Grâce à des détecteurs d’ultrasons permettant de transformer leurs signaux sonar en sons audibles et analysables, les spécialistes de la bioacoustique savent reconnaître les espèces et comptabiliser leur activité de chasse, selon une méthode créée en Limousin et diffusée largement en Europe à l’heure actuelle. C’est ainsi que les cortèges d’espèces (notamment celui des spécialistes forestières) et leurs indices d’activité (en nombre de contacts par heure) peuvent être utilement comparés entre différents types de milieux forestiers, afin de juger de leurs qualités écologiques.
Le groupe mammalogique et herpétologique du Limousin a réalisé, en 2011 et 2012, une étude sur les chiroptères dans les forêts limousines. Des sites d’inventaires ont été sélectionnés au sein de sept grandes zones forestières représentatives de la diversité des forêts régionales (monts de Châlus, monts d’Ambazac, monts d’Auriat, région de Pontarion, plateau de Millevaches, massif des Monédières, bassin de la Dordogne) auxquelles s’ajoutent quelques massifs plus isolés, en plaine (Basse-Marche : bois du Ratier et lande de Thiat), sur pentes (gorges de la Grande Creuse) ou reposant sur des substrats géologiques particuliers (gabbros, éclogites) comme la forêt d’Epagne et la forêt de Blanchefort.
Les résultats montrent que la biodiversité des forêts est très fortement dépendante de leurs richesses structurelles et compositionnelles : richesse en strates végétales (herbacées, arbustives, arborées intermédiaires et supérieures) et en essences (mélanges feuillus-résineux). La maturité est également un élément clé. Ainsi, ce sont les futaies irrégulières mélangées avec maintien de semenciers âgés qui donnent les meilleurs résultats.
Cette étude permet de formuler des orientations utiles à prendre par les différents acteurs de l’espace forestier (administrations, collectivités locales et territoriales, conservatoires des espaces naturels, professionnels de la filière bois, propriétaires) désireux de concilier biodiversité et production de bois. Elle conforte les résultats de nombreux travaux démontrant une corrélation positive entre la biodiversité et le degré de naturalité des forêts ; mais elle précise à l’échelle d’une région, ce qui semble être novateur, les interactions entre les chiroptères (richesse spécifique et niveau d’activité) et de nombreux types de peuplements forestiers (structuration, mixité, essences…). Elle apporte aussi des éléments originaux sur des essences exogènes actuellement prisées par les gestionnaires forestiers limousins, à savoir le Douglas et dans une moindre mesure le Chêne rouge.