. Là se trouve l’urgence. L’électricité éolienne ne sera pas en remplacement du nucléaire, mais en complément pour alimenter les besoins croissants en électricité. Pour le moment encore les éoliennes semblent donner le change aux antinucléaires, qui les voient d’un bon oeil, petite vitrine “écologique” même si elles sont aux mains d’industriels goinfrés de subventions. Ne désespérons pas qu’un jour leurs yeux s’ouvrent.

     

    Deux projets en catimini

    C’est ainsi que débarque chez nous, en catimini, sur Bujaleuf et Champnétery, un projet de 2 parcs éoliens, début 2018. Les élus, démarchés par l’entreprise Valéco, donnent leur accord pour une étude préalable. Valéco rencontre les propriétaires fonciers, dont les 2 maires, et obtient une majorité de signatures de promesses de bail. Deux semaines plus tard ces promesses sont devenues bail irrévocable. Et le projet des 2 parcs éoliens est ficelé. Aucune information préalable à cet accord des élus n’a été donnée à la population, pas même aux riverains, dont 2 employés municipaux, qui “bénéficieront” d’éoliennes de 200 mètres de haut à 500 mètres de leurs maisons. Le projet se concrétise. Conformément à la réglementation, une étude environnementale est lancée, un mât de mesure du vent est posé, une enquête publique suivra, ces préalables étant juste de pure forme. Il n’est plus besoin de vent pour monter une éolienne. Il suffit de la subvention de l’État et de la signature des propriétaires bailleurs. Il n’est plus besoin non plus de l’accord des maires. Ils sont démarchés quand même, leur avis favorable étant une carte de visite utile pour démarcher les propriétaires. Des protestations de riverains s’élèvent, les élus s’en étonnent ou se murent dans le silence. Une association anti-éolienne est créée, de citoyens qui ne veulent pas d’éoliennes ni dans leur jardin, ni dans celui de quiconque. Les relations avec les élus et les bailleurs se sont refroidies. Les informations circulent enfin. Quantité d’autres associations anti-éoliennes existent déjà, en Limousin et à travers la France entière. 200 éoliennes sont en projet sur la Haute Vienne.

     

    La finalité des éoliennes

    L’État n’a jamais eu l’intention de fermer ses centrales nucléaires, il espère au contraire en construire d’autres. Son projet éolien a pour lui 2 avantages. D’une part il donne l’illusion de la transition énergétique vers une électricité “propre” qui a la faveur des Verts et des associations écologistes. D’autre part il lui permet d’augmenter sa production d’électricité pour sa croissance verte. Les éoliennes ne sont pas un moyen de lutte contre le réchauffement climatique. Elles fournissent du courant en moyenne pendant 25 % du temps. Le reste du temps le relais est pris par les centrales à charbon ou à gaz, énergies fossiles qui participent au réchauffement climatique. Cherchez l’erreur !

     

    Le mode opératoire

    L’État se défausse toujours plus de sa main-mise sur l’énergie. Il confie son projet aux industriels qui ont pour mission d’inonder le territoire d’éoliennes, moyennant subventions. Subventions pour la construction et subventions pour la production d’électricité : 82 € le Mwh, pendant plusieurs années. EDF facture aux abonnés 41 € le Mwh, et récupère sur leur facture le surplus qu’il a payé aux producteurs éoliens (c’est ce qui apparaît au dos de la facture avec la ligne CSPE : contribution au service public de l’électricité).

    De leur côté, les industriels éoliens peuvent vendre et acheter des parcs éoliens comme des petits pains. Total, par exemple, achète des parcs éoliens pour avoir des exonérations de taxes carbone sur ses raffineries de pétrole. IKEA achète des parcs éoliens pour se faire une publicité d’entreprise “verte”. En France, l’éolien c’est d’abord un business.

     

    L'Académie de médecine recommande "de n'autoriser l'implantation de nouvelles éoliennes que dans des zones ayant fait l'objet d'un consensus de la population concernée"

     

    Quand le promoteur s’invite dans notre Limousin (comme ailleurs) la discrétion est de rigueur. Il ne faut pas ébruiter le projet, sous peine de le faire capoter. Les échanges avec les élus se font dans la confidentialité. C’est là où ces derniers rentrent (naïvement ou pas) dans le jeu du promoteur, engageant l’avenir de la commune et de ses habitants sans la moindre information ni concertation préalables (même si, comme dit plus haut, leur accord n’est plus indispensable). Ce déni de démocratie est proprement insupportable.

    Une éolienne rapportera au bailleur entre 1 000 et 6 000 euros par an, suivant le vent, soit plus près de 1 000 que de 6 000. Les communes reçoivent aussi une manne financière qui est évidemment, comme pour les bailleurs, la seule raison de leur accord. Même si certains maires, comme le nôtre, un brin tartuffes, se sentent devenir écologistes, se déclarant désormais “commune à énergie positive”. La distance minimale par rapport aux habitations a été réduite de 1 500 à 500 mètres, alors que ces machines atteignent un gigantisme écrasant. Les nuisances sanitaires sont balayées d’un revers de main, alors qu’elles sont patentes et invalidantes pour nombre de riverains. Le recours au tribunal administratif en première audience est supprimé pour les opposants qui portent plainte. Ils doivent aller directement en appel (ce qui accélère les procédures, qui ne concluent jamais en faveur du plaignant, sauf cas exceptionnel). Rappelons que l’Académie de médecine recommande “de n’autoriser l’implantation de nouvelles éoliennes que dans des zones ayant fait l’objet d’un consensus de la population concernée”. Mais les gestionnaires de l’État, comme les élus locaux, se moquent de leurs administrés.

     

    La situation sur la région Monts et Barrages

    80 maires et conseils municipaux à la ronde ont reçu de ma part une alerte sur ces démarches de promoteurs éoliens, leur conseillant notamment de mettre en garde leurs propriétaires fonciers sur les promesses de bail trop vite signées. Ma lettre n’attendait pas vraiment de réponse. Je n’ai eu aucun retour. Il est vraisemblable qu’une large majorité d’entre eux serait favorable à un projet sur leur commune. D’ailleurs d’autres projets éoliens sont déjà en cours ou conclus depuis 2018, sur notre territoire proche. Le problème pour les propriétaires bailleurs c’est que le bail emphytéotique les rend propriétaires de l’éolienne en fin de bail... avec le démantèlement à leur charge ! Je suis frappé du mutisme ambiant, chez les habitants, écologistes inclus, comme chez les élus, sur ce sujet des éoliennes, comme s’il ne fallait pas en débattre, comme s’il était indécent de les refuser. Quelques opposants se lèvent quand même, notamment sur St-Méard. Des paysans refusent aussi de signer sur St-Julien-le-Petit. Des réunions d’information vont se tenir à l’initiative des associations antiéoliennes, malheureusement souvent trop tard si les promesses de bail sont déjà signées. 

    Ailleurs en France, quantité de témoignages remontent des régions, Aveyron, Allier, Nord, Pays-de-la-Loire, de la part de collectifs, attestant de nuisances environnementales, paysagères, sanitaires, touristiques, de dépréciation du patrimoine immobilier, de désertification accentuée, de dégradation des relations sociales. Globalement un gâchis immense est en cours. Les forces de l’ordre sont en train d’évacuer la ZAD de l’Amassada en Aveyron qui refusait un projet de centaines d’éoliennes et d’un transformateur géant sur leur territoire.

    Et pendant ce temps, le réchauffement climatique continue paisiblement sa courbe ascendante.

     

    Joseph Mazé, Bujaleuf

     

    Tract eoliennesDu vent sur le plateau ?

    Ainsi est intitulé un tract - non signé - annonçant un deuxième projet d'éoliennes dans l'ouest de la Montagne Limousine. Non signé ? C'est bien dommage, parce qu'en lisant ces lignes, et même entre les lignes, vous aurez bien du mal à savoir qui en est l'auteur. Le texte ne prend parti ni pour ni contre, mais le dessin en-dessous est pourtant particulièrement significatif : il montre Don Quichotte et son fidèle Sancho face à des éoliennes remplaçant les célèbres moulins à vent. Toujours est-il que les lieux sont précisés : le parc éolien des Pouges (nom introuvable sur une carte) serait situé à cheval sur les communes d'Eymoutiers, Domps et Chamberet, soit du côté de Souffrangeas, le Grand Bouchet et le Mazaleigue. Les communes sont demandeuses.

    Le concepteur en est Engie Green (quel snobisme !) qu'on peut traduire par EDF vert. Et le tract d'annoncer réunions bla-bla, du vent donc ? On sait combien notre belle société publique a à cœur les intérêts de l'écologie, comme ceux des habitants. Nous vous tiendrons au courant des suites, si les auteurs du tract veulent bien nous informer…
  • Non au relativisme face aux éoliennes !

    On sait que les grandes organisations écologistes, les Verts ou Greenpeace par exemple, continuent aujourd’hui de défendre le développement massif de l’éolien industriel. Devant l’opposition systématique des populations concernées, et les doutes de plus en plus répandus quant au bien fondé de ce développement, ces écologistes officiels se contentent d’admettre du bout des lèvres qu’il faut « soigner l’implantation et la qualité des projets » ou « laisser une place suffisante à la concertation avec les riverains ». L’article consacré aux éoliennes dans le numéro 68 d’IPNS (septembre 2019) est d’un registre à priori différent : son auteur, Jean-François Pressicaud, est un écologiste de la première heure, et l’on ne peut douter de son indépendance ni de son exigence intellectuelle. Les positions qui y sont défendues n’en sont que plus lourdes de conséquences. Plus encore que les approximations factuelles ou les incohérences de raisonnement, le plus grave, ce sont les conclusions de cet article, bien résumé par son titre : « Éoliennes : ne nous trompons pas d’adversaire ». Autant dire : « il y a autre chose à faire que de se préoccuper des éoliennes ; ne soyons ni pour ni contre et donc : laissons faire ». 

     

    eoliennes en creuse 2019Mais de quoi parle-t-on exactement ? Il n’est pas inutile de rappeler ici les résultats d’une enquête réalisée par des opposants, pour le seul département de la Creuse : 

    « Les collectifs France Nature Environnement et Alerte Éoliennes 23 ont mené une recension du nombre de projets éoliens dans notre département. Les chiffres d’ores et déjà atteints en octobre 2019 font froid dans le dos ; 27 parcs éoliens sur les territoires de plus de 40 communes, qui se répartissent comme suit : 25 machines en exploitation, 27 autorisées ou en construction, 34 en instruction à la préfecture, 73 à un stade d’étude moins avancé. Soit un total – toujours provisoire – de 159 machines […]. Chacune de ces machines coûte à peu près 3 millions d’euros. Nous sommes donc en face d’un investissement industriel dans notre département de... 480 millions d’euros (hors investissements publics pour les lignes très hautes tensions, les transformateurs, etc.).

    De tels chiffres devraient suffire pour que n’importe qui de sensé et de bonne foi comprenne que l’avenir de notre région [...] se joue notamment aujourd’hui avec l’éolien industriel. »1

    Il me semble que, dans son article, Jean-François Pressicaud, comme beaucoup d’habitants de notre région, ne prend pas véritablement la mesure de cette menace. Le « relativisme » dont il fait preuve à propos des éoliennes s’apparente à une forme de déni de réalité, dont il est assez difficile de comprendre les causes.

     

    Pas d'omelettes sans casser des œufs ?

    Ceux qui sont enthousiasmé par ces machines et en attendent « le salut de la planète », comme nous y invite en permanence la propagande des États et des entreprises, pourront se féliciter d’un tel déploiement – qui n’est sans doute qu’un début, si l’on en croit les annonces du gouvernement ou de la région Nouvelle-Aquitaine. Ils devront aussi, en toute logique, se féliciter de l’exploitation énergétique optimisée de la « biomasse » du Limousin (entendez l’exploitation/destruction industrielle de nos forêts et l’usine à pellets de Bugeat). Ils considéreront sans doute qu’« on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs ». L’intérêt général l’exige, tant pis si le Limousin se transforme, après tant d’autres régions, en « banlieue industrielle de basse intensité » d’un nouveau genre. Une telle position m’est personnellement odieuse – d’abord parce que j’aime la région où je vis : je ne voudrais plus, et ne pourrais peut-être plus, habiter ailleurs ; l’idée de la voir abîmée, et gâché cet espèce de miracle : un endroit encore un petit peu épargné dans le vaste cloaque qu’a produit la société industrielle, cette idée me peine et me met en rage.

    Par ailleurs, croire aujourd’hui en cette « transition énergétique » (ou écologique) d'État et de marché me semble aussi absurde que de croire hier au désormais un peu éventé « développement durable ». Aussi visiblement contraire à la raison et à l’analyse historique2 ; et aussi constamment démenti par des exemples renouvelés chaque jour aux yeux de tous3. On ne demande pas à un pyromane d’éteindre un incendie ; on ne soigne pas une blessure avec une arme. Mais malheureusement, le XXe siècle nous a assez montré que la raison comme l’expérience ne suffisent pas à eux seuls à détromper celui qui veut croire au mensonge.

     

    Interdépendance

    Dans son article, Jean-François Pressicaud laisse entendre qu’il ne se fait guère d’illusion sur ces solutions technologiques que nous promet aujourd’hui le capitalisme industriel. Son parti pris de « neutralité » à l’égard de la menace éolienne n’en est que plus critiquable. Il donne principalement deux raisons pour justifier cet attentisme.

     

    Il n’y a aucun rapport entre une éolienne de village de 40 mètres, et les machines dont il est ici question, culminant au deux tiers de la hauteur de la tour Eiffel. Il ne faudrait même pas utiliser le même mot pour des réalités aussi éloignées.

     

    D’abord il avance qu’il existe des problèmes plus graves, comme le nucléaire et la pollution chimique universelle. Cette manière de mettre en concurrence les nuisances est parfaitement absurde. Devions-nous aussi choisir, par exemple, entre contester l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure ou la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? Une telle proposition aurait sûrement paru absurde voire scandaleuse à beaucoup ; et bien il en va de même pour la « concurrence » des luttes que nous propose Jean-François Pressicaud. Il faudrait plutôt s’efforcer de combattre, avec ses quelques forces, l’ensemble des ignominies dont notre organisation sociale est si féconde. Il n’y a pas à choisir. Les différents appareils industriels sur lesquels se fonde notre organisation sociale (énergies, mines, pétrochimie, métallurgie, agriculture, transports, numérique, etc.) sont interdépendants. Ils font système, et c’est en tant que système qu’on peut les comprendre et les critiquer. Si donc le nucléaire est infiniment plus grave et dangereux que l’éolien industriel, ces deux industries ne s’opposent pas et, loin d’être en concurrence, elles se renforcent mutuellement : elles se complètent. C’est d’ailleurs ce que n’ont cessé de répéter les présidents de la République française depuis que l’éolien a commencé à être implanté massivement dans notre pays4.

     

    Un alibi politique

    Le rôle principal du déploiement actuel de l’éolien, et plus généralement des énergies dites renouvelables, n’est pas de produire de l’électricité, pas même de rapporter beaucoup d’argent aux multinationales de l’énergie, il est d’abord de servir de clef de voûte à la propagande sur la « transition énergétique », d’alibi politique pour justifier la fuite en avant du développement industriel et de la croissance économique, bref pour faire accepter que tout continue le plus longtemps possible – et notamment le nucléaire – jusqu’à ce que mort s’en suive5.

    Il est parfaitement exact, comme le dit Jean-François Pressicaud, que beaucoup d’associations d’oppositions aux éoliennes sont soit ouvertement pro-nucléaires, soit au moins ambiguës sur la question, vraisemblablement parce qu’elles s’imaginent que c’est un moyen de donner plus de crédibilité à leur opposition (c’est évidemment le contraire qui est vrai)6. Une telle complaisance à l’égard du nucléaire est inacceptable. Raison de plus pour intervenir dans ces débats en essayant d’y défendre une critique intransigeante à la fois de la folie nucléaire, et du rideau de fumée de la transition énergétique, éoliennes et consorts. En la matière aussi, il s’agit donc d’appliquer la consigne que Bernard Charbonneau et Jacques Ellul avançaient dès les années 1930 : penser à la globalité des enjeux, et agir à l’échelle locale, là où ces enjeux sont accessibles, là où on peut avoir une prise sur eux7

     

    eolienne tailleUne question d'échelle

    Jean-François Pressicaud donne une deuxième raison pour ne pas s’opposer au déferlement de l’éolien dans notre région : ses conséquences locales ne seraient pas si graves, et notamment la dégradation des paysages par l’éolien serait une question esthétique, de goût, une question donc subjective et qui ne peut entrer en ligne de compte. Je conteste absolument cette affirmation. Constater qu’un paysage est abîmé ou même détruit par une intervention humaine démesurée n’est pas une question de goût : c’est une réalité factuelle, objective. Pour risquer une analogie avec des questions évoquées plus haut, c’est une réalité aussi objective que d’être soit à peu près en bonne santé, soit très malade (empoisonné par exemple par un polluant). Le fait de préférer la santé ou la maladie, ou de refuser de voir la maladie et ses causes, est, par contre, effectivement une question subjective. Ce qui est objectif dans la conséquence des éoliennes industrielles sur les paysages et les régions n’a évidemment rien à voir avec leur forme que l’on trouverait plus ou moins jolie. C’est exclusivement une question d’échelle. Les « problèmes » posés par la société industrielle, ses productions et ses techniques, sont en effet très souvent des questions d’échelles, ce qui ne les rend pas moins décisifs. Il n’y a en fait aucun rapport entre une éolienne domestique de 12 mètres de haut, ou même une éolienne de village de 40 mètres, et les machines dont il est ici question, culminant au deux tiers de la hauteur de la tour Eiffel. Il ne faudrait même pas utiliser le même mot pour des réalités aussi éloignées. La question d’échelle ne concerne pas seulement la hauteur de ces machines, mais aussi leur nombre, leur dissémination : si on laisse faire, on les verra (et on les entendra, et on subira leurs infra-sons) partout. On ne sera plus tranquille nulle part. Et on devra apprendre à vivre avec ça, apprendre à anesthésier, à mutiler encore un peu plus notre sensibilité pour « s’habituer ».

     

    Lutter ou limiter les dégâts

    Le plus étrange dans l’article de Jean-François Pressicaud est que son auteur relève bien, en passant, que le problème de ces machines, c’est « leur gigantisme » ; mais, une fois de plus, au lieu d’en conclure qu’il faut donc combattre les éoliennes, étant ce qu’elles sont, il se perd, et perd le lecteur, dans des considérations sans aucun rapport avec le sujet. Peut-être en effet pourrait-on imaginer, et même expérimenter, une production d’électricité à échelle locale, par et pour des communautés devenues extrêmement sobres en la matière, et utilisant notamment des éoliennes de petites tailles. Ces questions ont sans aucun doute un intérêt, et sont plus convaincantes en tout cas que les fadaises sur la « transition énergétique » telles qu’on nous la sert tous les jours. Mais elles n’ont strictement aucun rapport avec les éoliennes géantes que l’on veut nous imposer ; elles ouvrent au contraire des perspectives exactement à l’opposé de l’éolien industriel. 

    Ce serait quand même un comble que de telles perspectives « utopiques » en viennent en fait à servir de justification à un saccage lui bien réel, et imminent. Aussi intéressantes que puissent être de telles réflexions, elles ne doivent pas faire oublier ou masquer la lutte qu’il faut mener aujourd’hui – et je dirais même de toute urgence – contre les éoliennes géantes et les autres destructions menées au nom de l’écologie (contre les forêts notamment), si nous aimons notre région et voulons la défendre, ou seulement, malheureusement, limiter les dégâts.

     

    eoliennes gentiouxCédric De Queiros

    1 Publié dans le trimestriel Creuse-citron n°62 de novembre 2019.
    2 Voir Jaime Semprun et René Riesel, Catastrophisme, administration du désastre, et soumission durable, les éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2008 ; José Ardillo, les Illusions renouvelables ; Énergie et pouvoir : une histoire, l’Échappée, 2015 ; ou les travaux et les interventions dans les médias de l’historien Jean-Baptiste Fressoz. 
    3 Voir le cas des soi-disant biocarburants qui ont récemment défrayé la chronique à nouveau, par le soutien du gouvernement français à l’huile de palme ; ou le sinistre vaudeville gouvernemental concernant la « régulation » de la chimie agricole.
    4 Le « Grenelle de l’environnement » lancé par Sarkozy en 2007 avait deux axes principaux : le développement massif de l’éolien, et simultanément, le lancement de la construction de l’EPR de Flamanville. Le gouvernement Macron a revendiqué exactement la même « synergie » entre nucléaire et renouvelable fin 2018, dans sa « Programmation pluriannuelle de l’énergie ».
    5 Voir Arnaud Michon, Le Sens du vent. Notes sur la nucléarisation de la France au temps des illusions renouvelables, les éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2010 ; Frédéric Gaillard, Le Soleil en face, éditions l’Échappée, 2012.
    6 Voir le texte : Notes sur une réunion anti-éoliennes, publié dans Creuse-citron n°58 et 59, automne et hivers 2018.
    7 Voir Bernard Charbonneau et Jacques Ellul, Nous sommes des révolutionnaires malgré nous. Textes pionniers de l’écologie politique, Seuil, 2014.
    Source : www.stopmines23.fr 
  • Peste ou choléra ? À propos de la lutte contre l’éolien industriel

    Suffit-il de rajouter « industriel » à éolien pour définir une opposition qui ne s’arrête pas aux frontières de son jardin ? Serge Quadruppani nous invite à ne pas tomber dans une « illusion localiste » qui passerait à côté de la véritable question : la remise en cause de notre mode de vie.

     

    Les eoliennes de Peyrelevade Gentioux

     

    Relayé par Stop Eolien 87, la page Facebook de l’Altess (Association Limousine pour la Défense du Tourisme et de l’Environnement et la Sauvegarde des Sites du Haut-Limousin), qui combat contre les éoliennes en Haute-Vienne, un texte de Fabien Bouglé1, économiste, dénonce à juste titre le tout nouveau projet de loi gouvernemental2 concernant l’éolien. Ce projet vise, en conformité avec une directive européenne, à accélérer les processus d’installation des éoliennes et autres systèmes de production d’énergies dites renouvelables. L’argumentaire de Bouglé, par ailleurs conseiller municipal (divers droite) à Versailles, aurait plus de portée s’il ne se sentait obligé d’ajouter que la France est « sous le chantage de la commission européenne - largement infiltrée par les antinucléaires pro-éoliennes ». La Commission européenne infiltrée par les antinucléaires ! Voilà qui surprend quand on sait que la même Commission a, le 2 février 2022, classé l’énergie nucléaire parmi les énergies propres. Et voilà qui sonne comme une confirmation de ce que soutient une récente enquête très bien documentée du Monde, à savoir que « dans l’ombre des contestations locales et souvent spontanées contre les implantations, s’active un réseau bénéficiant de puissants relais jusqu’au sommet de l’Etat. Avec pour objectif d’imposer une relance massive du nucléaire. »3

     

    Not In My Backyard !

    Si on ajoute à cela qu’une bonne partie de la droite et toute l’extrême-droite combat très officiellement la politique d’implantations d’éoliennes, les très louables contestations locales sur la Montagne limousine ont tout intérêt à ne jamais perdre de vue les stratégies d’influence du lobby nucléaire et les jeux de concurrence entre politiciens. L’ajout de l’adjectif « industriel » à « éolien » apporte certes une clarification utile, comme il serait, tant qu’à faire, pertinent d’énoncer notre opposition à « l’éolien industriel et son monde ». Mais il ne suffit pas d’un mot pour passer du stade d’une lutte « Nimby » (Not In My Backyard : pas dans ma cour) qui refuserait de voir au-delà de son clocher à une contestation globale.

    Si nous disons que l’éolien est une industrie nuisible, ses promoteurs répondront sans broncher que ses nuisances peuvent être très largement éliminées : les terres rares, on va pouvoir s’en passer4, on peindra les pales en noir pour éviter le massacre des oiseaux et chauves-souris et la bétonisation aussi pourra être évitée, ne fût-ce qu’en transportant les parcs éoliens en haute mer (pauvre mer !). Face au discours du solutionnisme technologique, la seule position qui tienne consiste à dire que l’éolien industriel est nuisible avant tout parce que c’est une industrie. Quand, en octobre 2020 des « Pelauds qui doutent » appelaient à une réunion avec Jean-Baptiste Vidalou, l’un des animateurs de la lutte de l’Amassada en Aveyron, pour discuter des projets éoliens à Eymoutiers et ailleurs, ces Pelauds-là ne manquaient pas de lier cette question à celle des compteurs Linky et de la 5 G en train d’arriver sur le territoire. L’élargissement des horizons de la lutte n’a pas conquis, semble-t-il, la majorité des participants à la réunion.

     

    Illusion localiste

    On peut toujours rêver de se fabriquer sur la Montagne limousine ou ailleurs une île heureuse à l’abri de l’histoire contemporaine : mais tôt ou tard, et certainement plus tôt que tard, le rêve tournera au cauchemar quand la prochaine pandémie, ou la bien pire vague de chaleur, ou le nuage nucléaire, arriveront sur nos belles forêts, bref quand tous ces événements globaux bousculeront l’illusion localiste. Dans ce contexte, la lutte locale aura l’effet d’un cautère sur une jambe de bois, si elle ne se relie pas dès maintenant en paroles et en actes à une remise en cause globale du capitalisme industriel. On ne peut pas choisir entre les jeunes loup.ve.s du capitalisme vert, indécrottables admirateurs.trices du Progrès qui répètent en boucle la « bonne nouvelle » : « Les solutions existent, et elles sont sources de profit » (Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat), et les vieux requins du « en avant comme avant ». Les problèmes engendrés par l’État, par la technologie, par la civilisation industrielle, ne pourront pas être résolus par l’État, par la technologie, par la civilisation industrielle. Et moins encore par les politiciens, si verts fussent-ils, qui sont à son service.

     

    Pour en finir avec l’exploitation

    Aucune technologie n’est neutre, car toutes ont des implications sociales et matérielles spécifiques, à la fois en amont pour être conçues et fabriquées (les terres rares et les composants électroniques de nos smartphones produits de la surexploitation au Congo ou en Chine), et en aval, par les effets qu’elles induisent (la dévastation écologique, le gaspillage énergétique, l’aliénation numérique). Il n’y a pas d’énergie propre. Toute source d’énergie utilisée à une vaste échelle aura toujours des effets négatifs sur l’environnement, et ces effets ne cesseront de s’avérer mortifères aussi longtemps que l’énergie servira principalement au développement élargi du capital. Seule une relocalisation véritable de la production d’énergie, au plus près des ressources du lieu et des vrais besoins vitaux, humains et non-humains, peut contenir les inévitables retombées négatives. Un tel bouleversement n’est concevable qu’à travers la création de communes libres et fédérées.

    L’humanité est arrivée au bout d’un parcours qui l’a vue transformer la relation de prédation, inhérente à la vie, en relation d’exploitation : l’exploitation de la nature, celle des animaux, celle des femmes, ont précédé de plusieurs millénaires l’exploitation capitaliste des prolétaires et son consubstantiel complément colonialiste. Toutes ces formes d’exploitation qui coexistent encore sont indissociables. La technique, en devenant technologie, s’est entièrement centrée sur ce projet : mettre tout le réel au travail. Les animaux et les plantes, les atomes et les bactéries, l’air, l’eau et le soleil, et les humains, et leurs émotions, et leur attention, et leurs cellules, l’intimité de leurs organes, tout cela a été toujours davantage soumis à la nécessité d’extraire toujours plus de plus-value au profit du capital. On ne nouera pas une nouvelle alliance avec les plantes et les bêtes sans mettre fin à l’exploitation, sans remettre en cause la dynamique d’un développement technologique désormais inséparable – car il est son seul illusoire espoir – du développement capitaliste. S’il y a un trou de souris par lequel l’humanité peut encore échapper à la catastrophe qui vient, c’est par là qu’on peut le trouver : du côté de la remise en cause de notre mode de vie. Mais nous voilà bien loin d’une activité qui consisterait principalement à contrarier les projets mégalomanes d’élus locaux victimes des illusions du Progrès du siècle précédent. 

     

    Serge Quadruppani

    1. « Loi d’exception sur les éoliennes : Borne et Pannier-Runacher déclarent la guerre aux Français » : https://s.42l.fr/Bouglé
    2. « Lancement d’une concertation autour du projet de loi sur les énergies renouvelables » Le Monde du 12 août 2022 : https://s.42l.fr/LeMonde
    3. « Derrière l’opposition aux éoliennes, une galaxie influente et pronucléaire » Le Monde du 28 juin 2022 : https://s.42l.fr/LeMonde2
    4. « Éoliennes et métaux rares : rumeurs et réalités » : https://s.42l.fr/métauxrares 
  • Préconisations du Parc : le vent tourne contre les éoliennes

    millevaches parcLa décision du 25 octobre du PNR

    L'installation de six éoliennes à Peyrelevade et quelques projets évoqués de-ci de-là a conduit le parc naturel régional à prendre position sur le sujet. La question était à l'ordre du jour de son comité syndical du 25 octobre 2005 assortie d'un rapport restrictif qui propose de limiter les implantations d'éoliennes sur le territoire du parc. Sans être aussi radical que Georges Pérol, le plus "anti-éolien" des élus du parc (voir son point de vue ci-dessous), le syndicat a décidé de donner des avis défavorables aux projets d'éoliennes qui concerneraient le "cœur du parc", les sites d'intérêts paysagers (Vassivière, Monédières, vallée de la Vienne, etc.), les sites d'intérêts écologiques majeurs et "les sommets et rebords de plateaux et puys constituant des éléments du paysage à valoriser, tout au moins pour ceux qui culminent à 900 mètres". Autant dire qu'une grande partie du territoire et en particulier les sites qui permettraient techniquement d'installer des éoliennes sont concernés. Selon cette décision, les six éoliennes de Neuvialle installées en 2005 auraient reçu un avis défavorable du parc.

    Votée en fin de réunion après un débat de plus d'une heure et le départ de nombre d'élus, le rapport du parc a été approuvé par 20 voix pour, 5 contre et 10 abstentions (sur un total de 121 communes, deux départements et une région). Une décision votée donc par moins de 20% des élus du parc. Bravo la démocratie !

     

    Le Schéma éolien régional

    De son côté le Conseil Régional a présenté fin novembre son propre schéma régional éolien dont l'objectif annoncé est "un développement raisonné des éoliennes en Limousin". C'est un document extrêmement détaillé qui fait le tour de la question et qui a été rédigé après des réunions publiques au cours desquelles plus de 330 avis d'associations environnementales ou patrimoniales, nombre de communes ou de communautés de communes et même de simples citoyens ont participé.

    Les contributions reçues dans ce cadre ont traduit une "remarquable sensibilisation à l'égard de la problématique de l'énergie en général, jusqu'à replacer cette dernière dans une vision d'un aménagement durable du territoire". L'étude conclut de ce point de vue que "le développement de l'éolien, s'il est soutenu et encadré par les pouvoirs publics et les citoyens, est une chance pour le Limousin, une opportunité dont chacun a mesuré les enjeux".

    Les auteurs du document ont établi une carte de la région qui définit trois types de zones pour l'implantation d'éoliennes. La première (Zone 3), la plus importante en Limousin (elle couvre 83,5 % du territoire) est défavorable pour l'éolien. La raison principale en est la faiblesse du vent dont le régime moyen est inférieur à 5,5 mètres/seconde/an (soit environ 20 km/h). Pratiquement toute la Corrèze et la majorité de la Creuse ainsi que la plus grande partie du plateau sont concernées.

    A l'opposé, la zone favorable à l'implantation d'éoliennes (Zone 1) est très réduite : 5,5 % du Limousin, soit 928 km2 surtout concentrés dans l'extrême nord de la Haute-Vienne et l'extrême Nord Ouest de la Creuse, au-delà d'une ligne Bellac La-Souterraine. Le régime des vents y est supérieur à 20 km/h.

    Reste la zone intermédiaire (Zone 2 : 11 % du territoire, 1906 km2) où le régime du vent est également supérieur à 20 km/h, mais où "l'implantation d'éoliennes est possible sous réserve de compatibilité avec les espaces concernés". Sur le plateau cela se traduit par une zone étirée de Gentioux à Chavanac avec quelques points favorables (de Zone 1) très circonscrits sur certaines parties des communes de Bonnefond, Péret Bel Air, Millevaches, Tarnac et Féniers.

     

    La fin des éoliennes sur le Millevaches ?

    La carte d'exposition au vent du Limousin, fondamentale pour l'établissement de ce schéma éolien, a été calculée par déduction mathématique après relevé réel de seulement 15 points de mesure… Pour un territoire de 17 000 km2 c'est peu et cela réduit peut-être de façon artificielle la zone favorable.

    Mais ce qui ressort de façon presque caricaturale c'est que si l'on superpose la carte régionale et celle que le PNR a dessinée, on s'aperçoit que là où le schéma régional pense possible l'installation d'éoliennes sur le plateau, le PNR (du moins les 20 élus qui ont approuvé le rapport voté le 25 octobre) l'a exclu : on est en plein dans la zone dite "cœur du parc" !

    Il aurait été intelligent qu'une coordination ait été faite entre les deux démarches qui semblent s'être ignorées complètement. A moins qu'il ne agisse d'une volonté des élus du parc qui, sous la houlette du fieffé opposant à l'éolien Georges Pérol, ont voulu imposer a priori leur point de vue.

     

    Michel Lulek

     

    Georges Pérol : "Culture traditionnelle identitaire" contre éoliennes

    Cet avis rédigé par l'intéressé a été remis aux membres du comité syndical du Parc lors de sa séance du 25 octobre 2005.

    Georges Pérol considère que l'image de marque du Parc de Millevaches (avec à la clé tout son attrait touristique), l'esprit de ses lieux, le cadre de vie de ses habitants, reposent sur l'aspect purement naturel de ses espaces, de ses sites et de ses paysages. Il est vital de ne pas remettre en cause pour une satisfaction immédiate sous la pression des constructeurs ce caractère fondamental lié à l'existence même du Pays et à son histoire.
    Sans parler des sites protégés (sites classés ou inscrits, ZNIEFF, Natura 2000, ZPS, ZSC, ZICO, arrêtés de biotope…), les sites d'intérêt écologique majeur, les sites d'intérêt paysager majeur, les sites d'intérêt patrimonial majeur, les milieux naturels remarquables (tourbières, landes sèches, hêtraies…), les paysages à forte sensibilité, etc., tous ces éléments sans exception se présentent avec une telle densité au coeur du Parc que tout élément technique aussi volumineux et aussi visible dans le lointain qu'un ensemble d'éoliennes ne peut qu'y être formellement proscrit.
    Et comme le PNR se doit d'être pour lui-même comme vis-à-vis de l'extérieur un ensemble solidaire, il ne peut se forger une identité et une image différentes en diverses parties de son territoire et sacrifier à cet égard certaines d'entre elles. L'interdiction, même si les enjeux y sont plus atténués, ne peut de ce fait que s'étendre à tout le périmètre.
    La politique menée par le Parc pour la création de nouveaux emplois, pour ne pas dire de préparation de l'avenir du Pays, repose pour l'essentiel, tant au niveau de son action que de celui de sa communication, sur la mise en valeur d'une Culture Traditionnelle Identitaire et la préservation d'un Espace "Nature" non moins identitaire en direction d'un tourisme de repos, de calme et de détente et vers la pratique de loisirs et de sports de pleine nature. Si le Parc veut bâtir un tel avenir pour ses enfants, il se doit de leur léguer le véritable "bijou de famille" que constituent ses espaces naturels et ses paysages d'aujourd'hui si bien préservés et ne pas les brader.
    Les paysages du parc ont déjà été fortement dénaturés, heureusement par quelques installations seulement, mais malheureusement situées sur des sommets aussi emblématiques que le Mont Bessou, le Mont Audouze ou Féniers. Enfin, si une seule autorisation est accordée, la demande va exploser et il sera impossible d'arrêter le déferlement des initiatives sous la pression des constructeurs. Le PNR ne sera plus recherché comme "Parc de pure nature", mais comme "Parc d'éoliennes" et il disparaîtra dans huit ans faute d'autorisation ministérielle de renouvellement.
    En conclusion, Georges Pérol considère qu'il n'est pas souhaitable d'autoriser de nouvelles installations d'éoliennes quelles qu'elles soient dans le périmètre du parc naturel régional. Il propose par contre qu'un ensemble conséquent d'éoliennes soit installé à Peyrelevade, comme vitrine du développement des énergies renouvelables sur le Parc, étant entendu que la taxe professionnelle en résultant vienne abonder le budget de fonctionnement du syndicat.

    Georges Pérol
  • Souffle le vent de la colère !

    pale peteePour ce numéro, IPNS a demandé à ses copains de Mefia Te, le journal de la Basse-Marche, de nous éclairer sur l’éolien. Dans leur coin, le nord de la Haute-Vienne, les projets éoliens sont nombreux. Ils ont creusé le sujet et nous proposent quelques billes pour comprendre de quoi on parle. Merci à eux ! Et si on n’a rien contre le vent (et même contre son utilisation énergétique), c’est bien la dimension industrielle de ces projets, leur nombre et le fait qu’ils émanent de sociétés ou de politiques bien peu locales, qui posent problème...

     

    Les opposants au projet des éoliennes de Nedde l’ont du reste affiché sur leurs panneaux : c’est l’éolien industriel qui est dans leur colimateur ! Porté par la société Aalto Power (rachetée depuis par le groupe Iberdrola), le projet d’une zone de 7 aérogénérateurs de 180 mètres de haut sur la commune fait actuellement l’objet d’une étude de faisabilité confiée à... Iberdrola. « Quel crédit peut-on donner à cette étude commanditée par le promoteur lui-même ? » s’interroge le collectif d’habitants qui s’est constitué contre le projet. 

     

    Carte Eoliennes Creuse 2020

     

    Des projets à la pelle

    Il n’y a pas qu’à Nedde que les industriels cherchent à montrer le bout de leur pale. Un nouveau projet pharaonique est en cours d’étude près de Bourganeuf qui implique les communes de Saint-Pierre-Bellevue, Vidaillat, Mansat-la-Courrière, Soubrebost et Faux-Mazuras. À cela s’ajoutent des projets sur des communes voisines comme Saint-Pardoux-Morterolles. La préfecture de la Creuse a autorisé la construction de deux parcs éoliens : le premier à Janaillat et Saint-Dizier-Masbaraud, le second à Thauron et Mansat-la-Courrière. Onze éoliennes devraient y être installées et permettraient d’alimenter en électricité une commune de 50 000 habitants. Le projet était dans les tuyaux depuis plus de quatre ans. D’autres projets ont été autorisés dans le nord ou l’est du département (à Jouillat, Saint-Julien-la-Genête, Tercillat, Nouhant, Verneiges, Boussac-Bourg). Un autre, porté par la communauté de communes de Bourganeuf-Royère, prévoit la construction de six éoliennes de 150 m de haut. La Communauté de Communes, défend le projet en avançant des motifs économiques, fiscaux, écologiques, et même, paradoxalement, touristiques !

     

    Mefia Te

    « Méfie-toi ! » comme diraient nos amis de Basse-Marche. Il y a de quoi. Le vendredi 3 décembre une pale de 47 m de long a été retrouvée dans un champ de Saint-Agnant-de-Versillat, près de La Souterraine. En très mauvais état, elle provient d’une éolienne située à une centaine de mètres de là ! De quoi en rester pâle ! La cause est à déterminer. Durant la nuit du 2 au 3 il y a bien eu du vent mais pas énormément. En moyenne 13 à 20 km/h, avec au plus fort de la nuit 53 km/h en rafale. Ce genre d’accident n’est ni rare, ni sans conséquences, comme le rappellent les animateurs du site « éoliennes23 » 1. Ici ou là, la méfiance se manifeste sérieusement. Ainsi, « considérant le nombre exponentiel de projets éoliens sur notre territoire et considérant le lobbying important dont sont l’objet les élus du territoire » la communauté de commune du Pays Sostranien (autour de La Souterraine) a voté à une très large majorité (27 pour, 2 contre) une motion demandant un moratoire de l’installation de parcs éoliens. Dans l’Indre, à Mouhet, juste à la limite de la Creuse vers Azérables, un projet de parc éolien de 4 aérogénérateurs présentant une hauteur maximale en bout de pale de 179,5 mètres, n’a pas été autorisé par la préfecture de l’Indre. Raison : « Le territoire dans lequel s’implante le projet, se caractérise par une identité paysagère forte (…) incompatible avec la mise en place de projets éoliens qui apparaissent surdimensionnés par rapport au relief des paysages et qui dénatureraient le cadre pittoresque et authentique de ce secteur, portant ainsi atteinte à l’attractivité du territoire et au développement d’un tourisme vert. » C’est la préfecture de l’Indre qui le dit ! Idem pour le parc éolien de Lif, sur les communes de Saint-Sulpice-les-Feuilles (87) et Vareilles (23). Les préfètes de Haute-Vienne et Creuse ont dit non d’une seule voix face à « l’enjeu de prégnance de telles éoliennes (…) visibles dans la très grande majorité d’une zone de rayon de 9 kilomètres autour du projet. » 

     

    1 « Sûreté et transparence des éoliennes » sur https://eoliennes23.fr

     

    Quelques données clés

    N’importe qui peut trouver sur le web des pages de données chiffrées concernant l’éolien. C’est d’ailleurs une partie du problème : il y a tellement de chiffres qu’on peut leur faire dire tout et leur contraire. Néanmoins, voici quelques éléments mis en avant pour faciliter la compréhension globale du sujet.

    CONTEXTE GÉNÉRAL
    - Production d’énergie éolienne = 7,9 % de l’énergie produite en France, en nette hausse par rapport à 2019.
    - Troisième source d’énergie en France en 2020, derrière le nucléaire (67,1 %) et l’hydraulique (13 %).
    - Part de l’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie en France en 2020 : 19,1 % (objectif de 32% d’ici 2030)
    - Nombre d’éoliennes en France : environ 8 000
    - Quatrième pays d’Europe en termes de puissance éolienne installée (18 Giga Watts) loin derrière l’Allemagne (63 GW), l’Espagne (27 GW) et le Royaume-Uni (24 GW).

    FONCTIONNEMENT
    - Production annuelle d’une éolienne de 2 MégaWatts = consommation annuelle moyenne de 800 à 1 000 foyers environ
    - Problème de la variabilité de la production, le vent n’étant pas constant ! Exemple, en 2020, l’ensemble du parc éolien de France générait une puissance de 13 409 MW le 10 février à 18h ; mais le 24 avril à 11h, faute de vent, c’était seulement 124 MW.
    - Nécessité d’adosser l’énergie éolienne à d’autres sources d’énergie, et/ou de développer des solutions de stockage (cf. projet « Ringo » mené notamment à Bellac)
    - Distance éolienne - habitations : en France, c’est 500 mètres minimum. C’est 1 000 mètres en Allemagne, et même, en Bavière, dix fois la hauteur de l’éolienne

    ÉLÉMENTS FINANCIERS
    - Budget d’investissement, exemple du parc de la Basse-Marche : 80 millions d’euros pour 24 éoliennes.
    - Coût du MWh et comparaison avec le nucléaire : typiquement, là, c’est la guerre des chiffres entre pro et anti. Les pro-éoliens annoncent un coût d’environ 65 € le MWh pour l’éolien et le comparent au coût annoncé par la Cour des Comptes pour l’électricité produite par la nouvelle centrale nucléaire de Flamanville, soit 110 à 120 € le MWh. De leur côté, les anti-éoliens mettent en avant un coût approximatif de 35 € le MWh pour l’énergie issue de centrales nucléaires déjà en activité, en partie amorties, et à la durée de vie plus longue que les éoliennes. Choisis ton camp camarade !
    - Garantie d’achat de l’État: double garantie pour les producteurs d’énergie éolienne, en volume (priorité d’accès au réseau) et en prix, même quand le prix du MWh, sur le marché de gros, tombe parfois à 12 €, comme au printemps 2020.
    - Retombées pour les collectivités: 10 000 à 12 000 € par an et par MW pour les collectivités territoriales où s’implante un parc éolien.
    - Retombées pour les propriétaires: entre 2 000 et 3 000 € par an et par MW (les éoliennes installées font généralement autour de 2 MW).

    FABRICATION ET RECYCLAGE
    - Matériaux nécessaires à la construction : acier, fibre de verre ou de carbone, béton (1 500 à 2 500 tonnes nécessaires pour le socle), la majeure partie des composants étant néanmoins recyclable.
    - Durée de vie : de 20 à 25 ans .
    - Obligation pour les développeurs de provisionner le coût du démantèlement une fois l’exploitation terminée.
    - Crainte des anti-éoliens : un scénario comme aux USA, où 14 000 éoliennes sont abandonnées sur pied.

    ET EN REGION ?
    - En Nouvelle-Aquitaine, environ 700 éoliennes en place, surtout en Poitou-Charentes et dans le nord du Limousin.
    - Volonté de la Région de multiplier par 2,5 la capacité de production d’ici 2030.

    Source : Méfia Te n° 10

     

    Eolienne1