Alors voilà, bonne nouvelle, que le syndicat mixte de Millevaches nous annonce l’an dernier que les choses avancent et qu’enfin on touche au but !
En septembre 2001, la fête de Millevaches claironnait : “Plein cap sur le PNR”. Dans les jours qui suivaient la presse locale reprenait en chœur et sans se poser de questions le discours optimiste du syndicat mixte.
A la suite du comité syndical du 10 janvier 2002 la même euphorie était de mise : on annonçait que la nouvelle charte du PNR serait présentée en juin et qu’on allait embaucher un chargé de mission pour la revoir.
Malheureusement la réalité n’est pas aussi rose. Si IPNS peut avoir quelque utilité, c’est, qu’en des occasions comme celle-ci, il puisse la rétablir un peu, Essayons donc.
Il y a deux ans, en février 2000, le projet de PNR était (encore et déjà !) bloqué. Au sein du syndicat mixte on n’arrivait pas à se mettre d’accord sur le texte de la charte que les uns souhaitaient surtout environnementale, que d’autres voulaient aussi économique. L’enjeu tournait beaucoup autour des projets de “pays” qui s’élaboraient alors, suite à la loi Voynet de 1999. Les défenseurs des “pays” (au premier rang desquels les départements de la Haute-Vienne et de la Corrèze) proposaient une série de “pays” chargés du développement économique dont ils auraient la maîtrise. Dans leur idée, le parc - au sein duquel le pouvoir serait forcément partagé puisqu’il est interdépartemental et que la Région y serait dominante - devait donc se concentrer sur des missions exclusivement environnementales.
C’est le moment où s’exprima un certain ras le bol face à la paralysie du projet. D’une part une pétition émanant de la “société civile” appelait à un positionnement clair et rapide des élus sur le parc. D’autre part une motion proposée par des élus corréziens réclamait le déblocage de la situation. La motion en question mise au vote lors du comité syndical du Syndicat mixte le 10 février 2000 était approuvée à la quasi unanimité. On pouvait croire qu’enfin les choses avanceraient.
Et de fait, cinq mois plus tard, le 12 juillet 2000, le même comité syndical adoptait enfin le projet de charte du PNR de Millevaches en Limousin. Victoire ? Apparemment oui : la situation était débloquée ; on s’était mis d’accord sur le texte qui serait soumis pour avis au Ministère de l’Environnement ; on n’avait jamais été aussi près d’aboutir !
Si l’on compare la charte adoptée en juillet 2000 (6ème version du projet) à celle sur laquelle cinq mois plus tôt le projet butait (5ème version), on ne voit pas trop, dans son contenu, ce qui a pu débloquer les choses. Entre les deux versions guère de différences, à l’exception d’un petit article inexistant dans la 5ème version et nouveau dans la 6ème qui précise que les communes du parc qui le souhaiteront pourront également s’associer à un “pays”. A part ça, la charte qui restait très timide sur le volet économique et assez vague sur beaucoup d’autres points, présentait toujours les mêmes défauts aux yeux de ceux qui espéraient un “projet fort” pour le parc. Au syndicat mixte même, on s’accorde aujourd’hui à la juger incomplète et inaboutie. Du coup ce qui devait arriver arriva.
Envoyée en octobre 2000 au Ministère de l’environnement la charte a été étudiée par l’organisme chargé de donner un avis au Ministre : le Conseil National de la Protection de la nature (CNPN). Lors de sa séance du 13 novembre 2000 celui-ci pointait ses insuffisances : “Compte tenu de l’état actuel du projet de charte, il semble qu’un travail complémentaire reste à faire pour affiner la rédaction du texte, clarifier le rôle de chacun des partenaires dans le dispositif et améliorer de manière significative les engagements des collectivités et divers organismes du périmètre d’étude”.
Les critiques du Ministère ne sont pas, loin de là, des critiques de détail. On peut les résumer ainsi :
Ce courrier est parvenu au Syndicat mixte le 30 janvier 2001. Il a été transmis aux maires du plateau le 20 février 2001 – il y a plus d’un an ! Or du côté du syndicat, mis à part un discours volontariste à destination du grand public, on n’a pas vu d’éléments concrets venir appuyer l’optimisme affiché. On proclame fièrement “Plein cap sur le PNR” comme si on “oubliait ” qu’on vient de se faire tirer l’oreille et qu’on doit revoir sa copie… Quant au chargé de mission qui doit reécrire la charte il n’était toujours pas embauché début avril… alors que le Conseil Régional avait proposé une aide technique en février pour faire ce travail.
Au syndicat on reconnaît un déficit de communication auquel il est prévu de remédier avec la création d’un nouveau journal qui sera distribué dans toutes les boîtes aux lettres du plateau. Mais surtout on se défend avec vigueur : “On ne cesse de travailler à la révision de la charte depuis l’avis du ministère. Les choses avancent mais on ne peut pas présenter un travail qui n’est pas encore terminé” indique la directrice du syndicat, Fabienne Dubosclard, en s’appuyant sur le travail réalisé au sein des commissions du Conseil de valorisation.
Son président, Christian Audouin fait montre lui aussi d’un agacement certain devant les gens qui critiquent l’attentisme et la passivité du syndicat. Il considère que le parc est en bonne voie. A ses yeux deux éléments jouent dans le bon sens. D’une part l’opposition parc/pays n’est plus d’actualité puisque le décret d’application de la loi sur les pays autorise la superposition d’un parc avec des pays – scénario qui lui paraît le plus réaliste pour le Millevaches. D’autre part il y a, dit-il une “véritable volonté d’aboutir de la part des acteurs”. Et de terminer sur un appel pressant au mouvement associatif pour soutenir le projet et apporter ses idées à la construction de la charte.
En se donnant une échéance courte (juin 2002), Christian Audouin joue serré. Il sait qu’il a trois mois pour prouver la volonté politique du syndicat de voir aboutir un projet qui tienne la route et qui réponde clairement aux questions de fond posées par la lettre du ministère. Il sait aussi qu’un énième report serait désastreux… s’il n’est pas déjà trop tard. Car ses paroles, aussi sincères soient-elles, ne suffisent évidemment pas à convaincre tous ceux, et ils sont nombreux, qui croient de moins en moins au parc. Le scepticisme gagne chaque jour du terrain. Certains élus se montrent très critiques ou désabusés. Comme l’un d’eux le dit par boutade : “Le parc ? Tu le verras en 2049 ! ”.