Agir ? Mais comment ?
Les éoliennes industrielles ? Malgré des oppositions tous azimuths, elles sont de plus en plus nombreuses et se construisent. Les coupes rases forestières se multiplient aux quatre coins du Plateau alors même que fleurit et se développe une contestation de ce mode de gestion forestière. Les bassines de retenue d’eau pour l’agriculture soulèvent une contestation de plus en plus forte au moment même où les conclusions du « Varenne de l’eau » confirment la reprise en main de la gestion de l’eau au profit de l’agriculture intensive. Les associations dont tout le monde vante les bonnes actions durant la crise sanitaire se voient contraintes depuis le 1er janvier 2022, si elles reçoivent des subventions, de signer un « contrat d’engagement républicain » qui les oblige à montrer patte blanche en s’affirmant défenseuses de l’ordre public et des symboles de la République... On entend certaines voix dire que les moyens d’action traditionnels et la négociation avec les pouvoirs publics ne sont plus les réponses adaptées à une situation qui empire et que le temps est venu d’actions plus directes. Le débat n’est pas nouveau, mais l’impuissance génère l’impatience et l’urgence provoque la véhémence. Si on ne nous écoute pas, comment diable se faire entendre ?
Les deux jambes de la Conf’
Thomas Gibert, paysan à Coussac-Bonneval et porte-parole de la Confédération paysanne de la Haute-Vienne, de retour du congrès national de son syndicat qui s’est déroulé l’été dernier, raconte comment cette question a été au cœur de ce congrès : « Cette année, les débats les plus houleux ont tourné autour de la question d’un point spécifique du rapport d’orientation invitant à «ne pas se laisser enfermer dans une logique institutionnelle». L’idée étant de constater qu’au niveau de la lutte, la Conf’ a toujours marché sur deux jambes. La première est le travail institutionnel, la négociation avec le pouvoir. L’autre est l’action directe plutôt issue des modes d’action du syndicalisme révolutionnaire. Le rapport d’orientation suggère que, face à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, nous devons rééquilibrer la balance entre ces deux modes d’actions, une balance qui penchait jusqu’alors plutôt vers le travail institutionnel. Une motion proposant d’oublier totalement la deuxième jambe de l’action directe a largement été rejetée permettant ainsi d’affirmer clairement l’importance de cette stratégie de lutte. » Un rejet qui faisait suite au bilan que les syndicalistes paysans ont fait de leur action depuis plusieurs années : « Ce rejet reposait sur la question de l’efficacité de notre travail syndical qui, ces dernières années, n’a obtenu que de maigres victoires face à l’ampleur de la tâche pour mettre en place notre projet d’agriculture paysanne à grande échelle (…) Cela implique de peser dans le rapport de force face aux institutions et cela ne sera possible que lorsque nous serons pris au sérieux par ces dernières. » La rançon de cette stratégie d’action directe a ses revers. Lorsque le 27 mai dernier 200 paysans et paysannes de la Confédération paysanne se mobilisaient à Paris au siège de Pôle emploi pour interpeller le Président de la République sur les effets néfastes de la future PAC (Politique agricole commune) sur l’emploi paysan, la réponse des pouvoirs publics s’est traduite par un nassage des manifestants et la verbalisation de 75 d’entre eux. « Cette distribution systématique d’amendes, instrumentalisant le contexte d’urgence sanitaire à des fins de répression et d’intimidation syndicale, apparaît comme un moyen de pression financière pour réprimer la contestation syndicale. »1
Les associations sous surveillance
La répression et l’intimidation touchent également des associations qui, de plus en plus souvent, se voient harcelées, contrôlées, poursuivies ou intimidées, alors même que leur action est plébiscitée par une majorité de Français. C’est pourquoi s’est créée en 2019 la Coordination des Libertés associatives qui a mis sur pied un observatoire dont le premier rapport, publié en 2021 sous le titre « Une citoyenneté réprimée », recense et analyse une centaine de cas d’atteinte aux libertés associatives. Un travail de recensement qui se poursuit et dont on peut retrouver les éléments sur le site de la Coordination2. De même, l’obligation nouvelle de devoir signer un « contrat d’engagement républicain » pour recevoir en tant qu’association une subvention publique, un agrément ou accueillir un volontaire en service civique (Cf. IPNS n°74, page 14), s’inscrit dans cette offensive contre la société civile au nom, bien sûr, de « bons principes ». Le Collectif des associations citoyennes qui réclame l’abrogation de ce décret propose des lettres types que les associations contraintes de signer ce contrat peuvent joindre pour expliquer leur désaccord et leur opposition3. Là encore, arrive un moment où la stratégie du dialogue et de la négociation bute sur un mur.
Renouer avec l’action directe
Le mouvement des Soulèvements de la Terre4 initié en 2020 et axé sur la défense de la terre, est un réseau de luttes locales qui veut impulser un mouvement de résistance et de redistribution foncière à large échelle (Cf. IPNS n°75, page 6). Il a mené différentes actions, contre les méga-bassines dans le Niortais, contre la bétonisation en Île-de-France ou contre des firmes comme Bayer Monsanto. Dans des échanges avec la Confédération paysanne, il s’interroge aussi sur les bonnes méthodes d’action. Dans le domaine agricole il note en particulier ce paradoxe : « Nos idées sur le foncier et l’agriculture sont minoritaires dans la profession et majoritaires dans l’opinion publique. » Appelant à « dépasser le modèle stratégique classique de la gauche paysanne » et persuadé qu’un changement de politique « par le haut » est aujourd’hui illusoire, il appelle à « renouer avec l’action directe et la diversité tactique (…) qui a toujours été au cœur des luttes paysannes », autour de plusieurs propositions : occupations de terres, présence et pression des habitants sur les institutions régulatrices (SAFER, Commissions départementales d’orientation agricole...), mais aussi veille foncière et constitution de réserves foncières expérimentales pour une « réforme agraire par le bas ». Autant de modes d’action déjà testés ici ou là mais qu’il s’agirait de généraliser sur l’ensemble du territoire. Pour cela le mouvement propose la création de comités de défense de la terre : « L’idée est d’inscrire le syndicalisme paysan dans un espace de composition plus vaste, une sorte de « syndicat de territoire » à même de peser sur les institutions (…) L’ambition est de créer un espace politique composite qui soit à la fois un comité de défense et une sorte de contre-institution, de contre-pouvoir local. Ces comités de défense de la terre pourraient s’organiser autour de trois piliers : une veille foncière communautaire, un axe activiste et un axe office foncier expérimental. » Une forme qui, chez nous, ressemble un peu à ce que tente de faire depuis trois ans le Syndicat de la Montagne limousine.
Michel Lulek
1 L’Avenir agricole, n°266, page 3 : https://s.42l.fr/CPLimousin
2 L’Observatoire des libertés associatives : https://www.lacoalition.fr
3 Sur le site du CAC : https://s.42l.fr/Lettres
4https://lessoulevementsdelaterre.org
- Agir contre les méga-bassines
Bassines Non Merci, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre appellent à converger, à la veille des échéances électorales, pour exiger l’arrêt des travaux, la mise en place d’un moratoire sur les projets de méga-bassines, et remettre la question des usages de l’eau et des pratiques agricoles au cœur du débat public, les 25-26-27 mars 2022 à la Rochénard (79) : « Un week-end de manifestations populaires, accompagnées de gestes de désobéissance civile, pour mettre un coup d’arrêt aux projets de méga-bassines ; un week-end d’échanges autour de nos usages de l’eau et nos pratiques paysannes pour construire ensemble des manières socialement et écologiquement justes d’habiter les bassins versants ; un week-end pour danser, et danser encore, contre les méga-bassines, l’agro-industrie et son monde. »
Le Syndicat de la Montagne limousine s’associe à ce rassemblement et propose un départ collectif. On peut s’inscrire pour rejoindre ce départ en écrivant à :Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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