Une vie bien sculptée
Un atelier à Paris dans le XXe arrondissement près du cimetière du Père-Lachaise, une grange aux sculptures Chez Chapelle sur la commune de Rempnat à la limite des 3 départements limousins, Iradj Emami est de ceux qui apprécient la diversité.
Iradj pratique la pluridisciplinarité dans son activité artistique : le dessin, qu'il considère essentiel, la sculpture sur bois, sur pierre ou en bronze font partie du quotidien de cet iranien implanté sur le Plateau de Millevaches.
Iradj expose ses œuvres en France comme à l'étranger. Il participe à des symposiums, propose des stages d'initiation à la sculpture chez lui en Haute-Vienne, à Meymac ou encore au village de Masgot où la taille ancestrale du granite par les maçons de la Creuse est une source d'enrichissement pour cet homme toujours curieux.
L'homme qui voulait faire échouer la grève
Rêvant de l'Italie et de la France, pays des richesses artistiques, en contrepoids à une civilisation, la sienne, où l'image est peu soutenue voire bannie, Iradj décide de quitter Téhéran pour Paris.
Pour sa première venue à Paname, notre homme choisit l'année 1968 et son joli mois de mai. De la capitale iranienne à Istanbul en car, Iradj monte dans l'Orient-Express à destination de l'hexagone. Conséquence de la période, mais cela notre sculpteur l'ignore, le train est bloqué à la frontière, côté helvétique. Seule explication de ses compagnons de voyage : "C'est la grève". Puisque ayant dûment acquitté le montant de son billet l'on arrive forcément à destination, surtout dans un pays rationnel et organisé comme la France, un arrêt de travail ne peut bloquer sine die un train. Iradj s'en remet donc à son dictionnaire (le petit dans le sac qui est coincé sous la valise enfournée dans le filet à bagages au dessus des têtes) et conclut suite à la lecture de la définition du mot "grève" que l'Orient-Express s'est échoué sur un banc de sable… En tout cas, il faudra payer de nouveau pour trouver un bus et atteindre enfin Paris.
De révolution en Révolution (ou l'inverse)
Après quelques années d'études et son diplôme des Beaux-Arts en poche, Iradj retourne en Iran. En 1980, c'est la révolution iranienne, le shah a quitté le pays l'année précédente, Khomeiny est au pouvoir législatif et spirituel. Iradj est aux commandes (sans rien y connaître) de la gestion du cinéma au sein du ministère iranien de la culture. Il règne alors en Iran une omniprésente ambiance de suspicion propre aux périodes troubles. C'est le début de la guerre avec l'Irak. Iradj, sur qui ce climat lourd pèse fortement, décide de revenir en France pour retrouver sa force tranquille ; nous sommes en 1981. Un ami lui parle du village de Nedde qui s'intéresse à la sculpture. Avec sa compagne, ils se rend sur le Plateau de Millevaches pour des vacances, visite une maison, l'achète et s'y installe avec Violette en 1992. Depuis, Iradj partage sa vie entre Paris et le Plateau, un territoire qui ne cesse de le séduire : "J'avais entendu dire que le Limousin était la région la plus pauvre de France, et effectivement il n'y a pas, par exemple, de grandes entreprises. J'apprécie le calme. Le Plateau, lieu de résistance antifasciste, avec son monument pacifiste à Gentioux possède des facettes qui me séduisent".
Rémy Cholat