De lois en décrets, de programmes en schéma intégrateur de planification stratégique, le rôle des communes et intercommunalités est passé de celui d’initiateur de centrales d’aérogénération à celui d’échelon pertinent pour cibler, depuis Bordeaux, Paris ou Bruxelles, les zones favorables à l’implantation de centrales.
Des ZDE...
En 2005, la loi POPE (Programme fixant les orientations de la politique énergétique) introduit le principe des ZDE (Zones de développement de l’éolien). À partir du 14 juillet 2007, les centrales d’aérogénération doivent être envisagées au sein de ZDE. Outils de planification local, les ZDE cherchent un équilibre entre, d’un côté, l’augmentation de la production d’énergie d’origine éolienne en garantissant aux promoteurs respectant ce zonage un tarif préférentiel d’achat de l’électricité par EDF fixé par l’État, et, de l’autre, la maîtrise des implantations en les soumettant à des critères (environnementaux, sanitaires, paysagers...) et en en confiant l’initiative aux communes (ou intercommunalités). L’autorisation préfectorale intervenant après un passage dans une commission départementale compétente. Cependant, la création des ZDE fait que les implantations de centrales d’aérogénération dans ces zones ne relèvent plus du code de l’urbanisme mais du code de l’énergie.
Dans la même idée de maîtriser les implantations, la région Limousin, sûrement soumise à la pression du lobby de l’aérogénération industrielle, se dote en 2006, à son initiative, d’un Schéma régional éolien (SRE).
Dernière tentative de maîtrise en 2011, avec la création d’une rubrique éolienne dans la nomenclature relative aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Toute demande de permis de construire doit désormais s’accompagner d’une étude d’impact sur la santé et l’environnement.
… aux SRE
Mais le rouleau compresseur est déjà en route. Avec la loi Grenelle de 2010, les ZDE sont remplacées par un Schéma régional éolien - SRE (annexe obligatoire du tout aussi obligatoire Schéma régional climat air énergie - SRCAE). Intégrant les objectifs européens déclinés nationalement (et les colossales pressions de la filière aérogénération industrielle à ces échelles), le SRE limousin devra prendre sa part des 700 nouveaux aérogénérateurs qui devront s’implanter en France d’ici fin 2020. Avec la fin des ZDE, le zonage se fait désormais à l’échelle régionale avec une liste de communes définies comme favorables au développement de l’énergie éolienne selon tout un tas de critères (cf. article page 6).
Adopté en avril 2013, le SRE limousin ne verra jamais le jour : l’arrêté préfectoral le concernant est annulé le 17 décembre 2015 par le tribunal administratif de Limoges (annulation confirmée par la cour administrative d’appel de Bordeaux un an plus tard) au motif que le document ne comportait pas d’évaluation environnementale...
Nouvelle offensive en 2015 avec la loi NOTRe. L’organisation territoriale de la République devient, elle aussi, industrielle. Désormais, dans les nouvelles grandes régions, les schémas régionaux sectoriels (dont le SRE fait partie) sont remplacés par - accrochez-vous - un « Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité de territoires », le SRADDET. S’inscrivant dans la marche forcée vers les énergies renouvelables balisée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de Ségolène Royal (17 août 2015) et le programme pluriannuel de l’énergie d’Emmanuel Macron (21 avril 2018) qui veut doubler la puissance installée d’éolien terrestre d’ici 2028, le SRADDET de la Nouvelle-Aquitaine (approuvé par la préfète de région en mars 2019) prévoit, lui, de multiplier par 2,5 la puissance installée dans la grande région.
Mais les opposants sont pugnaces. Trois mois plus tard, le 5 juin 2020, un collectif de 11 associations, en représentant 165, dépose un recours contre le SRADDET devant le tribunal administratif de Bordeaux. Selon lui, il y a une contradiction dans les objectifs du SRADDET : comment passer de 677 à 1 600 (en 2030) puis 2 790 (en 2050) aérogénérateurs industriels tout en voulant sanctuariser les espaces agricoles, réduire l’artificialisation des sols, protéger les forêts et la biodiversité ?
Heureusement, le SRADDET pense encore aux communes et aux habitant·es… notamment comme partenaires financiers dans les projets de centrales d’aérogénération : « La territorialisation des projets et l’implication directe des collectivités locales et des habitants y compris comme partie prenante dans les investissements financiers » (La Nouvelle-Aquitaine en transition. Rapport d’objectifs du SRADDET, décembre 2019, p. 150).
Loïc Bielmann