Viam

  • Du côté de Viam

    viam en millevaches raconte son passeEt oui IPNS reparle de Viam. Comme l'avait promis Bernard Bouche, leur président, "Les gens de Viam" ont tenu leur pari de rassembler dans un livre la mémoire photographique de la vie à Viam de 1890 à 1970. Après le très grand succès de l'exposition photo de l'été 2003, la grande famille de Viam se devait d'aller plus loin. Et comme le dit si bien Richard Millet dans sa préface cette mémoire photographique "participe de l'immortalité de l'écrit ". En puisant dans le trésor de leurs photos de famille les gens de Viam ont tenu la chronique du changement de leur village au moment où il entre dans la modernité du vingtième siècle. A partir de quelques symboles significatifs ils en restituent une certaine atmosphère. VIAM eu Millevaches raconte son passé...

    L'introduction de l'école en 1882, sa pénétration dans les villages en 1908 par la création d'une école de hameau au Bas tronchet, puis la fermeture de toute école en 1968 après la grande vague de l'exode rural à la suite de la seconde guerre mondiale. La construction du barrage, avec sa lente gestation, sa construction laborieuse et périlleuse en pleine guerre. La transformation des activités agricoles et forestières, où l'on passe des nombreuses petites exploitations de polyculture-élevage à l'agrandissement et à la spécialisation de l'élevage bovin ; comme dans l'expansion forestière les plantations de résineux ont supplanté progressivement toutes les autres essences feuillues avec le concours abondant de l'Etat.

    La transformation de la société viamoise témoigne de la fin d'un autre monde, comme celui de l'église retracée à travers les écrits de l'un des derniers prêtres résidents. Elle rappelle aussi le caractère éphémère de quelques vecteurs de la modernité dans la société viamoise tels que le bureau de Poste, la gare SNCF, ou les investissements du tourisme populaire autour du lac.

    Cette chronique de la convivialité viamoise, se souvient aussi des heures difficiles des deux guerres mondiales de ce vingtième siècle. N'ont elles pas le plus contribué à cette précipitation de l'exode villageois ? La liste des 52 jeunes hommes gravée sur le monument aux morts en témoigne. Ils ont été fauchés par la tuerie monstrueuse de la guerre 14-18. Et les pages émouvantes des carnets du poilu Paul Travers évoquent "l'épouvante" et l'absurdité de la violence de la guerre. Elle forge "l'action militante pour la paix" des viamois d'aujourd'hui. N'est elle pas le meilleur gage de leur avenir?

    Association Les gens de Viam : VIAM en Millevaches raconte son passé (Préface de Richard Millet) Viam, 2004, à la Mairie 19170, (18 Euros)
  • Faux-tographies

    Françoise Romanet de Faux-la-Montagne a eu envie un jour de revisiter son village à l'aide de cartes postales anciennes. Avec son appareil photo elle est allée recadrer les mêmes vues qu'un siècle de distance a bien évidemment transformées.

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    Pourtant les bâtiments, les maisons, l'église, les rues sont toujours là et ce ne sont pas ici que les plus grands changements sont perceptibles. C'est davantage l'ambiance, l'atmosphère, la vie telle qu'elle s'exprimait alors (tant de gens dans la rue vers 1900 et plus personne cent ans plus tard !) qui frappent lorsqu'on confronte les images d'hier et celles d'aujourd'hui.

     

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    Il y a aussi tous ces fils électriques qui balafrent le ciel, l'horrible bâtiment de la poste qui défigure l'ancienne place si homogène au début du XXème siècle ou la petite fontaine remplacée par les poubelles homologuées et la cabine téléphonique…

    On ne résiste pas à une poussée de nostalgie…

     

    Les Gens de Viam

    Après Viam en Millevaches raconte son passé publié en 2004 et vendu à près de 800 exemplaires, l'association "Les Gens de Viam" poursuit son travail de mémoire individuelle et collective. Tout ce qui s'est passé dans le bourg et les villages de Viam mérite d'être raconté et publié et pour ce second ouvrage, 38 auteurs ont pris la plume afin que l'histoire de leur commune, de leurs villages et de leurs familles ne sombre pas dans l'oubli. Dans ce livre, la place d'honneur reviendra aux 52 morts de la guerre de 1914-1918. Des familles ayant vécu dans les villages de Plazanet, Monceaux, La Chapelle, La Voute, La Combeaujaux et Condeau se raconteront. On revivra les fêtes de Viam et d'autres événements marquants, joyeux ou plus sombres comme la tempête de décembre 1999. Ce livre de 320 pages avec plus de 300 photos, Histoire et histoires de Viam, paraîtra en avril 2006 et sera vendu au prix de 20 euros. On peut souscrire dès maintenant pour le réserver au prix de 17 euros pour le recevoir chez soi si l'on habite le canton de Bugeat, ou au prix de 20 euros si l'on habite plus loin (frais de port inclus dans ce prix).

    Envoyer votre souscription et votre chèque à l'association "Les Gens de Viam", le bourg, 19 170 Viam.
  • Gérer l’eau sur la Montagne limousine, un souci séculaire

    L’Institut d’Etudes Occitanes du Limousin met actuellement la dernière main à la préparation d’un ouvrage consacré à l’eau sous toutes ses formes (domestiquée avec l’irrigation ou les moulins, sacrée avec les bonnes fontaines …) sur la Montagne limousine. Fruit d’un travail d’enquête mené en occitan sur 25 communes du centre de la Montagne, ce travail paraîtra fin 2008, chez l’éditeur Doublevébé recup, dans la collection Carnets de Mission. Petit aperçu de certains de ces usages ancestraux. 

     

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    Retenir l’eau plutôt que l’évacuer

    Si la pratique agricole sur la Montagne se résume essentiellement, aujourd’hui, au drainage et à l’évacuation la plus rapide possible de l’eau, il en fut tout autrement pendant des siècles. 

    Captée dès l’amont des rivières et ruisseaux, voire dans les chemins et cours de fermes, pour être ensuite restituée aux flancs des vallons de manière régulée, l’eau était alors soigneusement gérée. 

    Des pêcheries (“las pescharias“) où elle était stockée, en passant par les rigoles (“las levadas“), c’était tout un système technique et des savoir-faire qui s’étaient mis en place pour permettre la culture de l’herbe et l’irrigation fertilisante des prairies. Au gré des saisons, les paysans de la Montagne “baignaient“ ainsi “le pré“ (“far banhar los prats“) afin d’améliorer la pousse ou, à l’inverse, pour protéger l’herbe des premiers gels. 

     

     les paysans “baignaient le pré“ “far banhar los prats“...

     

    Longues parfois de plusieurs kilomètres (pour l’une d’elles de 7 km), les rigoles constituaient donc une véritable richesse tant collective – en témoignent les phases d’entretien communautaire collectif (“l’arban“) - qu’individuelle. Certaines furent ainsi données en dot lors de mariages !

    Il n’est dès lors pas étonnant qu’elles aient obéi à une gestion stricte, les droits d’eau (“lo terma d’aiga“) faisant par exemple l’objet d’un calendrier strict. Et, pour qui se souvient de Jean de Florette, il n’y a pas plus de surprise à savoir que cette gestion fut prétexte à de nombreux conflits, lorsque d’aucuns “enlevaient la motte“ (“las glevas“), détournant à leur profit le cours des canaux.

    Survivances de pratiques paysannes, ces méthodes de gestion ont aujourd’hui quasiment disparu. Seules quelques exploitations agricoles (à Viam, Saint-Merd, La-Nouaille) entretiennent encore un système de rigoles et pratiquent une irrigation traditionnelle. 

    Pas sûr qu’il faille s’en réjouir car ce système jouait clairement un rôle de stabilisateur dans la distribution de la ressource en eau tout au long de l’année, contribuant à amortir les effets des crues ou des pénuries. Si l’on ajoute qu’il contribuait à une pousse régulière sans l’adjonction d’intrants chimiques dont on connaît les effets néfastes sur l’environnement des têtes de bassin, il y a lieu de s’interroger sur son abandon massif. 

     

    Tirer partie de la force motrice de l’eau

    lo molin dau Mont Buschos 116L’utilisation de l’énergie hydraulique est ancienne sur la Montagne. Sur ce territoire où l’abondance de la ressource en eau favorise les installations, des moulins à farine ou à huile sont attestés dès le Moyen Age dans les états de propriété. Rarement installés au fil de l’eau, ils sont plutôt alimentés via un étang ou par le biais d’un canal de dérivation, afin de pouvoir réguler les flux et gérer l’alimentation en eau. La vidange partielle d’un étang - “l’estanchada“ -, renouvelée après remplissage, permettait ainsi d’améliorer le rendement de ces équipements, qui pour certains tournaient jour et nuit selon les périodes.

    Faisant fréquemment l’objet d’une gestion communautaire ou familiale, ils disposaient rarement d’un meunier attitré - chacun son tour était meunier - et ne comportaient donc généralement pas d’habitations. Frustres, de fort petite taille, ils n’en présentaient pas moins un astucieux mécanisme à roue horizontale encore appelée roue à cuillers (“lo rodet“), positionnée sous le bâtiment, surmontée de deux meules, l’une fixe et l’autre mobile, en granite. Ce n’est que tardivement, fin XIXème, que des innovations furent introduites : mécanismes à roue verticale à aubes ou meules en pierre de La-Ferté-sous-Jouarre.

    Destinés à subvenir aux besoins locaux dans une logique d’autosubsistance et d’autarcie, ils servaient essentiellement à moudre le seigle. Quelques usages alternatifs sont toutefois mentionnés : broyage des faînes de hêtre pour la production d’huile servant à l’éclairage, pressage des pommes pour la production de cidre (Saint-Yrieix-a-Montagne). 

    S’ils ponctuèrent longtemps le paysage de la Montagne, leurs traces se sont aujourd’hui largement estompées et l’on estime que la quasi-totalité des quelques 800 moulins avérés au début du XIXème siècle ont disparu. Témoignages d’une société dont l’économie fonctionnait largement sur elle-même, les derniers d’entre eux cessèrent d’être utilisés dans les années 1960, remplacés par des concasseurs thermiques ou hydrauliques et par le développement de minoteries industrielles. Seules subsistent quelques exemples, à l’instar des trois beaux moulins de Razel sur le ruisseau de Bonne à Pérols-sur-Vézère.

     

    Stéphane Grasser

  • Le barrage de Monceaux-la-Virole

    Les travaux débutent durant l’été 1940, sa mise en eau aura lieu à l’automne 1946. L’ouvrage barre la rivière Vézère.

     

    Chantier en 1944

     

    Les hommes au cœur de l’aventure

    Groupe de mineurs et aides mineursÀ l’époque, la construction du barrage est un événement considérable pour Viam et bien d’autres communes aux alentours.

    C’est aussi une sacrée aventure pour les hommes qui ont travaillé sur les chantiers du barrage, du tunnel et de l’usine. 

    En effet, en regardant les photos présentées dans le livre “Il était une fois Viam“, on se projette dans le passé et on comprend mieux ce qu’étaient Viam, Monceaux. Cette vallée de la Vézère, les moulins, l’activité agricole faite de petites exploitations, une ruralité où la mécanisation n’avait pas encore fait son apparition et donc qui procurait un certain nombre d’emplois manuels, mais pas du travail pour tout le monde, ce qui explique ces migrations vers Paris ou Lyon notamment.

    Et tout d’un coup, il y a cet immense chantier qui nécessite des centaines d’embauches. L'évènement est là et au cœur de l’aventure, il y a les hommes. Pour notre association “Les Gens de Viam“, créée en 2003 pour donner la parole à ceux et celles qui ont vécu ce XXe siècle à Viam, il eût été inconvenant de ne pas mettre ces bâtisseurs au cœur de notre exposition 2007 et de cet ouvrage. Nous en avons rencontré quelques-uns, leurs récits constituent à nos yeux des pièces maîtresses : ils sont faits de chair, on y retrouve les souffrances, les peines mais aussi  joie et gaieté et très souvent ce souci du détail, de la précision. 

    N’oublions pas non plus qu’à cette époque, il n’y avait ni pelleteuse, ni bulldozer, les outils pour la construction de la route : la pelle et la pioche! Au tunnel et au barrage, les outils étaient aussi rudimentaires, les burins étaient rois ! Il fallait faire preuve de beaucoup d’ingéniosité, parfois de débrouillardise, d’autant que dans cette période troublée, perturbée par la guerre, les matières premières étaient insuffisantes ou livrées avec retard.

     

    Si les chantiers ont donné du travail à beaucoup d’habitants de notre canton, il a quand même fallu faire appel à de la main-d’oeuvre extérieure, car nombre de Français étaient soit prisonniers de guerre, soit envoyés au STO en Allemagne. Ainsi sont arrivés des étrangers d’Europe, mais aussi de nos colonies françaises : plusieurs dizaines d’Algériens. Il y a eu aussi quelques prisonniers de guerre allemands en fin de chantier.

    Pas d’engins, peu d’outils, les conditions de travail seront donc difficiles et pourtant pas une seule victime sur un chantier aussi vaste et aussi peuplé, quelques blessés  seulement. Mais, il y aura quand même, à plus long terme, cette maladie sournoise, la silicose qui fera son oeuvre surtout chez les mineurs et ceux qui déblayaient le tunnel sans protection aucune. Ainsi l’exploitation de la houille qu’elle soit blanche ou noire fera les mêmes ravages.

    Alors chez ces hommes, qu’ils soient allés de leur plein gré ou parce qu’il fallait gagner un peu de sous pour faire vivre leurs familles et qu’ils n’avaient donc pas le choix, qu’il fallait au contraire saisir l’occasion et se faire embaucher par la THEG (Travaux Hydrauliques et Entreprises Générales) ou la CEEM (Compagnie d’Entreprise Electro-Mécanique), eh bien, chez ces hommes, on ressent la fierté, celle d’avoir de leurs mains fait sortir de terre, le barrage, le tunnel et l’usine, qui font désormais partie de notre patrimoine.

    Et ils l’ont fait pendant la guerre. En effet dès 1942, l’administration allemande surveille de près le chantier et en novembre 1943, il est classé dans la catégorie “S“ ce qui veut dire “entreprise prioritaire pour la puissance occupante“. Ce qui valut quelques distributions de ravitaillement supplémentaires (vin pour les mineurs de la CEEM... et semoule pour la confection du couscous aux Algériens). 

    Tous ces travailleurs du barrage ont vécu cette situation exceptionnelle. Ils en parlent cependant avec beaucoup de retenue, qu’ils aient fait le choix ou non de résister ouvertement à l’occupant, de ne pas subir dans la passivité.  Pour beaucoup cette action de Résistance ne fut peut-être pas spectaculaire, il y avait néanmoins un comportement anti- résignation. Pour d’autres l’activité sera plus dangereuse, afin que la liberté revienne en Haute Corrèze, comme dans toute la France. C’est aussi dans ces conditions que ce barrage sera construit. 

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    1952Avec le recul...

    Alors, plus de 60 ans après, cette simple question: avait-on besoin d’un barrage ? et de ce lac ? Ce récit, nous l’espérons fera encore discuter, comme l’actuel débat sur le nucléaire ou l’implantation d’éoliennes !

    Aujourd’hui encore, il serait vain de prétendre que tout le monde était d’accord avec la construction de ce barrage qui allait transformer notre village et la vallée de la Vézère. Être contraint de vendre ses terres, souvent les meilleures, de voir amputer une propriété familiale, engloutir des souvenirs, ce n’est jamais facile, personne ne dira le contraire, ou alors il ne serait pas cru.

    Et cette exploitation de la houille blanche en Haute Corrèze a-t-elle été source de richesse, à l’origine de l’installation durable d’entreprises nouvelles, d’un développement du commerce et du tourisme ? Le résultat est bien plus contrasté, mais la construction d’un barrage hydroélectrique pouvait-elle être source de tout cela.  C’est-à-dire ce qui était décrit avec lyrisme dans les manuels scolaires d’il y a plus de 60 années !  

     

    L’association “Les gens de Viam“
    Ce texte et ces photos sont extraites du livre “Il était une fois VIAM“, un ouvrage collectif de témoignages, de 288 pages dont 32 en couleur.

    La construction du barrage occupe un tiers de ce livre, mais il est aussi question des premiers habitants de Viam, de l’histoire de plusieurs familles et personnages ayant marqué la commune, le curé Bonneau (1819-1891), la maîtresse d’école, un forgeron et bien d’autres et aussi deux contes inédits du granite et de l’eau. Prix de vente  du livre : 20 € à l’association à Viam (­Corréze) ou par correspondance en ajoutant 3 €.

  • Le piège

    le piege Jean Paul TrichetC'est un lecteur d'IPNS qui nous a envoyé un petit livre édité à Chamonix et consacré au tunnel du Mont Blanc. Quel intérêt pour nous qui habitons le plateau de Millevaches, qu'un ouvrage qui parle d'un fond de vallée à l'autre bout du pays ? Penser cela serait tomber dans le piège de croire que les problèmes auxquels sont confrontés d'autres territoires ne nous concernent pas. Le sujet de cet ouvrage dépasse en effet de loin la simple histoire locale. Et il est même revenu en force dans l'actualité nationale avec l'accident de deux poids lourds dans le tunnel de Fréjus le 4 juin dernier.

    Il se trouve, pur hasard, que l'auteur, Jean Paul Trichet n'est pas sans liens avec le plateau : "Mon père est originaire de Vendée. Technicien en communication, il a installé de nombreux relais télé aussi bien en France qu'en Europe. C'est au cours d'une de ses missions, en Creuse, qu'il a rencontré sa future épouse. Ma mère possède ses racines sur le plateau de Millevaches en Limousin. J'ai vu le jour à Limoges". Jean Paul Trichet grandit donc en Limousin, mais la montagne limousine n'est pas à la hauteur (dans tous les sens du terme) de sa passion naissante pour la montagne. "Pas plus à Limoges qu'à Cieux ou Collonges les hivers daignaient offrir "ce manteau blanc" dont on parlait parfois sur les terres plus élevées de la montagne limousine. Mes études à Egletons, en lisière du plateau de Millevaches, ne parvinrent pas à combler ce manque que ma passion de la montagne avait exacerbé". A 20 ans, Jean Paul Trichet quitte donc le Limousin et va s'installer dans les Hautes Alpes d'abord, dans la vallée de Chamonix ensuite : "Ce fut le déclic. Je découvrais enfin les grands espaces, la pratique de la haute montagne et celle du ski. Chamonix était devenu mon ancrage, la satisfaction comblée d'un rêve de gosse".

    Vingt ans plus tard, Jean Paul Trichet est toujours chamoniard et est même devenu une personnalité incontournable de la cité alpine. Habitant actif de son pays d'adoption, amoureux de ses paysages, il s'est vite aperçu que la "vallée blanche" devenait, année après année, un véritable couloir à poids lourds de plus en plus nombreux, qui polluent la vallée pour emprunter à 1400 mètres d'altitude les 11,6 km du plus profond tunnel routier du monde : le tunnel du Mont Blanc. Du coup il s'engage résolument au sein de l'ARSMB, l'association pour le respect du site du Mont Blanc, dont il assurera la présidence de 1997 à 2003. C'est cette histoire militante et associative qu'il raconte en détail dans son livre intitulé : "Le Piège".

     

    Une catastrophe… pour rien.

    Le piège bien sûr, c'est d'abord ce tunnel construit au début des années 60 et qui, très vite, n'est plus du tout adapté à l'intensité du trafic : 4000 à 5000 poids lourds par jour, un toutes les 10 à 15 secondes ! Et ce que les militants de l'ARSMB craignaient depuis longtemps se réalise le 24 mars 1999 : l'accident dramatique de ce camion belge qui transportait de la farine et de la margarine, l'incendie non maîtrisable qui dure trois jours, 39 morts et des dégâts considérables. Le piège a terriblement fonctionné.

    Mais le piège c'est aussi la logique marchande et économique qui va très vite reprendre ses droits après la catastrophe. Car si l'ARSMB se mobilise plus que jamais pour obtenir la fin de la circulation des camions dans la vallée, rien n'empêchera le tunnel de ré-ouvrir aux poids lourds, d'abord pour une circulation alternée, puis dans les deux sens à partir du 3 mars 2003.

    Pourtant, "le tunnel du Mont Blanc n'est pas conforme aux nouvelles réglementations françaises, rédigées en août 2000, après la catastrophe du 24 mars 1999, qui stipulent qu'un ouvrage de plus de 1000 mètres doit posséder une galerie indépendante de sécurité et faire au moins 9,50m de large. La chaussée du boyau du Mont Blanc mesure sept mètres, soit la largeur d'une cage de but de football, ou un peu moins que le fuselage du nouvel Airbus A380. Quant à cette galerie d'accès indépendante, elle est absente (…) Paradoxe : la nouvelle réglementation française d'août 2000, conséquence du drame du Mont Blanc, s'applique à tous les ouvrages français sauf… à celui du Mont Blanc".

     

    Défaite du politique

    La lecture de ce petit ouvrage est extrêmement instructive. Pas seulement sur les manœuvres autour du tunnel du Mont Blanc (le black out de l'information le premier jour de la catastrophe, la disparition des disques d'enregistrement du trafic de ce même jour, les pressions du préfet sur l'ARSMB et sur le maire de Chamonix qui s'est mis en tête d'organiser un référendum sur la question). En fait, "le Piège" nous en apprend autant sur l'état de la démocratie française et sur le poids énorme des lobbies industriels ou financiers (en l'occurrence ici, celui de la route). Après l'accident du tunnel, Jacques Chirac se déplace et tient un discours volontariste comme il sait si bien le faire pour défendre le ferroutage et critiquer le tout routier… Discours qu'il oublie aussi vite - comme il sait là encore si bien le faire. Mais le ministre des transports de l'époque ? Jean Claude Gayssot, communiste et ancien cheminot, pourquoi n'a-t-il rien opposé au retour du fret routier dans le tunnel ? Et Dominique Voynet, alors ministre verte de l'environnement, pourquoi, là encore, n'a-t-elle rien entrepris ? Passivité ? Inertie ? Impuissance ?

    Devant cette défaite du politique, la leçon du "Piège" est qu'on ne peut compter que sur soi-même et que seule une minorité active mais déterminée peut aller à contre courant de "choix" de politique générale désastreux mais puissamment soutenus. Bataille perdue malgré une mobilisation populaire exceptionnelle : une pétition qui rassemble 300 000 signatures, un référendum local qui refuse à 97% le retour des camions dans la vallée…

    Ce qui montre bien la taille des enjeux auxquels s'est mesurée l'ARSMB. Encore combien de catastrophes pour remettre en cause le tout routier ? Et quelles actions pour réussir un changement de politique ? Nos petits panneaux "non aux OGM" en entrée de communes, nos pétitions, nos canards, nos manifestations… ont-ils quelque chance de faire changer les choses ? Jean Paul Trichet nous invite certes à persévérer (et sans conteste, il le faut), mais son histoire nous dit aussi que les enjeux sont si grands qu'il n'est rien de moins sûr que de parvenir à ses fins.

     

    La route avant tout

    transport boisLa critique du tout routier s'accompagne d'une défense et illustration du ferroutage que nos voisins suisses ou autrichiens ont très largement entrepris. Déjà dans les années 80 le trafic routier transalpin passait de 46% à 38% en Autriche, alors qu'en France il grimpait de 45% à 51%...

    Et ici, la problématique est-elle très différente ? Les initiatives de la SNCF en matière de transport des bois montrent malheureusement que la solution routière n'a pas à craindre la concurrence du rail. En effet ce n'est pas moins qu'une augmentation de 60% de ses tarifs que la société nationale a pratiqué en un an, de septembre 2003 à novembre 2004. Et "sans concertation avec ses clients" comme le souligne Bernard Tissandier, le président des scieurs et exploitants forestiers de la Creuse. Une hausse que ne conteste pas la SNCF qui a décidé que désormais chacune de ses branches devait devenir rentable.

    Comme le dit joliment René Lavie, le responsable du fret régional, il s'agit de "nous responsabiliser sur des comptes d'exploitation". Concrètement on n'y est pas allé de main morte : les 42 personnes du service fret de Limoges ne sont plus que 5 et l'essentiel de la gestion commerciale et technique s'est concentré sur Toulouse ou Tours ; sur les 18 gares bois limousines on en a fermé 14 (seules demeurent Bourganeuf, Felletin, Bugeat-Viam et Limoges) ; et bien sûr on a augmenté les tarifs de façon à ne plus faire une seule prestation à perte, puisque la mutualisation entre les services (fret / voyageurs / etc.) a été remise en cause. Conséquence ? Les 150 000 tonnes de bois limousin transportées en 2002 ou 2003 par la SNCF seront divisées par trois en 2005. Cela veut dire un peu plus de camions sur nos routes. D'ores et déjà les deux trains hebdomadaires qui alimentaient l'usine papetière de Saillat ont été remplacés par des camions : quelques 3000 poids lourds de plus chaque année sur l'axe Plateau-Limoges-Saillat. L'entreprise Marty qui faisait venir 40% de ses bois en train depuis Bourganeuf, affrète désormais des semi-remorques. Au total, si l'on considère qu'environ 100 000 tonnes de bois ne transitent plus par le rail, c'est plusieurs milliers de camions supplémentaires qu'on croisera sur les routes limousines.

    A la SNCF même, on ne croit plus au fret bois intrarégional ! On sait que les critères de rentabilité ne peuvent être obtenus que sur des transports massifs à longue distance (la distance minimale rentable est au-dessus de 400-500 km). Pas étonnant dans cette configuration que la dernière gare construite en Limousin, la gare bois de Viam ait fait un flop monumental. En 2004 seulement 2500 tonnes de bois en sont parties : cela fait cinq trains dans l'année. Pour 2,3 millions d'euros investis en 2000-2001 dans l'aventure, cela fait cher la tonne transportée… Bref, la route a encore de beaux jours devant elle. Pour ses riverains, c'est une autre histoire. Le "Piège" du Mont Blanc en la matière n'est que l'exemple paroxystique d'un phénomène global auquel nous n'échappons malheureusement pas.

     

    Michel Lulek

    Jean Paul Trichet (avec Daniel Taboury) : Tunnel du Mont Blanc : Le Piège. Editions Guérin, 2005, Chamonix. 13 euros.
  • Viam, le plaisir de retrouver ses racines

    Du 12 au 20 juillet 2003a eu lieu à Viam une exposition de photos qui a pu se concrétiser grâce à quelques bénévoles qui ont travaillé à mettre en valeur les quelques 400 photos prêtées par la population des villages de la commune de Viam. Les photos étaient présentées par thèmes : le barrage, l'église, la guerre de 14-18, le commerce et l'artisanat, l'agriculture, l'habitat, les fêtes et la convivialité, le tourisme, la Poste, la Résistance, l'enfance, les mariages, les écoles, les figures et les personnages. En voici, pour IPNS, quelques clichés.

     

    viam

     

    Cette exposition était bien celle des gens de Viam, des hommes et des femmes qui en ont été les acteurs. Ils sont venus très nombreux revivre et commenter métiers et évènements. Ils ont ainsi ravivé la mémoire de leurs villages avec les estivants et les visiteurs des communes voisines. Ils· se sont dit partants pour poursuivre l'aventure avec la réalisation d'un livre qui reprendrait les photos et les textes qui  commentent cette période 1890-1970. Avec cette volonté des habitants et des originaires de la commune de retrouver et cultiver leurs racines, nul doute que l'on reparlera très prochainement de Viam. Merci à tous ceux et toutes celles qui ont œuvré pour cette exposition et aux 800 visiteurs.

     

    Bernard Bouche