Fin 2004 paraissait, sous l'égide de l'INSEE et du FASILD (Fonds d'Action et de Soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations), l'Atlas des populations immigrées en Limousin. Cette étude très documentée a été faite à partir des chiffres du recensement de la population de 1999. Outil de référence, il permet de mieux connaître et comprendre la diversité de la population immigrée en Limousin. Mais sa principale qualité est de faire tomber nombre d'idées erronées, colportées par la rumeur publique et parfois reprises par les médias. Jean Puygrenier, du MRAP (mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), l'a lue et s'en est servi pour battre en brèche quelques idées reçues.
Avant toute chose, il convient de savoir de qui l'on parle. La population immigrée est composée de personnes nées étrangères dans un pays étranger. La personne qui acquiert la nationalité française conserve son estampille d'origine : "immigré". La population étrangère est composée des personnes ayant déclaré une nationalité autre que la nationalité française. Par conséquent tout immigré n'est pas nécessairement un étranger et, réciproquement, car des immigrés deviennent Français et des étrangers naissent en France.
Le Limousin, traditionnelle terre d'accueil, est-il submergé par une vague migratoire ?
Réponse : non.
Avec 26 216 immigrés recensés en Limousin en 1999, soit 3,7% de la population totale (4,5% en Corrèze, 3,6% en Haute-Vienne et 2,4% en Creuse), notre région se situe parmi les régions (celles de la façade Ouest) connaissant le plus faible flux migratoire alors que la moyenne nationale est de 7,4% (l'Ile de France affichant le plus fort pourcentage avec 14,7%). Il est à noter que si deux tiers ont conservé leur nationalité d'origine, un tiers des immigrés est devenu Français par acquisition de la nationalité, tendance qui va en augmentant.
Les immigrés sont-ils essentiellement des maghrébins ?
Loin s'en faut. Il est surprenant d'apprendre qu'en 1999, 55%, soit 14300 personnes immigrées dénombrées sont originaires des pays de l'Union Européenne. Le Portugal avec 6 744 ressortissants représente 25,7% et l'Espagne 7,5%, suivis de loin par le Maroc (10,4%) et l'Algérie (8%). La Turquie avec 7,8% est d'implantation plus récente que les premiers cités dont le pic d'immigration se situe dans les années 60 et bien antérieurement s'agissant des Espagnols.
Les immigrés sont-ils majoritaires dans les zones urbaines sensibles ?
Un constat s'impose : l'hétérogénéité de la répartition de la population immigrée est bien réelle en Limousin : 40% des immigrés vivent en Corrèze, 12% en Creuse et le reste en Haute Vienne. Deux immigrés sur trois habitent en milieu urbain contre un peu plus de la moitié pour l'ensemble de la population. Si, pour ne parler que de Limoges, la situation n'est pas la même dans le quartier des Emailleurs et à Beaubreuil-La Bastide, la proportion de population immigrée domiciliée dans ces quartiers populaires représente 15%, ce qui ne constitue pas un seuil critique et n'autorise pas à parler de "ghettoïsation".
Est-ce que les immigrés travaillent ?
On entend trop souvent : "les immigrés vivent au crochet de la France et s'ils travaillent c'est au détriment des Français". Plus touché que d'autres par le chômage et par la discrimination à l'embauche, l'immigré est pourtant bien présent dans le monde du travail et a sa part dans l'économie régionale. En 1999, en Limousin, on dénombrait 13 200 immigrés actifs ainsi qu'une forte augmentation de la participation des femmes.
Ils se rencontrent en proportion plus importante que les Limousins chez les ouvriers (y compris les ouvriers agricoles) : 46% contre 19%. Même situation dans l'artisanat et le commerce : 8,6% pour les immigrés contre 7,3% pour les Limousins. Il est à noter que la part des cadres et des professions libérales chez les hommes d'origine africaine et chez les femmes natives d'Asie est plus élevée que chez leurs homologues Limousins.
Enfin, il est patent que, quelque soit leur âge, les immigrés sont les principales victimes de la précarité et du chômage. En 1999, plus de 3 100 immigrés de 15 à 64 ans se sont déclarés chômeurs, ce qui représente un taux de chômage de 24% (29% des femmes et 41% des jeunes de moins de 25 ans étaient au chômage contre 13% pour les femmes limougeaudes et 25% pour les jeunes de la région). Paradoxalement les immigrés entrent dans la vie active plus jeunes que le reste de la population, et l'abandonnent plus tard.
Les immigrés font beaucoup d'enfants ?
Si 16,2% des familles ont trois enfants et plus contre 5,5% pour les familles limousines et bien qu'on rencontre plus de familles et moins de personnes seules chez les immigrés que dans le reste de la population, la taille des ménages immigrés n'est que très légèrement supérieure à celle de l'ensemble, respectivement : 2,9 et 2,2 personnes.
Enfin, à titre indicatif, ce sont les Asiatiques qui arrivent en tête pour les familles ayant au moins trois enfants. Plus de la moitié des couples (56%) sont des couples mixtes, les hommes immigrés formant plus souvent que les femmes immigrées un couple mixte. 41% sont des couples dont les deux conjoints sont originaires du même pays, c'est surtout vrai pour les ressortissants Turcs, Britanniques et Marocains. Seulement 3% de l'ensemble des couples sont constitués de deux conjoints immigrés de pays différents. Il faut en outre savoir que près de 60% des enfants de familles immigrées sont déclarés Français de naissance.
Ce compte-rendu est loin d'être exhaustif, laissant de côté les conditions de logement et le niveau d'études des immigrés. Qui plus est les statistiques ont pris un petit coup de vieux car en six ans les données ont sensiblement évolué avec l'arrivée de populations originaires d'Europe Centrale et de l'Est et l'implantation croissante des Britanniques et des Hollandais en Limousin.
Jean Puygrenier
Ce compte-rendu de Jean Puygrenier est extrait du bulletin du MRAP Haute-Vienne, n° 132, janvier 2005. MRAP, 28 rue des Papillons, 87100 Limoges. Tel : 05 55 37 56 91