À Rempnat, en Haute-Vienne, comme à Saint-Yrieix-la-Montagne en Creuse, aucune liste ne s’est présentée au premier tour des municipales 2020. Il y a en France, plus d’une centaine de communes dans ce cas. Mais tout n’est pas perdu : une liste peut être déposée entre les deux tours, faute de quoi la préfecture mettra la municipalité sous tutelle et organisera une nouvelle élection. Si rien ne se passe, elle restera sous tutelle ou fusionnera. Voyons comment une commune, qui avait 23 candidats en 2014, en arrive là 6 ans plus tard.
Recette : Comment faire disparaître une commune ?
Ingrédients, pour 140 personnes :
- un chef parachuté,
- des conseillers uniquement animés par la volonté d’éliminer une équipe soupçonnée d’être trop écolo-gauchiste-alternative en 2014,
- un non-projet politique,
- un discours plein de grands mots dissimulant mal le désir d’exclure les indésirables,
- une gestion jupitérienne,
- une touche de féodalité,
- une bonne dose de mépris de classe vis-à-vis des salariés de la commune.
Laisser mijoter pendant six ans, sans remuer surtout, ni assaisonner.
Résultat : une chape d’inertie fade et sans saveur. Plus d’animations, un cantonnier à mi-temps, une mairie fermée depuis fin février, un patrimoine et la voirie négligés…
Plutôt mourir que laisser vivre
C’est ainsi qu’en 2014, voulant « sauver » leur bourg du péril alterno-innovant des prétendus néo-ruraux, des habitants, en refusant de s’impliquer réellement, incapables de porter un véritable projet pour leur commune, en ont signé l’arrêt de mort. Alors, pourquoi ? Est-ce par dépit de se voir « confisquer » par des « nouveaux arrivants » les idées susceptibles de faire vivre leur petite commune ? Ou par peur du changement ? Ou plus grave : résurgence de vieux démons tels que xénophobie, misogynie… Ou tout simplement une certaine apathie symptomatique d’un orgueil délétère qui a fait dire à quelques-uns « laissez-nous mourir en paix ».
Une liste décapitée, une mort sous tension
Quoiqu’il en soit, en 2020, le maire, Bruno Gardelle, ne se représente pas. Et personne ne veut reprendre le siège. Or, dans la conception hiérarchique qui semble primer dans l’équipe sortante, sans chef, point de salut. Donc, pas de liste et pas d’élections. Les quelques personnes qui auraient pu se lancer dans l’aventure se sentent découragées devant l’étendue de la tâche. Face à une commune morte, pas facile de se projeter dans l’avenir... Toujours est-il que, bien qu’il n’y a pas eu d’élections à Rempnat le 15 mars, les tensions de 2014 sont toujours là. En effet, le dernier bulletin municipal, signé par le maire, les a ravivées. Il a cependant fait réagir un « fan-club » qui a rédigé une réponse humoristique pour le remettre à sa place, en rectifiant point par point ses allégations et en révélant des faits opportunément passés sous silence : un procès pour licenciement abusif perdu auprès du tribunal administratif, une tentative pour récupérer des biens sans maître qui se sont avérés pas vacants du tout... Des petites affaires dont beaucoup d’habitants n’avaient pas même entendu parler.
La prose de Monsieur
Il faut préciser que ce bulletin est un morceau d’anthologie d’auto-satisfaction et de grandiloquence, condescendant au possible et flirtant avec le ridicule à chaque phrase. S’il est représentatif de la gestion des dernières années, on peut comprendre le mécontentement d’un certain nombre d’habitants. On y perçoit à quel point le personnage est loin de la réalité du pays qu’il prétend « gérer depuis la capitale ». À quel point sa réflexion est toute faite de préjugés faciles sur les « révolutionnaires » mangeurs de rutabagas (?) et « autres caillades », sur le monde associatif qui ne doit surtout pas se mêler de tenir un « espace de convivialité et d’ouverture » de type commercial, à savoir l’auberge. Bref, on voit pourquoi la dernière mandature n’a pas su réduire les clivages. Et l’absence d’élections ne va rien résoudre non plus...

Pour finir un petit extrait d’un poème
Si vous avez envie que disparaissent nos communes
Au profit des métropoles dont toutes les lumières
Aveuglent les miséreux et obscurcissent le ciel ;
Que ce soit leurs élites au clinquant démagogue
Qui décident pour nous du destin de nos vies.
« Si vous avez envie… »,
anonyme, 2014
- Rempnat condamnée par le tribunal administratif
La municipalité de Rempnat a été condamnée par le tribunal administratif de Limoges le 13 février 2020. L’arrêté de décembre 2017 pris par le maire Bruno Gardelle pour licencier le cantonnier de la commune est annulé. Rempnat devra lui verser 3 500 euros et le réintégrer à son poste. Curieusement, l’information n’est pas parue dans le bulletin municipal. En mai 2017, Bruno Gardelle a commencé subitement à rendre la vie difficile à cet employé municipal, jusqu’à lui hurler dessus, le laissant en état de choc fin juin 2017 juste avant une réception importante pour Bruno Gardelle : l’inauguration d’un hangar. L’employé a été placé en arrêt maladie par son médecin traitant pour dépression. Bruno Gardelle, voyant cet arrêt se renouveler de mois en mois, l’a enjoint à passer une visite chez un autre médecin, non agréé, au service des patrons, Charles Bezot, alors maire de Magnac-Bourg, dont la liste a du reste été largement battue le 15 mars 2020. Ce dernier avait déclaré, comme cela lui était demandé, le cantonnier apte au travail. Cet argument n’a pas convaincu le tribunal administratif. Le parcours de la victime de Bruno Gardelle a été long et il a réellement été en dépression. Après trois années éprouvantes de procédures, il a enfin obtenu gain de cause.