En 2001 en France, 646 000 tonnes d’Azote (à 71% sous forme de nitrates) et 48 300 tonnes de Phosphore sont partis en mer. De plus, les stocks retenus dans nos eaux souterraines sont inquiétants : de nombreux captages d’eau potable en France dépassent maintenant le seuil fatidique de 50 mg de nitrates par litre d’eau . Bien sûr l’agriculture intensive est sur le banc des accusés et même si elle n’est pas la seule source de pollution, elle en est la principale responsable .
Pourquoi ces mauvais résultats alors qu’on nous répond toujours que les normes sont respectées ? Pour protéger le formidable complexe agroalimentaire français, personne n’a eu le courage politique de faire évoluer les normes et les modes de calcul concernant ce type d’agriculture.
Alors que la plupart des grands pays agricoles : USA, Canada, Pays Bas, Allemagne, Danemark, eux aussi soumis à des problèmes de pollutions d’origines agricoles, ont baissé leurs normes et donc les autorisations d’exploiter, les pouvoirs publics français ont souvent reculé devant les responsables agricoles.
Avec un total d’émissions de nitrates en 1999 proche du double du tonnage estimé pour 1985 (environ 200 000 tonnes), la France ne respecte pas les engagements de la Convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est . Cette convention engage les quinze pays communautaires à réduire de 50% les flux de 1985 . Les rejets de nitrates et de phosphates contribuent en effet à l’eutrophisation du milieu marin côtier, c’est à dire à la prolifération d’algues et à l’appauvrissement en Oxygène des eaux profondes. Ce phénomène est particulièrement visible sur les côtes bretonnes, mais il existe sur toutes les zones littorales françaises.
Encore une fois, ce sont les règlements européens qui vont peut être faire évoluer les choses…
En 1991 est publiée la directive nitrates dans la CEE. Transposée en droit français en 1996, cette directive s’est fixée pour objectif de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Le premier programme s’est achevé en 2000 sur un bilan très moyen . Pire, dans certaines régions, le nombre de points d’eau contenant une teneur en nitrates supérieure à la norme (50 mg / litre) a augmenté. C’est pourquoi le deuxième programme, démarré courant 2001, se veut plus drastique.
De nombreuses mesures et obligations ont été prises : tenue obligatoire d’un cahier d’épandage pour tous, plan de fumure obligatoire, présence de bandes enherbées en bordure de cours d’eau pour les zones de grandes cultures, etc. Concernant l’élevage, la mesure la plus intéressante est sans doute la révision à la hausse de la production d’Azote par animal. Ainsi avant décembre 2001, les différents projets d’implantation de porcheries que nous avons pu voir localement établissaient leurs plans d’épandage à partir de 2,7 kg d’Azote produite par porc à l’engrais. A partir du 27 décembre 2001, la circulaire française fixe à 9,75 kg/ porc/ an le rejet azoté. On approche enfin de la vérité ! La méthode des bilans minéraux, la plus précise actuellement, donne des chiffres supérieurs : autour de 25 kg d’Azote/ porc/ an.
Cette augmentation de 276% de l’Azote émise va bouleverser les plans d’épandage et devrait à terme réduire la taille de certains ateliers.
Pour arriver à diminuer les migrations de nitrates, il faudra aussi changer la norme d’épandage actuelle : 170 kg d’Azote organique par hectare et par an sur prairies et 210 kg d’Azote organique par hectare et par an sur cultures. L’ Azote organique provient des fumiers, lisiers et composts. L’Azote minérale fournit par les engrais de synthèse n’est soumise, pour l’instant, à aucune règle d’épandage réglementaire.
Ces normes sont applicables sur tout le territoire français et sont trop élevées, en particulier sur le Plateau de Millevaches, une région froide avec une période de végétation courte et des sols très filtrants.
Cependant, l’évolution de la législation, la mise en place des contrôles et la prise de conscience d’une partie de la profession agricole peuvent nous faire espérer une amélioration de la situation, au moins dans les régions où la situation est la plus dégradée.
Thierry Letellier, éleveur
- Fosse facture
Le prix du porc s’écroule
La porcherie pépère de papa perd
Celle, industrielle, moins belle prospère
L’eau pure pue
Les écolos lèvent les pancartes
Le vent d’autan les emportent
Les subventions tombent
Exactement.
René Bourdet
- Les porcs ou millevaches : il faut choisir
Sous ce titre est paru dans LE MONDE du 12 septembre 2002, une tribune de Françoise Meltzer, originaire de Gioux.
“J’habite plus de trois mois en Creuse, dans le village de ma mère, chaque année. Le reste du temps, j’enseigne aux Etats-Unis. Je sais assez bien ce qui a été détruit là-bas - exactement ce qu’on veut détruire bientôt ici : les paysans, les produits de la terre et finalement la terre elle-même. L’exemple de ce qu’il ne faut pas faire, je l’ai sous les yeux dans les plaines américaines. Comme le faisait remarquer l’International Hérald Tribune dernièrement (31 août-1er septembre), les fermes-usines sont maintenant la méthode dominante aux USA pour élever la viande, grâce à “l’agribusiness” qui aime le profit qui en résulte.
Ces usines à viande existent dans 44 des 50 Etats. La question, se lamente le Hérald Tribune, est : “comment minimiser les effets nocifs sur l’environnement et empêcher ces usines d’étouffer les petits fermiers, surtout ceux qui élèvent les animaux d’une manière plus traditionnelle en plein air ?”.
Les Etats-Unis se réveillent tard. Restons, nous, Français, éveillés. Il est insensé de s’imaginer que l’élevage industriel (de bovins, de poulets ou de porcs) soit une avancée et un progrès économique. C’est une régression (...).
Il a fallu sept ans pour polluer les sources en Bretagne ; on peut espérer y parvenir en quatre ans sur le Plateau”.