Sur un plan météorologique, l’année 2022 ressort d’ores et déjà comme une année exceptionnelle. Elle se caractérise par un déficit de précipitation marqué notamment sur les mois de mai et de juillet 2022, les plus secs jamais enregistrés en France.
Par ailleurs, plusieurs vagues de chaleur se sont succédé dès le printemps jusqu’en octobre. Ce mois d’octobre 2022 est d’ailleurs le plus chaud enregistré en France depuis 1900 avec des températures moyennes supérieures de 3,5°C à la normale.
Ces conditions ont eu des répercussions directes sur les milieux aquatiques. Ainsi fin août 2022, 45% des petits cours d’eau suivis à l’échelle du bassin de la Vienne par l’Office français de la biodiversité (sur 330 points de mesures) étaient en assec ou sans écoulements visibles.
Afin d’évaluer plus largement l’évolution du climat et les effets induits sur la ressource en eau à l’échelle du bassin de la Vienne, EPTB Vienne a initié une étude prospective sur les effets du dérèglement climatique dans le cadre d’un programme européen LIFE Eau et Climat.
Cette étude vise à caractériser l’évolution passée du climat et également à projeter à partir de modèles climatiques et hydrologiques les évolutions futures. Les résultats de l’étude ont été publiés au cours de l’été 2022. Ils mettent en évidence que la singularité de l’année 2022 n’est pas isolée. Elle s’inscrit en effet dans la continuité des années précédentes. Ainsi, à ce jour, les années 2020, 2018 et 2019 correspondent respectivement aux années les plus chaudes jamais enregistrées en France. Ces évolutions marquent ainsi une tendance de fond qui reflète une accélération des effets du dérèglement climatique. Elle préfigure un glissement progressif de la typologie du climat actuel du bassin de la Vienne. Ce dernier évolue ainsi d’un climat océanique altéré dont les températures moyennes annuelles sont de l’ordre de 12 à 13°C en plaine vers un climat à dominante méditerranéenne avec des températures supérieures à 2°C à l’horizon 2050.
Concernant les dernières décennies, l’augmentation des températures moyennes de l’air est significative à partir des années 1990 et ne cessent de progresser pour atteindre +1,86°C depuis 1951 à la station météorologique du Palais-sur-Vienne (87).
L’une des répercussions de l’augmentation des températures de l’air est un accroissement de l’ordre de 20% de l’évapotranspiration depuis 60 ans. L’amplification de l’évaporation au niveau des sols et des végétaux est un facteur d’accroissement du stress hydrique sur le territoire.
Ainsi, au cours des 30 dernières années nous pouvons observer une baisse quasi généralisée des débits, en particulier en période estivale. A l’échelle de l’ensemble du bassin de la Vienne cette baisse est particulièrement significative sur les territoires amont du bassin, les têtes de bassin où l’on enregistre des diminutions de l’ordre de - 20 à - 30% de débits par rapport aux mesures antérieures.
Afin d’évaluer l’évolution du climat et les effets induits sur la ressource en eau au cours des prochaines décennies, une modélisation climatique et hydrologique a été réalisée à l’échelle du bassin de la Vienne jusqu’en 2100. Deux scénarios issus de GIEC ont été pris en compte dans cette analyse. Il s’agit du scénario RCP 4. 5, dit médian, qui reflète une stabilisation à un niveau bas des émissions de gaz à effet de serre avant la fin du siècle et du scénario RCP 8. 5 considérant une absence de politique de diminution des émissions de gaz à effets de serre.
En appliquant ces hypothèses, l’augmentation des températures du bassin de la Vienne par rapport à la période 1976-2005 serait de 1,6 °C pour le premier scénario et de 2,2 °C pour le second, à l’horizon 2050. Les écarts entre les deux scénarios s’amplifient à la fin du siècle avec respectivement une augmentation de température de 2,6 et 5,1° C.
Concernant l’évapotranspiration une augmentation de l’ordre de 10 à 15 % est également relevée pour le scénario médian en 2050. À la différence des années passées où nous n’observons pas d’évolutions significatives de la pluviométrie, dans les projections climatiques établies, une diminution des précipitations estivales et à contrario une augmentation des pluies en hiver est mise en évidence avec un accroissement de plus en plus marqué lorsque l’on s’approche de la fin du siècle.
Comme précédemment une évaluation les impacts générés sur la ressource en eau a été étudiée. Sans surprise, la baisse généralisée des débits est confirmée et amplifiée en particulier sur les têtes de bassin versant où des diminutions de l’ordre de - 40 à - 50% des débits à la période 2040-2060 en comparaison à la période 2000-2020 sont identifiées. Ces évolutions sont majeures pour le territoire et de nature à remettre en cause en profondeur des usages, notamment la distribution d’eau potable et plus globalement le fonctionnement de l’hydrosystème. Différentes pistes d’adaptation pour faire face à ces évolutions sont possibles. Présentées en détail dans l’étude de l’EPTB, ces pistes s’articulent principalement autour des économies d’eau et de l’aménagement de l’espace.
Stéphane Loriot