Aussi étrange que cela puisse paraître, un certain nombre de personnes interpellent et tentent de discuter avec le député Moreau sur Twitter. Ce que ce dernier fait bien volontiers. Pourquoi ? Parce que la discussion, c’est la démocratie, et que comme il est député, la démocratie ça le connaît.
Le débat oui ! L’invective non ! Prenons donc exemple sur le député pour mener un bon débat démocratique. Commençons par son sujet de prédilection : l’agriculture française. Sur son compte, le député se présente comme « paysan-député ». Il poste des photos des paysages creusois et de son troupeau. Il est en effet éleveur de bovins, et il était avant son élection, président de la Celmar, la coopérative du nord de la Creuse qui commercialise 40 000 bovins et 20 000 moutons chaque année. L’agriculture, c’est donc sa spécialité, et il réagit très vite sur le sujet. Ainsi, le 22 juin dernier, les médias relaient une étude du CNRS qui estime que « le bio pourrait nourrir toute l’Europe à condition de diminuer la consommation de viande ». Réactions, tout en mesure.
A quelqu’un qui, en commentaire, soutient les conclusions du rapport du CNRS, le député répond: « Non c’est scientifiquement inexact tel quel désolé. Même si votre dogme le dit. ». Il précise ailleurs sa pensée sur le sujet: « Je conçois parfaitement qu’on ne souhaite pas manger de viande, mais ce qui me pose problème, ce sont les campagnes véganes qui dénigrent pour étendre un mode de vie. Je ne vois pas en quoi ils l’imposeraient aux autres, je n’impose pas moi-même aux autres de manger de la viande ». Le CNRS, infiltré par des végétariens totalitaristes, participerait-il à une vaste campagne de déstabilisation de la consommation de viande en France, campagne qui serait financée par l’étranger? Le député ne le dit pas mais certains tweets sèment le doute : « Oui je préfère défendre les emplois dans notre pays plutôt que de prêter main forte à des multinationales étrangères pour déstabiliser notre modèle agricole par le biais de campagnes anti viande ». Les détails sur cette opération des multinationales sont probablement classés « secret défense » car il n’en dit pas plus.
Tout comme les chercheurs du CNRS, ceux qui ne partagent pas les convictions du député sur l’agriculture française ont tous l’étrange point commun de ne rien comprendre à l’agriculture. Souvent c’est parce qu’ils sont enfermés dans ce que le député appelle des « dogmes » (bios, végétarien, ou végan). A un de ses collègues, éleveur lui aussi, mais bio, il explique : « vous racontez n’importe quoi ce qui prouve que vous ne connaissez absolument rien à l’agriculture ». À quelqu’un qui se lance sur les algues vertes en Bretagne et qui lui conseille de lire les rapports de l’INRA sur le sujet, il répond, curieux: « pas la peine, j’y lirai que vous racontez n’importe quoi ». A quelqu’un qui commente un article sur les maladies professionnelles des agriculteurs liées à l’exposition aux pesticides, il répond catégorique: « article partisan qui n’a rien de scientifique ». Et même à un collègue député (Les Républicains et avocat de profession) qui l’accuse d’être influencé par les lobbys agroalimentaires :
Le député s’empare aussi d’autres sujets d’actualité comme la vaccination ou le pass sanitaire, faisant valoir en toute modestie qu’il est « juste ingénieur agronome …. » et qu’il a donc fait « juste des études poussées en sciences naturelles et biologie et notamment bio maths sup et bio maths spé ». Aussi, il avoue sa « stupéfaction devant tant d’ignorance scientifique face aux vaccins ARNm ». Et il est tout aussi stupéfait par le niveau d’orthographe de ceux qui s’adressent à lui. Il n’hésite pas à rabrouer sèchement ceux qui abandonnent un participe passé raté. Les fautes d’orthographe l’énervent tellement qu’il peut même laisser échapper lui-même une coquille par ci, par là.
Même intransigeance sur l’usage de certains mots. Par exemple, hors de question de discuter avec des gens qui se permettent de parler du « peuple » ou « des Creusois ». Le député ne laisse rien passer. Il faut, semble-t-il, un mandat pour écrire ces mots là.
Et ce mandat, si on veut l’avoir, il n’y a probablement qu’une solution : « Présentez-vous la prochaine fois et on en reparle. Ces gens qui commentent depuis le fond de leur canapé sans lever le petit doigt m’amusent ou m’affligent c’est selon… » confie le député.
Mais les choses peuvent se compliquer quand justement on perd une élection. Ça lui est arrivé aux municipales : il a été élu conseiller mais la liste sur laquelle il se présentait s’est retrouvée minoritaire. S’en est suivi une saga qui a amené à la démission du nouveau maire et à l’élection de la candidate soutenue par le député. Rebelote aux élections départementales en juin dernier : il arrive troisième du premier tour sur le canton de Guéret 2 et réagit « J’assume cette défaite. Mais (il y a toujours un « mais » ndlr) au vu du fort taux d’abstention, nous devons réfléchir à plusieurs pistes pour y faire face et revoir notre système électoral. La règle imposant 12,5% pour les élections départementales était justifiée quand il y avait de fortes participations mais elle n’a, aujourd’hui plus aucun sens ». De là à penser qu’avec une majorité d’abstentionnistes, certaines élections n’auraient plus aucun sens, il n’y a qu’un pas …qu’un bon démocrate ne franchit pas.