Dans son n° l, IPNS décrivait le fait associatif sur le plateau de Millevaches, sa richesse et son développement. Deux ans plus tard, la vie associative est-elle en danger de mort ? Olivier Davigo, militant associatif, craint pour l'avenir des associations en voyant les mesures prises par le gouvernement Raffarin. Il le dit haut et fort.
Monsieur le Premier Ministre,
En Juillet 2001 c'était la fête du centenaire des "associations loi 1901".
2003 sera-t-elle l'année de leur avis de décès ?
En effet votre gouvernement supprime aujourd'hui les emplois jeunes, diminue les subventions accordées à la culture ou à la jeunesse, remet en cause le statut des intermittents du spectacle… et compromet ainsi tout un secteur de la vie sociale.
Alors je suis en colère !
Parce que nous avons autre chose à faire qu’à passer notre temps à ramer à contre courrant, à courir après l’argent, à monter des dossiers chaque année, à ne jamais pouvoir être sûrs de conserver les emplois nécessaires au bon fonctionnement de nos associations. Un temps que nous perdons à batailler au lieu de l’utiliser à nos différentes missions. Quel gâchis !
Toutes les décisions que votre gouvernement prend actuellement sont de très graves atteintes au fonctionnement de toutes ces associations qui se sont patiemment construites, parfois depuis un siècle, pour le bien collectif. Combien de jeunes grâce aux "emplois jeunes" ont trouvé une stabilité, en exerçant un réel travail d’utilité sociale ? Combien d’artistes, de techniciens du spectacle seront demain à la rue ?
Aujourd’hui, pour pleinement satisfaire à leurs missions, les associations ne peuvent plus se passer des aides publiques. A l’heure où les règlements et les normes sont devenus obligatoires, le bénévolat seul ne suffit plus. Il faut des animateurs professionnels de VTT, des professeurs de musique diplômés, des régisseurs patentés, des soignants confirmés… Sans aides gouvernementales (emplois jeunes, statuts d’intermittents, subventions diverses) les "services" proposés par les associations seront inaccessibles pour la majorité d’entre nous.
Il faut le retour des emplois jeunes ainsi que leur pérennité (chantier non abouti avec le précédent gouvernement). Il faut que nos associations soient soutenues financièrement et en toute indépendance. Il faut garder aux intermittents du spectacle des conditions de rémunérations appropriées à leurs métiers très spécifiques, qui n’ont rien de scandaleuses, comme on voudrait nous le faire croire.
Il ne s’agit pas de mendicité. Le rôle des associations est INDISPENSABLE au bon fonctionnement de notre société.
Pour que la vie soit la vie, il faut des vraies priorités : le respect et la connaissance (de l’autre, de soi, de son environnement et de son histoire), la justice (sociale, économique), l’engagement, l’effort (acteur de sa vie avec les autres), la responsabilité, la créativité, la solidarité et la compassion. Ces priorités là ne se décrètent pas, elle s’apprennent, se gagnent par un long travail d’éducation, de relations sociales riches, d’expériences, d’inter-relations, de confiance, etc… C’est ce qu'on appelle la culture au sens large, ce qui donne du sens à l’existence, des raisons de vivre et non de survivre.
Couper les vivres aux associations, c’est casser le lien social et finir de déstructurer notre société. Ne pas en faire une priorité gouvernementale, c’est croupir et végéter dans une situation insatisfaisante dans laquelle nous nous embourbons.
Vous pouvez faire voter un budget, mais vous ne pouvez pas à vous seul rendre la vie meilleure, plus sécurisée et plus sécurisante, pour reprendre le thème démagogique à la mode…
Ce travail de fond, cette réflexion sur notre société qui doit nous sortir de l’Homo Economicus, qui les porte, si ce n’est la société civile? Ce grand "machin multiforme" que sont les associations loi 1901, et parmi elles, les associations culturelles, de solidarité, d’éducation populaire, les mouvements de jeunesses, les associations sociales, d’aides aux familles, aux personnes âgées, handicapées ?
Faut-il toutes les citer pour bien se rendre compte de leur incroyable importance ?
Ce travail là, il ne vous appartient pas. Il est le résultat de la conscience du plus grand nombre qui construit, petit à petit, en tâtonnant souvent, en trébuchant parfois, ce fameux lien social, que vous galvaudez si souvent, cette société à chaque fois en devenir. Et il se construit au travers de cette forme collective qu’est l’ASSOCIATION et son bras économique, la COOPERATION.
Les associations ne sont pas les ennemies de l’Etat mais les partenaires respectables et indispensables de toutes les collectivités territoriales. C’est d’elles et du travail en partenariat qu’émergeront les solutions de demain, comme cela s’est patiemment fait dans de nombreux domaines tout au long du siècle dernier.
Votre rôle est, à minima, de ne pas l’empêcher, au maximum de le favoriser. Vous devez donner les moyens aux associations de pleinement accomplir leurs objectifs, sans arrière pensée de rentabilité et profit, mais simplement en veillant au non gaspillage.
Mais tout cela, Monsieur le Premier Ministre, pouvez-vous le comprendre ? Dans ce petit cercle du pouvoir, du parler faux, des courbettes et des croches pieds, de la stratégie tous azimuts, de la cour, des princes, des serviteurs, des profiteurs et des lécheurs, de l’hypocrisie permanente et du mensonge d’Etat, y a-t-il un espace pour la générosité, le don, l’acte gratuit et la sincérité ? Comment pouvez vous comprendre ces lignes ?
Cette colère n’est pas que la mienne. Elle est celle de tous ceux qui depuis longtemps se bougent, au quotidien, pour que la vie soit belle à vivre, et qui en ont assez de voir leurs efforts, leurs enthousiasmes usés par des gouvernants qui s’abritent derrière une légitimité bien mal acquise (80%, on sait …faute du pire).
Nous vivons une époque "pas moderne du tout". Merci de nous le rappeler !
Olivier Davigo
- « Ce coup de gueule, parce que les décisions que ce gouvernement est en train de prendre sont très graves pour notre vie quotidienne. D’autant plus graves, qu’on n'en parle pas ou peu, que ça ne se voit pas, que ça ne se médiatise pas…»