Mauricette Thiébaut nous a quittés le 30 mars 2021 emportée par un cancer implacable, haïssable. Elle avait 71 ans. Des amis témoignent de son parcours et de ses engagements.
Mauricette était une femme exceptionnelle, intelligente, déterminée, puissante. Menant un travail sur le traumatisme de sa jeunesse, elle s’est pourtant ouverte aux autres, leur apportant un soutien considérable ; elle était capable d’un attachement indéfectible poussé jusqu’à la limite du possible.
Avec les migrants d’Eymoutiers
Originaire des Vosges, les épisodes de sa vie et sa profession d’enseignante l’ont conduite à Paris puis à Bordeaux. De retour à Paris, pendant quatorze ans, elle enseigna le FLE (Français langue étrangère) pour des jeunes migrants. À la retraite, dans cette période heureuse de sa vie, elle vient vivre à Limoges avec son mari. Le hasard lui fit acquérir une maison sur le Plateau, en Creuse, à Lavaud sur la commune de la Nouaille, où elle venait le plus souvent possible avec un plaisir extrême. Cette maison était le lieu où elle réunissait son petit monde, son fils et ses nombreux petits-enfants.
Elle se rapprocha des personnes du Centre d’accueil de demandeurs d’asile d’Eymoutiers. Avec elles, elle poursuivit son travail d’enseignante. Ce fut le cas pour celles qui sont devenues ses amies albanaises. Elle leur apprenait la langue française avec un plaisir tel qu’elle s’engagea à accueillir leurs enfants en cours d’études dans son appartement de Limoges. Elle les accompagnait également dans la rédaction de leurs dossiers de demande de titre de séjour. Partout où elle pouvait, souvent sur la route, elle apporta auprès d’hommes et de femmes une aide efficace et attentive.
Son militantisme auprès des migrants est à l’origine des liens qui nous unissaient. Une amitié forte en découla au-delà des idéaux communs de solidarité et d’engagement. Avec les personnes que nous défendions, nous constituions une sorte de famille sans frontière avec qui nous avons partagé des fêtes pour l’obtention de cartes de séjour, pour des anniversaires ou les fêtes de fin d’année, des moments joyeux l’été au lac de Vassivière. La plupart aujourd’hui, après des années d’attente angoissée et d’endurance, sont régularisés et ont un emploi et un logement à Limoges.
La mémoire des camps
Mauricette allait toujours jusqu’au bout de ce qu’elle entreprenait. C’est ainsi que sur la trace de son jeune oncle Maurice, responsable résistant mort six mois après sa libération du camp d’Ebensee en Autriche, elle fit la connaissance d’Henri Ledroit, rescapé du camp de Mauthausen. Celui-ci consacrait ses dernières années à témoigner auprès des jeunes collégiens et lycéens. Souvent les forces lui manquaient et Mauricette, partageant ses larmes, lui tenait la main pour l’accompagner dans cette difficile mission. Avec la même opiniâtreté, elle l’aida à rédiger son livre de mémoire La graisse pas les os (ce livre est disponible auprès de l’Amicale de Mauthausen dont le président a écrit : « Mauricette a toujours suscité mon admiration et, oui peut-être, mon incrédulité, tant elle empruntait des chemins improbables, avec une incroyable assurance … elle m’apparaissait stupéfiante … »).
Des amitiés, Mauricette en a eu beaucoup, tout au long de sa vie qu’elle a consacrée aux autres. Son courage, sa force, ses ressources, son empathie ont créé autour d’elle de nombreux liens. Mère attentionnée, dans toutes les étapes de sa vie, elle a été proche de son fils et, au fur et à mesure, de ses petits-enfants. L’éclat de son regard, son sourire bienveillant, son goût pour la vie témoignent de son rayonnement. La maladie l’avait considérablement affaiblie mais la pertinence de ses propos et son humour étaient intacts. Nous qui avons eu la chance de bien la connaître, nous pouvons lui reconnaître le qualificatif de « juste ».
Via Sanchez et Jean-Paul Delanaud