fête de la Montagne limousine

  • Au fil de l’eau entre les sources de la Vienne et la confluence avec la Maulde

    vienne 3Un petit groupe d’habitant.e.s investi.e.s dans le « groupe eau » du Syndicat de la Montagne limousine et dans les Fêtes de la Montagne depuis plusieurs années, a réfléchi à l’idée d’organiser une fête du haut bassin-versant de la Vienne ce printemps. Une occasion de faire le point sur l’état de la ressource en eau sur le territoire et sur les questions qui animent les habitant.e.s, usagers et usagères du bassin versant.

     

    Une fête du bassin versant de la Vienne  du 1er au 12 juin 2021

    Cette fête prendrait la forme d’un événement public itinérant, depuis les sources de la Vienne entre Saint-Setiers et Peyrelevade, en suivant ses différents affluents, jusqu’à Saint-Denis-des-Murs où la Maulde rejoint la Vienne. Ce serait à la fois une fête populaire et un moment de rencontres et de débats autour des différents enjeux qui touchent le bassin versant, à savoir : la qualité de l’eau, des sols, de la biodiversité, la qualité de vie des habitants du bassin, les enjeux économiques également. Nous pensions à un événement « perlé » (comme une série de petits événements plutôt qu’un gros rassemblement), qui descendrait progressivement en suivant la rivière et ses affluents, ce qui permettrait d’éviter les effets de trop grande concentration humaine et de limiter les risques sanitaires. Cela pourrait s’étaler sur une dizaine de jours et mêler des événements d’envergures très différentes : une projection ici, une balade naturaliste là, une table ronde, une exposition, une visite d’ouvrage, un spectacle, une descente en kayak, un témoignage...

     

    Des conflits d’usage en perspective

    L’eau ne connaît pas sur son passage de limites administratives, elle se fiche des limites de propriété. Quand elle disparaît, quand les sources se tarissent, nous sommes tous et toutes également touché.e.s, tant émotionnellement que physiquement. Nous le sentons venir déjà : la question de la ressource en eau est le sujet brûlant des années qui viennent. Sur le chemin de cette prise de conscience

    (« l’eau pourrait ne plus couler de source ») de nombreux conflits d’usage vont naître et bruissent déjà. Nous pouvons anticiper ces terrains de conflit, anticiper les conséquences désastreuses des pénuries d’eau et de la hausse des températures, à notre très petite échelle peut-être autant voire plus que dans les grandes réunions internationales.

    L’eau et par elle, le bassin-versant qui nous traverse et que nous traversons chaque jour nous lie envers et contre tout. Nous pensons qu’il faut sortir les enjeux économiques, patrimoniaux, sanitaires, écologiques, symboliques de la gestion de l’eau, des tiroirs institutionnels où ils reposent, les mettre sur la place publique, produire ensemble une conscience commune du bassin-versant, de ce qu’il y faut permettre, de ce qu’il y faut proscrire, de ce qu’il y faut défendre.

     

    Un carrefour

    Cette invitation s’adresse en priorité aux habitants et habitantes du haut-bassin versant de la Vienne, mais aussi à toutes les communes, associations locales, groupements professionnels qui œuvrent à la préservation de ce bien commun (sous l’angle de la randonnée, des sports de pleine nature, de la pêche, de la sensibilisation à l’environnement ou de la vulgarisation scientifique, ou encore sous l’angle patrimonial ou artistique). Cette fête pourrait être un carrefour pour nous toutes et tous qui  habitons ici et une manière de ne plus laisser traîner les questions brûlantes : l’eau du robinet, la ressource piscicole, la faune et la flore, l’état des sols, le rôle des forêts, des pratiques d’élevage et d’exploitation du bois, l’énergie, la santé... Des traces filmées, audio et graphiques de chacun des évènements permettront de garder mémoire de ces moments et de les partager avec toutes celles et ceux qui n’auront pas pu venir ou qui se posent des questions similaires ailleurs. Faisons de la tête de bassin de la Vienne le fil conducteur de nos débats et de nos coopérations à venir.

      

    Le « groupe Eau »  au sein du Syndicat de la Montagne Limousine et d’autres amoureux et amoureuses de la vallée de la Vienne, de la Maulde, de la rivière de Lacelle, du Dorat, de la Feuillade, de la Chandouille, du Menoueix et tous les autres...
    Pour toute proposition et se tenir au courant des rendez-vous de préparation : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
  • Aux origines était la Montagne, elle est toujours là

    Lors de la dernière Fête de la Montagne Limousine, un sympathique débat a permis d’évoquer les différentes définitions que chacun des participants attribue aux deux termes : montagne, plateau, et les malentendus qui orientent très (trop) souvent leur utilisation. Il ressort à mon sens ceci : il existe une Montagne « réelle », et une Montagne « fantasmée », même chose pour LE (les) plateaux. Voyons tout d’abord le terme de montagne.

     

    Une définition géographique 

    Si vous êtes de fidèles lecteurs d’IPNS, vous pourrez constater que le terme de « Montagne Limousine » se substitue de plus en plus au terme de « Plateau ». Vous remarquerez aussi que certains auteurs les utilisent indifféremment. C’est Jean-François Vignaud, de l’IEO, (Institut d'études occitanes) qui a le mieux fait la part des choses à mon sens. Son article dans notre n° 28 (1) évoque « la montanha », et parle à propos du Plateau de Millevaches d’un « mythe toponymique ». Ce texte a très exactement 10 ans, mais évidemment, depuis, rien n’a changé, sauf … (un peu) les mots. On y apprend que la Montagne est de loin le terme le plus ancien. Ainsi, un panneau destiné aux visiteurs du Pont Saint Etienne à Limoges, nous indique-t-il ceci : (au Moyen-Age) « Ici, au Port du Naveix, on déchargeait le bois flotté, venu de la Montagne » (c’est-à dire par la Vienne, la Maulde, la Combade). 

     

    montagne limousinebugeat paysage

     

    Le terme a ensuite été utilisé depuis «belle lurette» par les historiens et les géographes, qui ne sont pas des plaisantins. Définir très précisément notre Montagne Limousine est assez facile, c’est une affaire de critères. Les premiers sont purement géographiques : relief, altitude, climat, nature des sols, richesses en cours d’eau, végétation. L’altitude n’est pas un critère suffisant, ni même absolu. Selon les auteurs, on tracera une carte des zones supérieures à 500 ou 600 m, cette dernière carte étant évidemment plus réduite. Certains élus parlent de ces altitudes avec un petit air de se moquer tout de même, montrant du doigt « un autre monde », sauvage et inculte (les habitants bien sûr !), comme s’ils avaient quelque supériorité à vivre hors de la montagne. La chose amusante est que ce même secteur a bel et bien été une « vraie » montagne, comme les Alpes, assise sur les roches les plus anciennes de la Terre, ici la famille des granites.

    Mais c’était il y a 500 millions d’années. Et les millions d’années, ça use. Le relief est bien aujourd’hui celui d’un plateau (tiens, tiens), incliné doucement vers l’ouest depuis l’Auvergne, mais aussi vers le nord et le sud, à partir des hauteurs formant la ligne de partage des eaux. Ce, ou plutôt CES plateaux, sont largement entaillés par les vallées des nombreux cours d’eau, ce qui fait que -  circulant dans la Montagne - on passe d’un plateau à l’autre, après avoir descendu puis remonté (les cyclistes connaissent bien ces dénivelés). Là, le climat – dit de moyenne montagne – est plus rude, plus froid (90 jours de gel par an en moyenne) plus humide (nettement plus de neige, et pluviométrie supérieure à 1000 mm). Ne parle-t-on pas de la limite pluie-neige, à environ 500 m ? Avec des paysages et une végétation en conséquence. On évoquera ici les terres peuplées de hêtres, (voir tous les lieux nommés en Faye, Faux) qui se substituent peu à peu vers l’est aux zones à châtaigniers (Chassagne-at). Le chêne est par contre partout chez lui, quand il en reste. Plus de landes, de nombreuses tourbières, voici une autre marque.

    Et la forêt dans tout ça ? Il est admis que jusqu’aux environs des années 30, elle n’occupait guère plus de 10 %, contre aujourd’hui 60, chiffres variables selon les secteurs toutefois. La lande à bruyères régnait donc, et les prairies dans les fonds. Il suffit de se reporter aux vieilles cartes postales, avec leurs sommets dénudés. Aujourd’hui, une bruyère n’y reconnaîtrait pas ses petits. Et pourtant, la Montagne a été longtemps une zone extrêmement boisée. Voici ce qu’en disait en 1936 un géographe limousin célèbre, Aimé Perpillou (élève d’Albert Demangeon, cf IPNS n° 66 ) :« souvent la lande, au lieu d’être une formation végétale originale, n’était qu’une formation dérivée, créée par l’homme aux dépens de la forêt. On avait abattu les arbres pour avoir de la terre cultivée, mais le sol s’était épuisé et le paysan avait abandonné ces «champs froids». Graminées, genêts, ajoncs, bruyères avaient pris possession du terrain »

    Voilà donc une idée reçue battue en brèche. A une date reculée – vers la fin du Moyen Àge – notre région était déjà couverte de forêts, mais de feuillus exclusivement. Par l’action de l’homme, la lande avait ensuite remplacé la forêt.

     

    Une approche humaine 

    bugeatL’Etat soucieux d’aménagement – ne riez pas ! - s’est intéressé à la notion de montagne depuis une cinquantaine d’années, avec la création de la DATAR *. On a pu constater comment notre Montagne Limousine a pu évoluer grâce à cette brillante prise de conscience : gestion de la forêt, des services publics, des transports, … coupes rases tous azimuts ; merci pour l’attention. Je rappelle cependant ceci : c’est bien d’après une synthèse des critères naturels et humains que l’Etat a classé certaines communes en « zone de MONTAGNE ». Il suffit de se rendre sur un site gouvernemental – par exemple L’observatoire des territoires – pour reconnaître la pertinence du terme. Pour beaucoup d’élus, cela n’a d’autre forme qu’une tirelire, assez maigre d’ailleurs. 

    Autrement dit, une usine à gaz.

    Un tel classement a cependant un intérêt qui est de mettre les aspects économiques au cœur de la définition : prééminence de l’élevage (remarquez le % ovins-bovins depuis le cœur vers la périphérie), importance de la sylviculture, et du tourisme. Il n’y manque plus que le cannabis thérapeutique et les grands festivals : la culture chez les ploucs , doit-on penser dans les DRAC ** et autres ! 

     

    Les critères socio-culturels me semblent tout aussi pertinents. Si les animateurs de la Fête de la Montagne limousine ont choisi ce terme, plutôt que celui de «plateau», il doit bien y avoir une (bonne) raison. J’oserais dire qu’il existe désormais (depuis au moins deux décennies) une « civilisation de la Montagne », qui a la particularité d’associer les richesses de deux cultures, qu’on appelle pour simplifier celle des « natifs » et des « néos », synthèse pas encore vraiment aboutie, mais on peut toujours rêver. N’en déplaise aux grincheux (suivez mon regard).

    N’oublions pas les critères historiques : importance, durant des siècles, du travail migratoire saisonnier : les maçons, les scieurs de long, et les … nourrices. Nature des clochers (clochers-murs), et prédominance de l’ardoise, déchristianisation précoce (voir le % d’enterrements civils), esprit rebelle, prégnance des idées «de gauche»,... tout çà est cartographié, et je suis sûr que les naturalistes pourraient encore en rajouter. Vous remarquerez que le loup est attendu, plutôt des dédommagements pécuniaires, plus que redouté. Et chez les écolos ? nombreux dans (et pas sur) notre Montagne : la vieille envie de faire de « notre » Montagne une poubelle nucléaire semble en sommeil ! Mais gare ! On vient, ou on reste, ici pour être peinard. Et pas pour voir déferler les bagnoles, les vedettes du show bizz, et autre animaux consommateurs de verdure, à deux pattes.

    Cela vaut-il la peine d’aller plus loin ? Beaucoup de lecteurs vont dire « mais votre définition, c’est exactement le plateau ! » Eh bien, non, c’est beaucoup plus compliqué que ça. La Montagne Limousine constitue seulement le cœur des Plateaux limousins. Suite au prochain numéro.

     

    Michel Patinaud

    * DATAR : délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale

    ** DRAC : direction régionale des affaires culturelles.

  • Eau : alerte à tous les étiages !

    Fin octobre 2022, Le Monde titrait sur l’exceptionnel chaleur du mois d’octobre 2022. En regardant de près la carte de l’Europe des chaleurs qui faisait la une du quotidien, on peut voir que c’est chez nous que la différence entre les températures habituelles et celles enregistrées du 24 au 30 octobre 2022 a été la plus forte, avec un différentiel de 8 °C (voir ci-contre). Phénomène parallèle à celui observé dans le bassin de la Vienne par l’établissement public territorial de bassin (EPTB) qui mène une étude prospective sur l’évolution climatique et ses effets sur la ressource en eau du bassin de la Vienne. L’année 2022 est caractérisée par un déficit considérable en termes de précipitations. Stéphane Loriot, directeur de l’EPTB Vienne, est venu présenter les résultats de cette étude lors de la Fête de la Montagne limousine, à Felletin, fin septembre 2022. Il nous dresse ici un tableau objectif, mais inquiétant, sur la situation de nos rivières.

     

    carte monde

     

    Sur un plan météorologique, l’année 2022 ressort d’ores et déjà comme une année exceptionnelle. Elle se caractérise par un déficit de précipitation marqué notamment sur les mois de mai et de juillet 2022, les plus secs jamais enregistrés en France.
    Par ailleurs, plusieurs vagues de chaleur se sont succédé dès le printemps jusqu’en octobre. Ce mois d’octobre 2022 est d’ailleurs le plus chaud enregistré en France depuis 1900 avec des températures moyennes supérieures de 3,5°C à la normale.
    Ces conditions ont eu des répercussions directes sur les milieux aquatiques. Ainsi fin août 2022, 45% des petits cours d’eau suivis à l’échelle du bassin de la Vienne par l’Office français de la biodiversité (sur 330 points de mesures) étaient en assec ou sans écoulements visibles.

     

    bassin de la vienne

    evolution climat bassin vienne

     

    Une étude prospective

    Afin d’évaluer plus largement l’évolution du climat et les effets induits sur la ressource en eau à l’échelle du bassin de la Vienne, EPTB Vienne a initié une étude prospective sur les effets du dérèglement climatique dans le cadre d’un programme européen LIFE Eau et Climat.
    Cette étude vise à caractériser l’évolution passée du climat et également à projeter à partir de modèles climatiques et hydrologiques les évolutions futures. Les résultats de l’étude ont été publiés au cours de l’été 2022. Ils mettent en évidence que la singularité de l’année 2022 n’est pas isolée. Elle s’inscrit en effet dans la continuité des années précédentes. Ainsi, à ce jour, les années 2020, 2018 et 2019 correspondent respectivement aux années les plus chaudes jamais enregistrées en France. Ces évolutions marquent ainsi une tendance de fond qui reflète une accélération des effets du dérèglement climatique. Elle préfigure un glissement progressif de la typologie du climat actuel du bassin de la Vienne. Ce dernier évolue ainsi d’un climat océanique altéré dont les températures moyennes annuelles sont de l’ordre de 12 à 13°C en plaine vers un climat à dominante méditerranéenne avec des températures supérieures à 2°C à l’horizon 2050.

     

    Des températures en augmentation

    Concernant les dernières décennies, l’augmentation des températures moyennes de l’air est significative à partir des années 1990 et ne cessent de progresser pour atteindre +1,86°C depuis 1951 à la station météorologique du Palais-sur-Vienne (87).

    graphique bleu et rouge palais sur vienne

     

    Une évapotranspiration qui s’accroît

    L’une des répercussions de l’augmentation des températures de l’air est un accroissement de l’ordre de 20% de l’évapotranspiration depuis 60 ans. L’amplification de l’évaporation au niveau des sols et des végétaux est un facteur d’accroissement du stress hydrique sur le territoire.

    graphique evapotranspiration palais sur vienne

     

    Ainsi, au cours des 30 dernières années nous pouvons observer une baisse quasi généralisée des débits, en particulier en période estivale. A l’échelle de l’ensemble du bassin de la Vienne cette baisse est particulièrement significative sur les territoires amont du bassin, les têtes de bassin où l’on enregistre des diminutions de l’ordre de - 20 à - 30% de débits par rapport aux mesures antérieures.

     

    graphique gel palais sur vienne

     

    graphique estival palais sur vienne

     

    Deux scénarios

    Afin d’évaluer l’évolution du climat et les effets induits sur la ressource en eau au cours des prochaines décennies, une modélisation climatique et hydrologique a été réalisée à l’échelle du bassin de la Vienne jusqu’en 2100. Deux scénarios issus de GIEC ont été pris en compte dans cette analyse. Il s’agit du scénario RCP 4. 5, dit médian, qui reflète une stabilisation à un niveau bas des émissions de gaz à effet de serre avant la fin du siècle et du scénario RCP 8. 5 considérant une absence de politique de diminution des émissions de gaz à effets de serre.
    En appliquant ces hypothèses, l’augmentation des températures du bassin de la Vienne par rapport à la période 1976-2005 serait de 1,6 °C pour le premier scénario et de 2,2 °C pour le second, à l’horizon 2050. Les écarts entre les deux scénarios s’amplifient à la fin du siècle avec respectivement une augmentation de température de 2,6 et 5,1° C.

     

    Concernant l’évapotranspiration une augmentation de l’ordre de 10 à 15 % est également relevée pour le scénario médian en 2050. À la différence des années passées où nous n’observons pas d’évolutions significatives de la pluviométrie, dans les projections climatiques établies, une diminution des précipitations estivales et à contrario une augmentation des pluies en hiver est mise en évidence avec un accroissement de plus en plus marqué lorsque l’on s’approche de la fin du siècle.

     

    evolutions climat vienne projections

     

    Baisse généralisée des débits

    Comme précédemment une évaluation les impacts générés sur la ressource en eau a été étudiée. Sans surprise, la baisse généralisée des débits est confirmée et amplifiée en particulier sur les têtes de bassin versant où des diminutions de l’ordre de - 40 à - 50% des débits à la période 2040-2060 en comparaison à la période 2000-2020 sont identifiées. Ces évolutions sont majeures pour le territoire et de nature à remettre en cause en profondeur des usages, notamment la distribution d’eau potable et plus globalement le fonctionnement de l’hydrosystème. Différentes pistes d’adaptation pour faire face à ces évolutions sont possibles. Présentées en détail dans l’étude de l’EPTB, ces pistes s’articulent principalement autour des économies d’eau et de l’aménagement de l’espace.

     

    logo EPTB Logo LIFE EC

    Stéphane Loriot

    L’ensemble des résultats de ces études est disponible sur le site internet de l’EPTB Vienne
    https://www.eptb-vienne.fr/Amelioration-connaissance.html
  • Henri du Puytison, curé paysan du Plateau (1926-2022)

    De 1978 à 2001, Henri du Puytison (qui préférait écrire Dupuytison...), curé à Bugeat, puis à Gentioux, a été de toutes les aventures des prêtres de la Mission de France du Plateau, aventures ouvertes sur le pays et sur ses habitants, chrétiens ou pas. Avec Charles Rousseau, curé à Peyrelevade (voir IPNS n°16) et Alain Carof, curé à Peyrat-le-Château (voir IPNS n°70), il a été à l’origine et une des chevilles ouvrières de l’association Les Plateaux limousins (1974), au Villard de Royère-de-Vassivière, des fêtes du Plateau (de 1979 à 1986) et de Télé Millevaches à partir de 1986. Pour ces hommes, une manière de vivre leur mission ecclésiale « au service du pays » et sans prosélytisme.

     

    Mission de France

    Henri du PuytisonNé à Laval, dans le pays de sa mère le 10 septembre 1926, Henri est le neuvième de dix enfants. Sa famille vit à Feytiat, près de Limoges, dans un domaine agricole de plusieurs fermes. Tout en étant les châtelains, ses parents exploitent eux-mêmes une bonne partie de la propriété. Henri étudie et passe son bac à Limoges et participe à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne), un de ces mouvements d’action catholique qui réunit, dans les années 1950, des catholiques engagés socialement. Ayant perdu deux frères à la guerre, il est dispensé de service militaire. Ouvrier agricole chez un autre frère, il prend la décision d’entrer, à 21 ans, au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Au bout de trois ans, il part en stage à La Souterraine, dans la première équipe creusoise de la Mission de France (plus connue sous le nom de « prêtres ouvriers », ce mouvement réunit des prêtres qui concevaient leur mission en dehors des murs des églises. Il sera interdit par le Vatican en 1954, avant d’être à nouveau autorisé en 1965. Ces prêtres trop rouges ou trop à gauche faisaient tache dans une église encore très conservatrice). Il travaille comme ouvrier agricole à demeure, c’est-à-dire qu’il loge à la ferme et ne retrouve l’équipe pastorale que le dimanche. En 1951, il rejoint le séminaire de la Mission de France basé à Lisieux. La différence saute à ses yeux : « À Lisieux, les élèves sont traités en hommes et prennent leurs responsabilités, tandis qu’à Issy on rappelait au règlement... » À la suite du limogeage du supérieur de Lisieux, le séminaire est transféré à Limoges en 1952. Henri est alors envoyé au Monteil-au-Vicomte (23), faisant équipe avec deux autres prêtres. Il travaille comme ouvrier agricole dans une grosse ferme de 30 hectares, puis est employé chez des agriculteurs plus jeunes, dans le village de Murat, à Vidaillat, qui voit arriver un des premiers tracteurs dans la région.1

     

    Creuse, Allier, Plateau

    Le 21 mars 1954, Henri est ordonné prêtre pour le diocèse de Limoges, à l’église de Feytiat. Il annonce son choix de devenir « prêtre pour le milieu paysan ». Dans son homélie, l’évêque ne trouvera pas mieux que de vanter les bienfaits de la soutane. Quelqu’un avait vu Henri entrer dans la cour du séminaire en tenue de travail, sans soutane... L’interdiction des prêtres ouvriers venait de tomber, mais l’interdit concernait assez peu les ouvriers agricoles et Henri poursuivit son engagement en passant entre les mailles du filet. Il racontait avec gourmandise l’achat d’une moto qui lui donnait enfin la possibilité de circuler plus librement et … sans soutane. La moto allait de pair avec la liberté missionnaire, voire liturgique, alors qu’on célébrait encore la messe en tournant le dos aux paroissiens. Cette génération pionnière ouvrait les portes de l’Église. Il passe ainsi 18 ans en Creuse avant d’être envoyé dans l’Allier en 1971 dans l’équipe rurale de Lurcy-Lévis. Les ouvriers agricoles n’existent plus, alors il apprend le métier d’électricien. Avec quatre autres prêtres, il porte la responsabilité des paroisses du secteur dans un contexte de grande déchristianisation. Les baptêmes le désespèrent particulièrement. Au bout de cinq ans, écrit-il, « je me fais difficilement au caractère de ce pays. Le plus désespérant est le rapport avec ceux qui demandent des sacrements à l’Eglise : la sacramentalisation que je suis obligé de faire est à l’opposé de ce que je pense ». Après une année de pause et de formation il revient en Limousin, côté corrézien, à Bugeat. Nous sommes en 1978. Il retrouve un emploi d’électricien tout en assumant la paroisse, toujours en équipe. Il trouve sur le Plateau Charles Rousseau, curé de Peyrelevade, qui « œuvrait à la mise en place d’un lieu d’Eglise qui ferait signe pour l’ensemble du plateau de Millevaches ». C’est ce qui deviendra en 1974 Les Plateaux limousins. Une maison est acquise au Villard, et le lieu va se développer, accueillir les fêtes du Plateau et servir de point de rencontre à nombre d’activités et de personnes qui croient en l’avenir d’un territoire que beaucoup jugent perdu. Henri apportera ses talents de bricoleur pour l’aménagement et l’entretien du lieu. En 1985, il s’installe à Gentioux (23) où il travaille toujours comme artisan électricien. Passionné de photo et de vidéo, il participe aux premiers reportages de Télé Millevaches colportant dans les bars les nouvelles du Plateau. On lui doit le premier générique déroulant de Télé Millevaches en un temps où le numérique n’existait pas : une longue feuille de papier qu’on enroulait avec une petite manette sur un tube de cuivre...

     

    « Quelqu’un du pays »

    En 2001, la Mission de France le rappelle pour le service et l’entretien de sa maison-mère à Pontigny, dans l’Yonne. Ses talents de recycleur y font merveille. Dans ce secteur, il découvre une Église où des groupes de laïcs prennent part à la vie ecclésiale. En 2003, revenant sur ce qu’il a vécu, il dit avoir été interpellé profondément dans sa foi chrétienne par les non-croyants. « Je me suis toujours considéré et présenté comme prêtre au travail. Mais il serait mieux pour l’Église dans un pays, de se considérer d’abord comme quelqu’un d’un pays, travaillant dans le pays et ensuite comme prêtre. L’emprise du cléricalisme fait qu’on pense trop rapidement l’inverse. Si l’on vit vraiment avec les gens, pour la vie du pays, cela permet de réagir comme les gens, avec leur mentalité et leurs approches et donc de penser l’Évangile pour le pays. »

    À 85 ans, il se rapproche de sa famille et réside à Limoges. Accueilli en unité Alzheimer ces trois dernières années, il s’est éteint le 14 juin 2022.

     

    1 Voir le reportage de Télé Millevaches réalisé en 1992 dans lequel Henri raconte cette expérience : https://s.42l.fr/Henri
  • Mobilités : on se bouge ?

    chevauxLors de l’assemblée mensuelle de février 2021 du Syndicat de la Montagne limousine, il a semblé que le temps d’une commission autour des questions de mobilités, était venu. Différents éléments ont amené les personnes présentes à décider de lancer une première rencontre autour de la mobilité : comment se déplacer sur la Montagne ? Comment mutualiser des véhicules ? Comment aider ceux qui n’ont pas de voiture ou de permis ?

    La rencontre avec des personnes de la « commune disparate », dans le Berry, un autre territoire rural qui a déjà travaillé ces questions de véhicules en commun, pourrait être une occasion d’entamer un travail sur le Plateau.

    Si vous êtes intéressés par cette rencontre à venir n’hésitez pas à le faire savoir à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

     

    À noter !

    La fête de la Montagne limousine 2021 aura lieu fin septembre à Gentioux, en Creuse. Vous pouvez d’ores-et-déjà rejoindre les organisateurs et proposer des animations, débats ou interventions.
    En savoir plus : www.montagnelimousine.net
    Le Syndicat de la Montagne limousine a désormais un site qui permet de suivre son actualité, ses réunions et les travaux de ses différents groupes : https://syndicat-montagne.org 
  • Quand un enfant devenu vieil homme, s’adresse aux jeunes pour leur parler de vaches

    Il a été éleveur, éleveur sélectionneur puis sélectionneur. Toute sa vie, Régis Coudert l’a consacrée aux vaches, des animaux qu’il aime passionnément. Il raconte cette vie dans un livre qui paraît aujourd’hui aux éditions Maiade, L’enfant qui aimait les vaches. Il sera à la Fête de la Montagne limousine à Gentioux. D’ici là, Marie-France Houdart, son éditrice, nous parle de cet homme hors du commun.

     

    elevage bovin

     

    Depuis son enfance, Régis a la passion des vaches et du travail de la terre. Il participe avec entrain à tous les travaux, arrivant avec sa petite fourche, son petit râteau, son petit fléau, pour faire comme les grands qu’il lui tarde de rejoindre. Ses jouets sont ses vaches, ses cochons, ses carrioles, et tout ce qui fait l’environnement d’une ferme limousine, qu’il trimballe partout avec lui jusque dans son casier d’école.

     

    Redonner l’espérance

    Regis-Coudert.jpgIl est paysan dans l’âme. Il ne l’est pas de famille, même si un de ses ancêtres, propriétaire terrien, a pu accrocher à la porte de sa grange les multiples médailles que les comices agricoles lui avaient rapportées. Mais heureux héritier d’une ferme, contrairement à tant de jeunes qui fuient le travail de la terre, lui s’y accroche et part compléter sa formation dans une école d’agriculture renommée. Une question le préoccupe déjà : comment faire pour redonner de la valeur au travail agricole et empêcher l’exode rural. Porté par son amour des vaches, il croit beaucoup à l’élevage. Mais pour lui, il fallait trouver quelque chose pour relancer et améliorer la race limousine, de façon à retenir les jeunes au pays, leur redonner l’espérance : ce fut le mobile principal de son engagement.

    Dans cette école, il rencontre René Dumont, le précurseur de l’écologie dans les années 1950-70, futur candidat aux élections présidentielles de 1974, qui le conforte dans son intuition. « L’élevage en plein air, mais bien sûr ! Fais ça en Limousin, ça marchera ! Et donne l’exemple pour retenir les autres ! » Voilà l’idée ! Reste à élaborer sa méthode pour être en totale harmonie avec ses vaches et avec l’environnement, tout en offrant une solution à la désertification des campagnes. Envers et contre tous, il décide donc de laisser ses bêtes dehors à l’année.

     

    Une méthode à trois temps

    Sa méthode associe le bien-être des animaux, le respect de la nature et l’économie.

    • Le bien-être : naissance des veaux au printemps, pas trop gros pour faciliter les vélages, aménagements de très nombreuses haies pour les protéger, mangeoires mobiles pour éviter les piétinements, liberté des mères, meilleure résistance et hygiène… Visites aux bêtes : « pour retrouver un rapport apaisé entre l’homme et l’animal », une relation « qui ne pouvait se faire qu’avec le cœur et un amour réciproque ». Il faut lire ces pages où ils nous raconte ces séances de soins à ses vaches et veaux : les caresser, les étriller, leur parler, les gâter… Avec son épouse-complice, il les entoure de soins, les cajole, leur parle, les « apprivoise » en quelque sorte. Il « marie » ses vaches comme si elles étaient ses filles, pour qu’elles lui donnent de beaux enfants dont il est fier, et il les laisse vieillir chez lui jusqu’à la fin. « Avec le plein air intégral, les veaux étaient aussi plus résistants, et les risques de grippe, si contagieuse et meurtrière dans les confinages sous abris, étaient bien moindres ». Nul besoin d’antibiotiques.
    • Le respect de la nature : il s’agissait de cultiver de l’herbe en travaillant en lien et  respect avec ce qu’offrait la nature, et en suivant le rythme de la végétation… Le bovin est un ruminant qui est fait pour se nourrir d’herbe. L’animal doit donc trouver dans l’herbe les éléments naturels nécessaires à son équilibre alimentaire : la chlorophylle, qui transforme l’énergie lumineuse en énergie chimique, composée de protéines, de vitamines et de minéraux, et l’azote qui lui permet d’accumuler le maximum de protéines et de croître. L’herbe est une nourriture riche, la prairie naturelle un trésor à ne pas détruire.
    • L’économie enfin, puisque la seule nourriture est l’herbe, que les bâtiments sont superflus, que les prés sont engraissés naturellement.

     

    Éleveur-sélectionneur

    L’élevage bovin en « plein air intégral », respectueux de la nature et des animaux, rompt ainsi avec le cycle basé uniquement sur le profit, tout en étant salutaire pour la vache, notamment la limousine,  une vache rustique qui s’accommode très bien de vivre en plein air toute l’année.

    Régis nous raconte comment, lui et quelques autres, ont alors mis en place une production de veaux sevrés, nourris uniquement dehors et à l’herbe toute l’année, la bonne herbe des prairies du Limousin : d’où l’appellation de « broutards », pour lesquels s’ouvrait justement un important marché en Italie où ils devinrent les « veaux d’Italie, destinés à nourrir le peuple italien ».

    « Au sein d’un groupe d’éleveurs, dont Louis de Neuville, on a réfléchi, analysé, innové… pour trouver des solutions économiques, et surtout on a sélectionné pour améliorer toujours plus. » Régis s’est fait une spécialité d’éleveur-sélectionneur, au point de gagner tous les concours d’élevage, de voir un de ses taureaux primé en Argentine et de devenir lui-même juré de concours à Paris. 

    Mais là est le paradoxe. Il l’a pressenti dès l’enfance en voyant sacrifier un cochon. « On élève et tue des animaux que l’on aime bien pour les manger… Pour éviter cela, quand je suis devenu éleveur j’ai décidé de faire uniquement de la sélection. » Malgré tout, ce paradoxe le hante toujours. Si bien qu’il m’a sorti un texte d’une masse de papiers divers, pour que je lui trouve une place, il y tenait, un texte signé du poète et chantre de la terre limousine, de ses habitants et de sa langue, qui assista, en voyant sa grand-mère lier les vaches pour la dernière fois, à la fin d’une culture paysanne multimillénaire, Jan dau Melhau (voir encadré).

     

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    Le temps des tracteurs

    Terrible contradiction : il avait beau se dire « sélectionneur», parmi les veaux « sélectionnés », les plus beaux continueraient leur vie comme reproducteurs ou comme mères, mais pour tous les autres, ce serait fatalement l’abattoir, puis la casserole. Cet amour des animaux qui les fait naître et vivre les plus beaux possible pour les pousser vers la mort…

    Vient aussi à se poser la question : et si cette civilisation paysanne « qui dura tant et tant de mille ans », il avait contribué lui-même à la faire disparaître ? Car ce fut une vraie révolution, dans les fermes et les familles, que de passer de la vache à l’étable à ce broutard engraissé en Italie ! Plus besoin de bergères pour garder les bêtes ! Il ne restait plus aux filles qu’à partir s’embaucher en ville à leur tour. Plus d’entraide paysanne, plus de grands rassemblements festifs au temps des grands travaux, plus de vaches qu’on rentre le soir à la tombée du jour, plus de rencontres sur les chemins…

    En fait, il y a un moment qu’un processus de changement inexorable s’était déjà enclenché. Tout est venu du tracteur. Car, après la guerre, on avait voulu plus de bien-être. Les prisonniers de retour d’Allemagne rêvaient des tracteurs qu’ils y avaient vus. Quand le gamin, qui ne s’appelait pas encore dau Melhau, a compris que sa grand-mère déliait les vaches et raccrochait le joug et ses courroies à une poutre  pour la dernière fois, c’est parce qu’un tracteur attendait déjà devant la grange.

    Ce n’est pas l’élevage en plein air qui a déstructuré le mode de vie traditionnel, il était déjà condamné et les campagnes se vidaient de leur jeunesse qui fuyait une vie dure et des terres qui ne rapportaient plus de quoi vivre. Notre éleveur a essayé de lui offrir une alternative. C’était risqué, il en a payé les conséquences.

     

    Ici on fait comme tout le monde

    le-bonjour-a--Don-quichotte.jpgDans ce pays pauvre et dominé, que le pouvoir royal considéra toujours comme un réservoir de bras et d’argent, on avait dû s’adapter à ce qui était imposé là-haut, élaborer pour y répondre des stratégies collectives devenues quasi instinctives, comme celle de quitter le pays tous ensemble à la saison, et revenir tous ensemble avec l’argent gagné ailleurs pour pouvoir garder sa terre. Y échapper pour faire à son idée, dans son coin, au mépris des modèles transmis, eût été inconcevable. Tous devaient s’accorder sur le modèle, fondé sur la nécessaire égalité de tous, seule façon d’empêcher la différenciation socio-économique. Le jeune Régis, honnête et naïf, issu d’un milieu de notables, de vieille noblesse catholique pour la plupart, a fait des études agricoles. A-t-il cru pouvoir s’autoriser de cette position pour agir comme il l’entendait, voire servir de modèle et donner un coup de pied dans la fourmilière de ce monde de « mercantis » qui faisaient la loi auprès du vieux monde des paysans traditionnels, jaloux de ses succès?

    Qui était-il ce fils de famille, pour oser tout changer. Ici, on fait comme tout le monde. L’initiative est mal venue car elle remet forcément en cause le système que des générations ont établi pour maintenir chacun à sa place. Les ennuis qui se sont enchaînés lui ont fait comprendre qu’il n’était en fait qu’un « émigré » chez lui, un « émigré de l’intérieur ». Quelqu’un à qui on dirait, « tu n’es pas d’ici », c’est-à-dire 

    « de notre monde », comme on le dira plus tard à ces jeunes venus des villes pour expérimenter leur utopie en milieu rural, à qui on ne fait pas de cadeaux, surtout quand ils réussissent…

     

    Vers un monde sans vaches ?

    Plus tard, même « sa » révolution l’a dépassé quand, à partir de la station de Laplaud, qui fonctionnait bien, naquit l’ambition de passer au stade supérieur pour créer une station de qualification nationale. Ce sera le Pôle de Lanaud, où les critères de départ, basés sur une nourriture à l’herbe identique dans tous les élevages, ne pouvant plus être observés, la qualité de la sélection baissa et en même temps la réputation de la limousine, aujourd’hui dépassée. 

    Quelle déception ! Et que dire aujourd’hui de l’ère vegan qui s’ouvre et remet tout en cause ? Mais enfin, les vaches, c’est de l’herbe ! répond Régis. Elles ne font que transformer de la bonne herbe, cultivée sainement, pour nous nourrir ! Un monde, un paysage sans vaches, il ne peut y croire.

    Courageux, honnête, crâneur, rebelle, tendre, frondeur, facétieux, inventif, généreux, meneur d’hommes, révolté contre l’injustice, toujours dans l’action, jamais fatigué, Régis a bravé tous les défis, tous les ordres pour ce qu’il estimait le bien de tous. Et quand l’âge est venu, quand on l’a écarté du travail alors que malgré quelques usures, il aurait pu continuer longtemps, que lui restait-il qu’une mince retraite ? Était-il réduit à faire les poubelles ? Non, heureux de sauver des poubelles ce que notre civilisation y jette. D’une nécessité presque honteuse, il a fait une passion, d’une richesse et d’une portée inouïe. Un trésor. Mais c’est encore une autre histoire…

     

    Marie-France Houdart

     

    La dignité des vaches dans la mort

    « Je pense à toutes ces vaches, je veux qu’on pense à toutes ces vaches qu’on a offertes, qu’on offre en holocauste à ce dieu de pacotille, le seul qu’ait trouvé cette soi-disant civilisation, le seul qui lui convienne : l’assiette du consommateur !

    Savez-vous la dignité que les vaches mettent dans leur mort ? Avez-vous jamais vu les yeux d’une vache au moment de sa mort ? Qui n’a pas vu ces yeux-là ne sait rien de la mort, de sa grandeur ni de sa vérité. Mais, dans ces massacres, leur laisse-t-on le temps seulement d’avoir ces yeux-là ! On sait bien que plus encore que de voler sa vie à un être vivant, ce qui est criminel, c’est de lui voler sa mort, le temps de sa mort.

    Mais si un paysan, quelque part, le dernier paysan, pleure sur la mort des vaches, les siennes ou d’autres, les vaches, parce que sans doute aussi il a gardé la mémoire de ce temps qui dura tant et tant de mille ans où l’on nommait les vaches, où on les liait et où à trois, le paysan et ses vaches, se dressait le sillon pour y semer la vie, si un paysan, le dernier paysan, quelque part pleure sur la mort des vaches, en face, ceux d’en face, les autres nous parleront de leur désarroi de la filière viande, parce qu’une vache, ce ne peut être qu’un poids de viande dont un prix se fixe au kilo… »

    Jan Dau Melhau
  • Un Syndicat pour la Montagne

    Syndicat : groupement de personnes physiques ou morales pour la défense ou la gestion d'intérêts communs. 

     

    Depuis plusieurs mois un petit groupe de personnes travaille sur le projet de ce qui est actuellement appelé un “Syndicat de la Montagne limousine“, lieu de rencontre entre acteurs du territoire qui se reconnaissent peu ou prou dans la Plateforme de la Montagne limousine écrite en 20141, et outil potentiel de coopération et de mutualisation de projets, d'idées, de moyens entre ces mêmes acteurs, quels que soient leurs statuts (particuliers, collectifs, entreprises, associations, communes...). Cet outil est apparu nécessaire afin de pérenniser et rendre plus fortes les démarches d'habitants et d'habitantes qui ont pu s'incarner dans le passé et jusqu'à aujourd'hui dans des initiatives comme les “assemblées populaires du Plateau“, les assemblées de village, le comité Montagne, la Fête de la Montagne limousine, etc.

     

    Chantier ouvert

    Après plusieurs réunions de réflexion en 2018, une présentation générale du projet a eu lieu lors de la plénière de fin de la fête de la Montagne limousine à Lacelle, le dimanche 30 septembre (on peut la revoir intégralement sur le site de Télé Millevaches2. Depuis, pendant une semaine fin novembre, une délégation de huit personnes s'est rendue en Catalogne, à Barcelone et ses environs, pour rencontrer des démarches syndicales et coopératives qui, de différentes façons, sont de nature à les inspirer dans la définition plus précise de ce propre syndicat (un film réalisé par Télé Millevaches propose un compte-rendu de ce voyage que vous pourrez visionner prochainement sur son site). Une seconde étape a eu lieu au cours de la semaine du 21 au 25 janvier 2019, pour un séminaire d'une semaine au cours duquel ont été travaillés différents sujets, avec l'objectif n°1 de rendre plus concrète la dynamique du Syndicat et d'en définir les grandes lignes. Un compte-rendu de cette semaine est disponible sur le site de la fête de la Montagne3

     

    Prochaine étape en avril

    Le travail entamé est encore loin d’être abouti. Ne serait-ce que parce que ce syndicat n’est pas imaginé comme quelque chose de figé et de définitif, mais plutôt comme un outil en mouvement permanent. Pour poursuivre la mise en place de ce Syndicat, il est proposé trois jours de travail les jeudi 11, vendredi 12 et samedi 13 avril 2019 à Gentioux (à La Renouée). Ces journées de travail sont ouvertes à tous, et vous pouvez venir un jour, ou deux, ou les trois ! Le programme envisagé est actuellement le suivant :

    • Jeudi 11 : Mieux connaître le territoire et les forces sur lesquelles peut s'appuyer le Syndicat (cartographie, enquêtes sociales, etc.).
    • Vendredi 12 : Comment fonctionne le Syndicat ? (rencontres régulières, qui décide ?, besoins financiers, "commission réactions", etc.).
    • Samedi 13 : Comment le syndicat se fait-il connaître maintenant ? Visibilité et communication.

    N'hésitez pas à nous contacter pour plus d'informations !

    Le samedi 13 à 17h un apéro-compte-rendu des trois jours aura lieu pour celles et ceux qui n'ont pas pu venir durant ces trois jours.

     

    1 http://monplateau.pagesperso-orange.fr/imagesactu/plateforme.pdf 
    2 http://telemillevaches.net/videos/vers-une-libre-administration-de-la-montagne-limousine/ 
    3 http://www.montagnelimousine.net/wp-content/uploads/2019/02/CR-semaine-Syndicat1.pdf

     

    ALORS, CE SYNDICAT, IL EXISTE ?

    OUI si l’on pense qu’il ne fait que refléter l’ensemble des initiatives qui existent déjà sur le territoire, qui aspirent à mieux travailler ensemble et constituent une nébuleuse protéiforme et ouverte,
    OUI si l’on estime que la dynamique de réflexion lancée autour de cet objet est déjà une façon de l’incarner et de le faire exister,
    OUI si l’on pense que les groupes de travail qui avancent sur certains sujets constituent les premiers pas de cette démarche de coopération.
    NON si l’on attendait une structure juridique spécifique, un lieu et des bureaux, une organisation formelle déjà établie,
    NON si l’on voulait le voir s’afficher en tant que tel dès maintenant, signer des textes ou publier des avis.

     

    La prochaine fête de la Montagne limousine aura lieu à Saint-Martin-Château

    fete montange limousine lacelle


    C'est officiel. La prochaine fête de la Montagne aura lieu les 27, 28 et 29 septembre 2019 à Saint-Martin-Château, en Creuse. Ce sera la cinquième édition de ce rendez-vous annuel des habitantes et habitants de la Montagne. Un rendez-vous destiné à échanger sur les grands enjeux du moment, débattre, s'informer, découvrir de nouvelles (ou anciennes) initiatives. Le dimanche 10 mars 2019, dans le cadre d'une réunion de préparation de la fête, a eu lieu un petit tour du bourg de Saint-Martin qui s'avère particulièrement bien conçu pour accueillir une telle manifestation. Il n'y a certes pas de gare comme à Lacelle (lieu de la fête de l'an passé), mais le joli bourg nous réserve bien d'autres surprises. Si vous avez des propositions à faire pour cette fête adressez-vous à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.