Ah ! Ces communes dépensières qui ne savent pas gérer et qui augmentent sans cesse les impôts ! Regardez ce qui se passe à Faux-la-Montagne que les Contribuables Associés dotent d’un piteux 2/20 dans leur Argus des communes... Décryptage d’un Argus en réalité purement idéologique.
Connaissez vous les Contribuables Associés ? Non ? Bon, d’accord, vous ne perdez rien. Mais c’est toujours intéressant d’aller voir la prose que produisent ces tenants de la défense à tout prix du contribuable. Pour donner une idée de leur positionnement, un de leurs slogans est : « l’État arrose les banlieues, nous récoltons les impôts » avec comme explication de texte : « Territoires perdus. Plutôt que de restaurer l’ordre, l’État a préféré laisser la racaille et les trafiquants prendre le contrôle de cités où les forces de l’ordre ne vont plus. Pour laisser le pouvoir aux islamistes demain ? »
Un Argus des communes
Au-delà de ce positionnement bien caricatural, cette organisation a décidé de se lancer dans la notation des communes en mettant en ligne un Argus des communes. Quand on le dit comme cela, un Argus des communes, ça paraît sérieux et leur présentation revendique une objectivité totale puisque, comme ils le précisent « les données sources sont publiques, obtenues à partir du site fournissant des détails des comptes administratifs des communes. Ce site est publié par les services de la Direction générale des collectivités locales et du ministère de l’Économie et des Finances. » Donc à priori pas de manipulation possible, n’est-ce pas ? Et l’objectif de réduction des dépenses publiques que poursuit cette organisation doit résonner de manière très positive dans le cœur de toutes celles et ceux qui s’entendent répéter à longueur de média que les collectivités publiques dépensent trop et que nous payons trop d’impôts. Comme ils le disent sur leur site : « L’Argus des communes est un outil d’information des citoyens sur les performances de gestion de la commune où il vit [sic]. Fidèle à l’objectif privilégié des Contribuables Associés, réduire autant que possible les dépenses publiques pour réduire les impôts, les informations clés de l’Argus sont une note de dépense de la commune. Cette année s’ajoutent des informations sur la fiscalité de l’ensemble commune plus groupement de communes, une première évaluation qui a vocation à être développée dans le futur, compte-tenu du poids des groupements de communes. »
Vilains canards et belles colombes
Voilà, voilà. Donc dépenser c’est pas bien, économiser c’est bien, et les communes qui ont beaucoup de dépenses par habitant sont des vilains canards contrairement à celles vertueuses et économes qui dépensent le moins possible et qui sont de belles colombes. Du coup, on est allé jeter un coup d’œil sur la note de notre commune de Faux-la-Montagne, histoire de voir si on était bon ou mauvais. Aïe, non seulement on est mauvais mais on est même très mauvais : avec une note de 2/20 on se retrouve dans le peloton des 10 % des communes les moins bien gérées ! Honte sur nous ! J’en connais quelques-un-e-s qui diront « Vous voyez bien, c’est une bande d’incapables ». Et c’est bien vrai que nos dépenses de fonctionnement prises en compte (ce sont celles de l’année 2019) se montent à 561 000 € soit 1 339 € par habitant, soit plus du double de la dépense moyenne par habitants de notre strate (les communes équivalentes en population) qui est de 635 euros.
Nos Contribuables Associés ne se posent pas la question de ce qu’est une bonne gestion municipale, mais restent définitivement accrochés à leur leitmotiv : « Toute dépense publique est foncièrement mauvaise »
Bon, déjà on pourrait dire OK, il y a des dépenses (sans même se poser la question de ce à quoi elles servent, ce qui est un autre débat), mais il y a aussi des recettes. Alors voyons un peu quand on rapproche les deux ce qui passe. Tiens, là on constate que nous avons un résultat comptable recettes - dépenses de + 101 000 €, soit 241 € par habitant à rapprocher du résultat moyen par habitant pour une commune de notre strate qui est de ... 156 € par habitant. Mais alors du point de vue strictement comptable on serait pas si mauvais, on serait même plutôt très bon ? Oui, oui, me dira le contribuable associé de service, mais si vous avez des recettes importantes c’est parce que vous pompez le pauvre contribuable. Allez, on va plaider coupable sur le seul impôt local sur lequel on a encore notre mot à dire : le foncier bâti. C’est une partie de l’impôt local que paient les propriétaires habitants. C’est vrai que nous avons un taux de 17,36 % alors que la moyenne de la strate est à 13,65 %. Mais quand on calcule la part des impôts locaux par rapport au montant total des ressources de la commune et qu’on le compare à notre strate on s’aperçoit qu’on est là encore bien meilleur puisque nous en sommes à 27 % alors que la part des impôts locaux dans les recettes pour la moyenne de la strate dépasse les 35 %.
Dette
Enfin, dernier critère pris en compte par nos adorables Contribuables Associés, celui de la dette de la commune. Rappelons d’abord que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, une collectivité locale ne peut pas s’endetter pour financer son fonctionnement ; ça, il n’y a que l’État qui peut le faire. L’endettement de la commune sera donc toujours lié au financement de ses investissements (sauf quand il y a eu des manipulations dans les présentations comptables, mais c’est une autre question). Par ailleurs elle doit dégager annuellement assez d’excédent de son fonctionnement pour pouvoir rembourser l’annuité de capital des emprunts déjà effectués les années précédentes (dit autrement, une commune ne peut pas emprunter pour rembourser des emprunts déjà contractés).
Alors que disent nos Contribuables associés ? Tiens ?! Ils constatent que notre dette a baissé puisqu’elle est passée de 1 006 000 € en 2014 à 865 000 € en 2019. Pourtant ils ne nous en félicitent même pas ! Et ils n’en tiennent pas compte dans leur note qui, rappelons-le, ne prend en compte que les dépenses de fonctionnement. Peu importe d’ailleurs, on voit bien que leur manière d’analyser les chiffres est particulièrement biaisée et partisane. Aveuglés par leur idéologie ultra-libérale, ils ne se posent aucune question sur ce qu’est une bonne gestion municipale, mais restent définitivement accrochés à leur leitmotiv, comme une bernacle accrochée à son rocher ou un journaliste économique à sa chronique journalière dans un média : « Toute dépense publique est foncièrement mauvaise ».
Alain Détolle, conseiller municipal de Faux-la-Montagne
- « Dépense » ou « Investissement » ?
Quand une commune comme Faux-la-Montagne développe un service d’accueil de « touristes », ce n’est pas pour en retirer directement des dividendes. L’accueil dans nos gîtes communaux et dans le camping municipal sert d’une part à soutenir l’activité économique des acteurs privés lucratifs ou non lucratifs locaux (bar-restaurant, biscuiterie, épicerie, boulangerie, pharmacie, etc.) mais aussi à consolider et développer un « bien vivre » sur notre territoire en permettant que les activités culturelles qui s’y développent puissent trouver un public plus large et que les personnes qui passent par Faux aient envie d’y revenir et même de s’y installer. Quand la commune reprend la gestion de la station-service que la communauté de communes ne voulait plus gérer parce que les sous-traitants privés n’y trouvaient plus leur compte, ce n’est évidemment pas pour produire des excédents mais bien pour assurer un service de proximité pour l’ensemble des habitants et conforter les activités économiques locales. Même remarque pour l’agence postale dont la commune a pris la gestion alors que La Poste estimait que ce service n’était plus « rentable ». On peut d’ailleurs examiner l’ensemble des services que prend en charge la commune de ce point de vue : ils s’inscrivent dans le cadre d’un développement de l’intérêt général.
Bien entendu, cela ne se fait pas n’importe comment. Leur gestion est encadrée par la règlementation publique qui, en théorie, évite que les collectivités fassent n’importe quoi (règle de l’interdiction des déséquilibres des comptes de gestion). Il y va aussi de notre développement à long terme : si nous ne sommes pas capables de gérer de manière équilibrée l’ensemble de ces services, le développement humain de notre commune serait mis en péril. Alors, que veut dire le mot « dépense » dans ce contexte ? On peut, de manière légitime, préférer ici le mot « investissement » dans la mesure où toutes ces activités servent à la fois à procurer un service immédiat tout en confortant l’avenir. On est loin de l’idée de dépense telle que la propose une économie libérale qui n’y voit qu’une diminution de ses profits immédiats.