Que dire du projet Mélofolia que nous aimons mieux appeler Zizic’land ? Mélimélofolia ou Mégafolia ne seraient pas mal non plus. Il est bien évident que le sieur Hodiamont (sa société Dreamgest) n’a toujours pas l’argent nécessaire pour mener à bien son projet de parc d’attraction sur le site de Chauffaille. Et la vente du domaine n’est toujours pas effective, ce qui en est la meilleure preuve. On en est toujours à la promesse de vente qui, arrivant à échéance début avril, a été prorogée jusqu’à la fin décembre 2020. Un an et demi de rab ! Cadeau… empoisonné ? On refile l’affaire aux prochaines équipes municipales issues du scrutin du printemps prochain. Rappelons que les clauses suspensives de la promesse de vente, moult fois réaffirmées pour montrer au bon peuple qu’on est sérieux, sont gardées secrètes ; on nous dit que c’est légal, nous trouvons ça curieux.
De toute façon, depuis le début, rien n’est clair dans cette affaire, elle sent l’embrouille, l’escroquerie, le fou ou le finaud d’un côté, les gogos de l’autre. Et dans les comptes rendus des réunions de la communauté de communes, lorsqu’on parle de Chauffaille (ce n’est pas si souvent), c’est toujours en quelques mots, en fin de séance. Opacité : le maître mot…
Aucun dossier, à ce jour, n’a été déposé à la DREAL, Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ce qui, pour avoir les autorisations administratives, est obligatoire pour tout projet, fût-il bien plus modeste que celui qui nous occupe. On en est donc encore à le monter ; en haut-petit lieu on préfère dire qu’on en est à le peaufiner, l’améliorer, tout en affirmant que les demandes sont en cours. Faux !
Le site de Chauffaille a été classé ZNIEFF, zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique, sous l’intitulé “Vallée de la Boucheuse et étang de Chauffaille“, en 1998 - 177 hectares, mais le PLU (plan local d’urbanisme) de Coussac en 2016 a passé outre, prévoyant en son sein une zone à urbaniser (le fameux parc), sans que nul s’en émeuve. (Depuis, la commune s’est défaussée de ses compétences urbanistiques sur la communauté de communes.)
L’intérêt écologique n’en demeure pas moins, des naturalistes continuent à enquêter, on a trouvé beaucoup de choses fort intéressantes, des espèces rares et protégées notamment, des films ont été réalisés, tout ça sera porté à la connaissance de tous. Ceux qui visitent le domaine le trouvent magnifique, plein de charme et de possibilités, méritant bien évidemment tout autre chose que ce parc, affligeant par la forme, vide par le fond, nullissime à tous les points de vue. Et tous ceux qui vont voir le film de simulation** le prennent pour un canular ; on n’en croit pas ses yeux, on n’y croit pas ! Un parc de zozos… La chapelle de Chauffaille particulièrement, de belle venue bien que pas très ancienne, mériterait d’être classée. Les promeneurs y sont assez nombreux, des activités y ont lieu, par exemple un camp scout tous les étés. Si le parc se faisait, le site serait irrémédiablement dénaturé. Un parc d’attraction, de toute façon, est toujours hors sol, en contradiction avec l’endroit où il s’installe, faisant fi de sa mémoire, son histoire, sa cohérence naturelle et culturelle. C’est là particulièrement vrai. Le parc n’est en rien en phase avec le domaine. On peut bien nous affirmer, écobio à la boutonnière, que tout y sera “cuit-au-feu-de-bois-et-moulé-à-la-louche“, soit dit avec humour, s’il se faisait, ce parc, c’en serait fini de Chauffaille. (On laisse entendre, nouveauté, qu’à l’entrée, le plastique serait remplacé par la pierre de Saint-Yrieix et le bois de châtaignier ! Alléluia !)
Étant construit, s’il ne fonctionnait pas comme souhaité par ses promoteurs, s’il n’était pas rentable (le seul critère de réussite !), le site n’en serait pas moins détruit, perdu définitivement, sans possible reconversion quelle qu’elle soit ou tellement difficile qu’on en resterait à cette occupation de bazar désaffecté, un no man’s land, une friche touristico-machin-truc, bien vite une ruine, de celles qu’on ne visite pas, une honte, notre honte à tous, l’abomination de la désolation.
S’il fonctionnait comme souhaité, amenant des centaines de milliers de visiteurs par an, qu’est-ce que ça voudrait dire pour le bourg de Coussac et plus encore celui de Meuzac, où passerait une noria de véhicules, voitures, camping-cars, autobus, à touche touche à la belle saison, rendant insupportable la vie aux habitants. Quand on sait déjà le trafic de la D 901 et surtout de la D 39, devenant D 7bis en entrant en Haute-Vienne où elle rejoint l’autoroute A20, avec de plus en plus de camions, de plus en plus gros ! Alors, dans un second temps, et sans trop attendre (avec qui plus est de l’argent public, nous y voilà !), il faudrait bien faire des routes de contournement, à 4 voies s’il vous plaît. Est-il utile de dire les problèmes ainsi créés, les destructions, le saccage du pays ?
Nos espaces ruraux, ce fameux territoire dont on nous rebat les oreilles, la campagne tout simplement, deviendrait, qu’on s’en rende bien compte, urbanisée en diable, urbanisée à la diable ! Est-ce ce que souhaitent les gens qui y vivent ? Qui y viennent ? Qui y reviennent ? Et devons-nous parler des parkings, de la nécessaire infrastructure hôtelière, etc, etc, etc ? Il faut penser à tout cela, dont on ne parle pas !
De quoi nous parle-t-on ? D’emplois. Et qui promet des emplois, quels qu’ils soient, si minables soient-ils, est reçu comme le messie. Le sieur Hodiamont a beaucoup varié dans ses promesses depuis le début, comme il varie en tout. Et comme disait Pasqua, un maître en la matière : “Les promesses n’engagent que ceux qui y croient.“ Gens de Coussac, qu’en pouvez-vous espérer ? Son équipe de sémillants et dynamiques animateurs arriverait bien sûr constituée de longue date, formée à cette occupation dérisoire. Peut-être vous permettrait-on de récurer les chiottes, de tondre les pelouses, emplois gratifiants et hautement qualifiés, oui… emplois éminemment précaires et saisonniers. Tu parles, les chiottes seraient autonettoyantes et les tondeuses iraient seules ! Et de toute façon, pour ce genre d’entretien, de maintenance, existent des sociétés privées spécialisées.
Et c’est pour ça qu’on est prêt à vendre son âme au diable, à voir détruire ce qui reste du domaine de Chauffaille (après l’armée qui, elle aussi, rappelez-vous, devait amener la prospérité dans la commune), et condamner la tranquillité des habitants ? Nuisance, nuisance, nuisance…
Oui, Chauffaille mérite mieux. Quelque chose qui reste à imaginer. À chacun d’y réfléchir. Nous, notre sensibilité nous porte vers l’agriculture paysanne et l’artisanat, mais on pourrait sur le domaine envisager un projet mixte qui ménagerait sa vocation agricole, pensée de façon alternative et pour le coup vraiment écologique. Il pourrait être pour partie un lieu d’accueil associatif, abriter quelque centre à vocation médicale (on a parlé d’un centre pour autistes), etc. Tous projets respectueux de ce qu’il est, de la nature qui vit en lui. Un lieu toujours de promenade et libre d’accès. Mais tout ça est à discuter, encore une fois soumis à la réflexion, en prenant son temps, ne comptant pas sur quelque homme providentiel amenant la solution miracle. Nous, nous souhaitons, ici comme ailleurs, le retour aux petites communautés de vie, au savoir, au savoir-faire, au savoir-vivre. Des choses raisonnables, de bon sens, d’avenir pérenne, utile, nourricier, un retour à quelque tradition seule apte à assurer quelque avenir, non l’animation de pacotille de la société de loisir qui pense pour vous, les marchands de vent. Des choses ne sollicitant pas toujours la bagnole, la bagnole, la sainte bagnole, ou, qui sait, le TGV, l’avion. Il paraîtrait que les jours du pétrole sont comptés…
Jan dau Melhau et Brigitte Fleygnac