IPNS vous propose l’interview réalisée le jour du vernissage de l’exposition au Centre d’Art par Marie Wattine de Radio Vassivière.
Marie Wattine - Josef Koudelka, une partie de vos photographies est exposée au Centre d’Art Contemporain de Vassivière ; est-ce que vous étiez déjà venu dans la région ?
Josef Koudelka - Oui je suis venu une fois parce qu'on me proposait une exposition, je suis venu voir l’endroit, c’est ma règle, je vois où je vais exposer.
Marie Wattine - Et comment trouvez-vous la région ?
Josef Koudelka - Je pense que c’est très beau, Je suis déjà venu à peu près à la même période que maintenant ; ce n’était pas l’été ; il y avait du brouillard, il neigeait, c’était très beau, pour moi c’était beau ! (rires). L’exposition s’appelle “Triangle Noir”. Triangle, parce que c’est la région de 3 frontières - Allemagne, République Tchèque, Pologne - Noir, parce que c’était une zone de mines de charbon. Dans l’exposition, c’est la partie Tchèque qui est présentée.
Marie Wattine - Il n’y a pas un seul personnage sur ces photographies ?
Josef Koudelka - Si, il y en a un (rires), un personnage sur une machine ; peut-être allez vous le voir ! En principe c’est la machine qui travaille et du coup on ne voit pas grand monde dans cette région.
Marie Wattine - Ca offre un spectacle à la fois superbe mais extrêmement désolé, qui nous culpabilise d’être des hommes !
Josef Koudelka - Vous savez moi je suis photographe, je photographie ce que je vois. Si c’est votre impression c’est aussi la mienne.
Marie Wattine - On s’interroge ; on se pose des questions et ça fait réfléchir beaucoup.
Josef Koudelka - Je pense que c’est un peu l’objectif. Le Centre a décidé de présenter cette exposition ici parce que c’est quelque chose qui n’est pas spécifique à la République Tchèque et je pense qu’à différents niveaux cela concerne tout le monde.
Marie Wattine - Chaque photographie est accompagnée d’un texte avec beaucoup de chiffres, de pourcentage et ça aussi c’est quelque chose qui porte encore plus à la réflexion.
Josef Koudelka - Je ne pense pas qu’il y ait trop de chiffres. Pour cette exposition, j’ai fait une exception. Il y a un livre qui est exposé, qui a été fait en République Tchèque il y a environ 8 ans. Je travaillais dans cette région et j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit “écoute il y a toujours des journalistes qui arrivent ici et qui posent toujours les mêmes questions”. Je lui ai demandé d’écrire les questions et les réponses que j’ai utilisées à côté des photos. Ces réponses ajoutent quelque chose à la photo et je suis content de montrer ce livre lors de l’exposition car j’ai cru comprendre que des écoles viendraient ici et la dimension pédagogique pour l’écologie est importante.
Marie Wattine - On peut dire que ça ne se termine pas . Il y a la grande question : “et après ?”. On a pourtant l’impression d’être déjà dans l’après. On n’ose pas penser à pire que ça.
Josef Koudelka - Vous savez je ne pense pas que cette région puisse être pire, elle a beaucoup de problèmes. Un problème amène un autre problème. Les gens travaillent dans la mine mais si vous fermez la mine les gens n’ont plus de travail : ça c’est un problème ! Mais peut être qu’il y a un équilibre à trouver ! Je crois qu’une chose a quand même changé : les usines qui produisent de l’électricité sont mieux équipées et polluent moins qu’avant.
Marie Wattine - Est-ce que vous même vous avez l’optimisme du “et après ?”.
Josef Koudelka - Vous savez je suis passée dans cette région, j’ai marché partout pendant 4 ans ; je pense qu’à propos de l’homme et de la nature malgré les destructions qui ont toujours eu lieu, je reste optimiste. Vous ne pouvez pas détruire la nature, elle reste beaucoup plus forte que l’homme.
Marie Wattine - Alors justement avec “et après” on peut se dire : et après si l’homme n’y met plus sa main, la nature reprendra le dessus et cela pourrait faire une terre qui ne soit pas hermétique.
Josef Koudelka - Vous savez comme je vous l’ai dit vous ne pouvez pas détruire la nature. Bien sûr vous pouvez peut-être construire de nouveaux paysages mais il faut le faire avec un sentiment de ne pas détruire de nouveau ce qui a été commencé. Par exemple, vous laissez un paysage détruit pendant 20 ans, la nature le reprend. Vous pouvez de nouveau envoyer la machine et de nouveau tout détruire, tout planifier et faire un paysage complètement inintéressant. Mais au contraire, si vous connaissez ce paysage, si vous marchez assez pour le connaitre, vous pouvez alors créer un nouveau paysage autour du paysage détruit, et ça c’est une chose intéressante. Si on prend par exemple une carrière : une carrière est toujours une destruction de paysage, mais peut-être vous souvenez-vous qu’enfant vous vous êtes baignés dans des paysages de carrière et du coup une carrière qui n’est plus exploitée devient quelque chose d’assez beau ! Il faut voir ce que l’homme va faire de ce paysage.
Marie Wattine - Et puis aussi avec quel œil on regarde et le vôtre est vraiment très affûté.
Josef Koudelka - Je crois que le seul paysage valable est le paysage esthétiquement réel.
Marie Wattine - Est-ce que vous pensez que l’homme a cela de plus au début du 21ème siècle, de penser d’avantage au siècle d’après et pas à ce qu’il a fait jusque là ?
Josef Koudelka - Je ne peux pas vous répondre, ça je ne sais pas.
Marie Wattine - Mais avec votre travail vous apportez une réflexion.
Josef Koudelka - Je voudrais bien (rires).