Demain, pour quels usages et quels contenus ?
Fin mars, un nouveau service de télévision a été ouvert en grande pompe, notamment sur la région parisienne, la Bretagne, le Poitou-Charentes ou encore le secteur de Bordeaux. La télévision numérique terrestre est un dispositif technique innovant qui permet de diffuser en qualité numérique des programmes de télévision, et ceci en s'appuyant sur les infrastructures hertziennes existantes. A titre de comparaison,elle est utilisée en Grande-Bretagne depuis plusieurs années.
A nouveau, on constate que cette nouvelle technologie n'est pas encore accessible dans des régions comme les nôtres, et encore moins sur le plateau de Millevaches ! Au-delà de la couverture technique, la question du contenu se pose également. Quelle place pour une nouvelle télévision ? Quelle place pour les télévisions citoyennes de nos territoires ?
Repères techniques
Chaque foyer situé dans la zone de couverture et disposant d'une antenne traditionnelle, dite "râteau", doit s'équiper d'un adaptateur lui permettant ainsi de recevoir gratuitement les 14 chaînes aujourd'hui disponibles. Un adaptateur coûte environ 100 euros - des modèles équipés de plus d'options sont également proposés. Les programmes sont reçus en qualité numérique (comme un DVD), et en quantité plus importante du fait de la compression des données, sans perte de qualité. Là où l'analogique permet de diffuser une chaîne, le numérique accueille 8 canaux. Autant dire que des opportunités nouvelles en terme de contenu ou de services interactifs s'ouvrent au grand public, sans abonnement mensuel. Le planning disponible à ce jour prévoit une couverture quasi-totale du territoire courant 2007. Pour l'instant, on constate que les cartes prévisionnelles laissent peu de place au Plateau de Millevaches…
Choix du contenu
C'est le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) qui a attribué les canaux aux différents candidats, après auditions des projets. Des chaînes sont diffusées gratuitement - 14 à ce jour. A partir de septembre 2005, d'autres seront proposées sur abonnement ou gratuitement. On peut s'étonner que les attributions ne prévoient pas de place pour les chaînes locales, qui ont pourtant déposées leur candidature de façon collective. La pluralité des contenus était pourtant un des critères émis par le CSA dès l'origine. La mise en pratique semble plus difficile… En effet, on retrouve sur la TNT les mêmes programmes que sur d'autres supports de diffusions (satellite, câble…), alors que la TNT pourrait permettre la diffusion de nouveaux contenus, et ainsi l'émergence d'une nouvelle forme de télévision. Le rendez-vous de la diversité semble à nouveau manqué !
En Limousin…
On peut citer les réactions des habitants de Chambon-sur-Voueize qui ont très justement rappelés en mars dernier que la couverture actuelle ne leur permet même pas de bénéficier de toutes les chaînes nationales : alors comment croire à l'arrivée de la TNT ? Le cas des programmes financés par la redevance (France 5 par exemple), mais non reçus par de nombreux foyers est bien connu dans nos zones rurales. On a vraiment le sentiment que l'arrivée de la TNT ne fait que creuser le fossé entre ceux qui ont droit à ces contenus audiovisuels - sans parler de la qualité de ceux-ci ! -, et ceux qui n'y auront définitivement pas accès. Pourquoi ne pas avoir fait le choix politique de lancer la TNT sur les territoires les moins bien couverts ? Cela aurait marqué une réelle volonté de rendre accessible à tous les citoyens ces nouveaux médias (et déjà ceux auxquels ils devraient avoir droit depuis longtemps).
Elle n’est pas pour tout le monde !
Autre situation plus cocasse, en Haute-Vienne, où les habitants les plus proches du Poitou-Charentes peuvent déjà disposer de la TNT, mais avec l'inconvénient de ne plus disposer du programme régional de France 3 Limousin, mais de celui de Poitiers. Autant dire que la technique a aussi ses limites ! Le CSA aurait répondu aux interrogations des officiels en expliquant que la région n'avait pas un potentiel de population suffisant pour justifier un tel investissement (source La Montagne du 6 mai 2005). Au moins, c'est clair ! Ce cas pourrait se reproduire avec le développement de la TNT, créant de légitimes interrogations sur l'accès à certains programmes régionaux.
Sur le Plateau
Paradoxalement, on peut s'interroger sur l'intérêt de la TNT pour notre territoire. En effet, le développement de la télévision sur ADSL est une réalité en France, et prochainement en Limousin avec l'implantation de réseaux très haut débit (voir l'article sur le haut débit dans le numéro 10 d'IPNS). La démarche portée par le syndicat mixte DORSAL a justement pour objectif de rendre plus facile l'accès à l'internet, donc à ces nouveaux contenus. Le haut débit, donc la télévision sur internet en haute qualité, permettra cet accès, et très certainement avant même que la TNT soit disponible chez nous ! Tout en bénéficiant d'un accès à internet en haut débit, le même équipement offrira un accès aux chaînes de télévision comme cela est déjà le cas dans les grandes villes. Cela illustre bien que ce sont les initiatives locales, et l'imagination de solutions adaptées au territoire et à ses acteurs, qui permettent de répondre aux vraies attentes. Reste à savoir si c'est normal ! A titre d'exemple, ces technologies pourraient permettre une diffusion plus simple de contenus locaux, tels que Télé Millevaches et son Magazine du Plateau.
Évolutions de la télévision
Plus globalement, il faut bien cerner que la télévision et son mode de "consommation" évoluent, et ce sera encore plus le cas dans les années qui viennent. Les contenus, les terminaux de consultation, les usages et les modes de diffusion vont se superposer. On utilisera un téléphone mobile pour regarder un extrait du journal télévisé, tout en accédant sur un ordinateur connecté en ADSL pour visionner une émission plus longue, et la télévision plus traditionnelle pour un film. Il faut bien comprendre que les technologies permettent ces nouveaux usages. A chacun d'en faire l'utilisation qui lui convient, en fonction des moyens techniques à sa disposition.
La technologie est utile, encore faut-il qu'on l'utilise à bon escient. La TNT est/était une opportunité pour diversifier l'offre, et pour offrir un accès de qualité aux contenus audiovisuels, notamment ceux du service public. C'est donc cette fracture entre les territoires que la TNT révèle à nouveau. On fait toujours le même constat : tout le monde n'est pas servi de la même façon !
David Daroussin
St Quentin la Chabanne