Pour ce numéro, IPNS a demandé à ses copains de Mefia Te, le journal de la Basse-Marche, de nous éclairer sur l’éolien. Dans leur coin, le nord de la Haute-Vienne, les projets éoliens sont nombreux. Ils ont creusé le sujet et nous proposent quelques billes pour comprendre de quoi on parle. Merci à eux ! Et si on n’a rien contre le vent (et même contre son utilisation énergétique), c’est bien la dimension industrielle de ces projets, leur nombre et le fait qu’ils émanent de sociétés ou de politiques bien peu locales, qui posent problème...
Les opposants au projet des éoliennes de Nedde l’ont du reste affiché sur leurs panneaux : c’est l’éolien industriel qui est dans leur colimateur ! Porté par la société Aalto Power (rachetée depuis par le groupe Iberdrola), le projet d’une zone de 7 aérogénérateurs de 180 mètres de haut sur la commune fait actuellement l’objet d’une étude de faisabilité confiée à... Iberdrola. « Quel crédit peut-on donner à cette étude commanditée par le promoteur lui-même ? » s’interroge le collectif d’habitants qui s’est constitué contre le projet.
Des projets à la pelle
Il n’y a pas qu’à Nedde que les industriels cherchent à montrer le bout de leur pale. Un nouveau projet pharaonique est en cours d’étude près de Bourganeuf qui implique les communes de Saint-Pierre-Bellevue, Vidaillat, Mansat-la-Courrière, Soubrebost et Faux-Mazuras. À cela s’ajoutent des projets sur des communes voisines comme Saint-Pardoux-Morterolles. La préfecture de la Creuse a autorisé la construction de deux parcs éoliens : le premier à Janaillat et Saint-Dizier-Masbaraud, le second à Thauron et Mansat-la-Courrière. Onze éoliennes devraient y être installées et permettraient d’alimenter en électricité une commune de 50 000 habitants. Le projet était dans les tuyaux depuis plus de quatre ans. D’autres projets ont été autorisés dans le nord ou l’est du département (à Jouillat, Saint-Julien-la-Genête, Tercillat, Nouhant, Verneiges, Boussac-Bourg). Un autre, porté par la communauté de communes de Bourganeuf-Royère, prévoit la construction de six éoliennes de 150 m de haut. La Communauté de Communes, défend le projet en avançant des motifs économiques, fiscaux, écologiques, et même, paradoxalement, touristiques !
Mefia Te
« Méfie-toi ! » comme diraient nos amis de Basse-Marche. Il y a de quoi. Le vendredi 3 décembre une pale de 47 m de long a été retrouvée dans un champ de Saint-Agnant-de-Versillat, près de La Souterraine. En très mauvais état, elle provient d’une éolienne située à une centaine de mètres de là ! De quoi en rester pâle ! La cause est à déterminer. Durant la nuit du 2 au 3 il y a bien eu du vent mais pas énormément. En moyenne 13 à 20 km/h, avec au plus fort de la nuit 53 km/h en rafale. Ce genre d’accident n’est ni rare, ni sans conséquences, comme le rappellent les animateurs du site « éoliennes23 » 1. Ici ou là, la méfiance se manifeste sérieusement. Ainsi, « considérant le nombre exponentiel de projets éoliens sur notre territoire et considérant le lobbying important dont sont l’objet les élus du territoire » la communauté de commune du Pays Sostranien (autour de La Souterraine) a voté à une très large majorité (27 pour, 2 contre) une motion demandant un moratoire de l’installation de parcs éoliens. Dans l’Indre, à Mouhet, juste à la limite de la Creuse vers Azérables, un projet de parc éolien de 4 aérogénérateurs présentant une hauteur maximale en bout de pale de 179,5 mètres, n’a pas été autorisé par la préfecture de l’Indre. Raison : « Le territoire dans lequel s’implante le projet, se caractérise par une identité paysagère forte (…) incompatible avec la mise en place de projets éoliens qui apparaissent surdimensionnés par rapport au relief des paysages et qui dénatureraient le cadre pittoresque et authentique de ce secteur, portant ainsi atteinte à l’attractivité du territoire et au développement d’un tourisme vert. » C’est la préfecture de l’Indre qui le dit ! Idem pour le parc éolien de Lif, sur les communes de Saint-Sulpice-les-Feuilles (87) et Vareilles (23). Les préfètes de Haute-Vienne et Creuse ont dit non d’une seule voix face à « l’enjeu de prégnance de telles éoliennes (…) visibles dans la très grande majorité d’une zone de rayon de 9 kilomètres autour du projet. »
1 « Sûreté et transparence des éoliennes » sur https://eoliennes23.fr
- Quelques données clés
N’importe qui peut trouver sur le web des pages de données chiffrées concernant l’éolien. C’est d’ailleurs une partie du problème : il y a tellement de chiffres qu’on peut leur faire dire tout et leur contraire. Néanmoins, voici quelques éléments mis en avant pour faciliter la compréhension globale du sujet.
CONTEXTE GÉNÉRAL
- Production d’énergie éolienne = 7,9 % de l’énergie produite en France, en nette hausse par rapport à 2019.
- Troisième source d’énergie en France en 2020, derrière le nucléaire (67,1 %) et l’hydraulique (13 %).
- Part de l’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie en France en 2020 : 19,1 % (objectif de 32% d’ici 2030)
- Nombre d’éoliennes en France : environ 8 000
- Quatrième pays d’Europe en termes de puissance éolienne installée (18 Giga Watts) loin derrière l’Allemagne (63 GW), l’Espagne (27 GW) et le Royaume-Uni (24 GW).
FONCTIONNEMENT
- Production annuelle d’une éolienne de 2 MégaWatts = consommation annuelle moyenne de 800 à 1 000 foyers environ
- Problème de la variabilité de la production, le vent n’étant pas constant ! Exemple, en 2020, l’ensemble du parc éolien de France générait une puissance de 13 409 MW le 10 février à 18h ; mais le 24 avril à 11h, faute de vent, c’était seulement 124 MW.
- Nécessité d’adosser l’énergie éolienne à d’autres sources d’énergie, et/ou de développer des solutions de stockage (cf. projet « Ringo » mené notamment à Bellac)
- Distance éolienne - habitations : en France, c’est 500 mètres minimum. C’est 1 000 mètres en Allemagne, et même, en Bavière, dix fois la hauteur de l’éolienne
ÉLÉMENTS FINANCIERS
- Budget d’investissement, exemple du parc de la Basse-Marche : 80 millions d’euros pour 24 éoliennes.
- Coût du MWh et comparaison avec le nucléaire : typiquement, là, c’est la guerre des chiffres entre pro et anti. Les pro-éoliens annoncent un coût d’environ 65 € le MWh pour l’éolien et le comparent au coût annoncé par la Cour des Comptes pour l’électricité produite par la nouvelle centrale nucléaire de Flamanville, soit 110 à 120 € le MWh. De leur côté, les anti-éoliens mettent en avant un coût approximatif de 35 € le MWh pour l’énergie issue de centrales nucléaires déjà en activité, en partie amorties, et à la durée de vie plus longue que les éoliennes. Choisis ton camp camarade !
- Garantie d’achat de l’État: double garantie pour les producteurs d’énergie éolienne, en volume (priorité d’accès au réseau) et en prix, même quand le prix du MWh, sur le marché de gros, tombe parfois à 12 €, comme au printemps 2020.
- Retombées pour les collectivités: 10 000 à 12 000 € par an et par MW pour les collectivités territoriales où s’implante un parc éolien.
- Retombées pour les propriétaires: entre 2 000 et 3 000 € par an et par MW (les éoliennes installées font généralement autour de 2 MW).
FABRICATION ET RECYCLAGE
- Matériaux nécessaires à la construction : acier, fibre de verre ou de carbone, béton (1 500 à 2 500 tonnes nécessaires pour le socle), la majeure partie des composants étant néanmoins recyclable.
- Durée de vie : de 20 à 25 ans .
- Obligation pour les développeurs de provisionner le coût du démantèlement une fois l’exploitation terminée.
- Crainte des anti-éoliens : un scénario comme aux USA, où 14 000 éoliennes sont abandonnées sur pied.
ET EN REGION ?
- En Nouvelle-Aquitaine, environ 700 éoliennes en place, surtout en Poitou-Charentes et dans le nord du Limousin.
- Volonté de la Région de multiplier par 2,5 la capacité de production d’ici 2030.
Source : Méfia Te n° 10