7 mai 1956. Un camion militaire qui faisait parti d’un convoi de jeunes rappelés, en partance pour l’Algérie, s’arrête à La Villedieu, en Creuse. Les jeunes militaires manifestent leur opposition à la guerre coloniale. La population du village les soutient. D’autres habitants des communes environnantes se joignent à la manifestation pacifiste. Le lendemain matin, à l’aube, les gendarmes et CRS investissent le bourg de La Villedieu. Des villageois s’opposent au départ des jeunes militaires, ils sont matraqués.
A la suite de ces incidents, René Romanet, le maire communiste de La Villedieu, ancien résistant, sera condamné à trois ans de prison avec sursis et cinq ans de privation de ses droits civiques. Il sera révoqué de son mandat de maire par le Préfet en 1958. Gaston Fanton, instituteur à Faux la Montagne, ancien résistant, communiste lui aussi, sera condamné à la même peine après être resté emprisonné huit mois au fort du Hâ, à Bordeaux. Il sera également privé du droit d’exercer sa profession d’instituteur pendant cinq ans. Antoine Meunier, infirme de la guerre de 39-45, sera condamné à un an de prison avec sursis et un an de privation de ses droits civiques. Malgré le soutien populaire, la mobilisation de nombreux élus, ils furent jugés et condamnés par le tribunal militaire de Bordeaux.
Quarante ans ont passé. Aujourd’hui, nous sommes nombreux à La-Villedieu, comme dans la France entière, à penser que tous ces gens qui ont été condamnés parce qu’ils avaient choisi la non-violence, la fraternité et la justice, plutôt que la répression et la guerre, doivent obtenir réparation. C’est pourquoi l’association « Mémoire à vif » est née en octobre 2001 à La Villedieu. Suite au travail d’une classe du lycée Marcel Pagnol de Limoges qui s’est penchée sur l’histoire de ces évènements, de nombreuses personnes ont voulu continuer le travail de mémoire retrouvée. L’association existe pour défendre la mémoire de tous ceux qui ont été victimes des guerres coloniales et pour transmettre, aux jeunes en particulier, à partir de ces moments douloureux de notre histoire, les valeurs essentielles de paix et de tolérance. Nous pensons que le regard et l’analyse de l’histoire sont un acte civique, qu’il faut apprendre à connaître notre passé pour construire un présent et un avenir plus justes et plus tolérants. C’est un moyen indispensable pour combattre les préjugés et les idées reçues, pour s’ouvrir sur le monde en citoyen responsable.
Aujourd’hui, “Mémoire à vif” compte une centaine d’adhérents dans la France entière. Sa présidente d’honneur, Simone de Bollardière, et les adhérents font circuler et signer un manifeste pour la réhabilitation de René Romanet, Gaston Fanton et Antoine Meunier. 1500 signatures sont déjà recueillies et vont prochainement être transmises au sommet de l’Etat. Si à une époque, la République Française s’est lourdement trompée dans ses choix politiques, dans ses actes, elle se doit aujourd’hui de le reconnaître.
Thierry Letellier
Photos : Michel Guégen
- L’association “Mémoire à vif” continuera son travail d’information et de débat les 7, 8 et 9 mai 2002 à Limoges et à La Villedieu, avec des projections de films, des rencontres et des discussions autour du thème : “Le 17 octobre 1961, le massacre des manifestants algériens à Paris”.
Pour plus de renseignements et pour signer le “Manifeste pour la réhabilitation de Romanet, Fanton et Meunier” : Thierry Letellier, 23 340 La Villedieu, tel. 05 55 67 93 32.
Pour en savoir plus, voir le film “Guerre et baillon” réalisé par des jeunes du Lycée Marcel Pagnol de Limoges et diffusé par Télé Millevaches dans le numéro 82 du Magazine du Plateau.
On peut lire aussi les mémoires de René Romanet : “Mémoires d’un prolétaire”.