Printemps 1982, les habitants du village participent, comme ils le font depuis quelques années, à la confection d'un char pour la fête patronale de Felletin, les jeunes se déguisent et animent le char. L'idée du déguisement est déjà dans les têtes, on n'a pas raté carnaval et de maison en maison, tout un après midi, c'est l'occasion de présenter son beau costume, son masque, son maquillage et surtout de n'être pas reconnu ... en rêvant de l'être. Les parents n'ont pas laissé leur place pour le déguisement. L'après midi s'est terminé par la dégustation des confiseries et le partage des cadeaux. Mais ce n'est pas satisfaisant, les jeunes veulent un chez eux pour se retrouver, les cabanes construites dans les arbres ne sont pas suffisantes et il ne reste plus aux parents qu'à se mettre en quête d'un local. En passant, ce local, placé sous l'autorité des parents, servirait de lieu de rassemblement commun pour organiser les animations projetées, car les parents aussi ont des idées pour animer le village et l'embellir.
L'été passe, on organise un repas où tous les habitants sont invités, la recherche continue, une maison non habitée depuis plusieurs années ferait bien l'affaire, un contact est pris avec le propriétaire qui fait des propositions de mise à disposition et à l'automne une délégation des parents décide de rencontrer le Maire de la commune, de faire part de sa réflexion, de demander des conseils et de solliciter une petite aide. Surprise, l'accueil est souriant mais un brin ironique, sur le bureau du Maire trône une pétition signée par quelques personnes voisines de l'immeuble concerné demandant au premier magistrat de bien vouloir faire respecter l'ordre public et insistant sur le risque que ferait courir cette habitation. Elle deviendrait un lieu bruyant, il pourrait même s'y passer des choses à surveiller. On pourrait y fumer ... y boire et qui sait...
La surprise passée, quelques démarches engagées auprès des pétitionnaires et le groupe est convaincu qu'il y a vraiment urgence à organiser des manifestations festives pour recoller les morceaux. Fin 1982, une association est créée, elle s'appellera "l'association du plateau des Combes" et l'objectif en sera l'organisation d'activités pour l'animation et la promotion du secteur des Combes avec le souhait d'instaurer une communication interne aux villages pour créer un lien entre tous les habitants (distribution d'imprimés par la Poste) et une communication externe (la presse) pour attirer le public vers nos manifestations. Un programme à base d'animations festives est mis en place et présenté lors de l'assemblée générale de 1983. Elles seront de deux ordres, celles pour les résidents et les autres, plus promotionnelles, ouvertes au public. Ainsi, dans la première catégorie, on trouvera le carnaval pour les enfants et les plus grands qui le désirent ; la participation à la confection du char "les Combes - route d'Aubusson" ; des repas et rencontres entres anciens et nouveaux, jeunes et moins jeunes avec en point d'orgue le méchoui de juillet. Dans la seconde catégorie, l'organisation d'un feu de la Saint Jean, c'est-à-dire refaire le "Trafoujau" dont parlait les anciens et une idée originale : profiter de la présence d'un cidrier dans le village pour créer une Fête du cidre avec dégustation et repas adapté : boudins et compote de pommes, châtaignes, crêpes, etc. Le succès est là, plus de 200 personnes au feu de Saint Jean, 80 convives au méchoui réservé aux habitants du secteur des Combes et plus de 400 participants à la fête du cidre, mais pas d'évolution sur le local des jeunes et pour les réunions des adultes.
En 1984, lors de l'assemblée générale, l'équipe organisatrice reconduit les animations précédentes avec, en plus, un bal gratuit pour la fête du cidre. Elle programme l'embellissement du village en aidant à la participation des achats pour le fleurissement et elle décide d'étoffer son programme en ajoutant un aspect plus culturel avec une collecte de documents pour tenter de connaître un peu mieux ce qu'a pu être l'activité de ces villages, leurs habitants, les coutumes, etc. Une recherche est menée sur l'histoire de la construction du barrage des Combes, retenue d'eau toute proche construite sur la Creuse au début du XXème siècle, et un exposé sur les maçons de la Creuse est fait par un habitant du village : Pierre Urien, exposé auquel on adjoindra une compilation de documents : passeport, livret ouvrier, photos, courriers, outils, etc. Il est ajouté également à l'ordre du jour un questionnaire à adresser à la mairie de Felletin pour des propositions d'aménagements d'ordre divers dans le village: rails de sécurité, déneigement, service de l'eau, éclairage public, etc.
Le succès des manifestations est au-delà des espérances des responsables. Le feu de Saint Jean situé sur un terrain dominant la vallée, en extrémité de plateau, attire la grande foule. Sous le chapiteau loué pour la fête du cidre et pour organiser le bal gratuit, la musique entraîne les participants tard dans la nuit, mais la grande surprise vient de l'intérêt des visiteurs pour la conférence et l'exposition sur les maçons de la Creuse. Sans aucune communication autre que quelques lignes dans le journal, le vendredi soir, Pierre Urien aura une bonne cinquantaine d'auditeurs et plus de 200 visiteurs se rendent à la salle de l'ancienne mairie de Felletin, aujourd'hui salle Tibord du Chalard, pour découvrir sur 3 jours une compilation de documents sur l'histoire des maçons de la Creuse. Ce qui est encore plus surprenant, c'est la spontanéité avec laquelle les visiteurs, prêts à nous aider, présentent leurs documents familiaux, nous invitent à amplifier nos recherches et nous incitent à transformer ces quelques documents en une exposition temporaire.
Les années suivantes, d'autres animations viennent rejoindre les précédentes : des recherches archéologiques; une exposition évolutive sur "Felletin d'hier à aujourd'hui" (elle est reconduite trois années de suite et aura un beau succès) ; une exposition de peintures qui regroupe les travaux d'artistes originaires de Felletin et des environs, etc. Dans le village même, un réinvestissement des quelques bénéfices est fait dans le nettoyage de la mare et dans la création de massifs de fleurs. Et puis, les enfants grandissent sans une relève de jeunes, les problèmes matériels sont lourds à gérer sans local et surtout, les recherches sur les maçons de la Creuse prennent le pas et occupent de plus en plus. C'est la fin de la première période, les activités festives cèdent le pas à une seule animation.
Vingt ans après, on peut dire que 1984 aura bien été l'année de naissance d'une animation et le début d'une aventure qui se poursuit encore aujourd'hui. Expositions, publications, films, soirées diapos et conférences se succéderont dans la Creuse et de plus en plus hors de la Creuse et du Limousin, de nouveaux partenariats enrichiront les animations. Mais nous sommes déjà dans la deuxième période. (à suivre)
Roland Nicoux
2001