Dans le numéro 3 d’IPNS de 2002, nous abordions déjà la question d’une porcherie industrielle à Domps (87) et de ses épandages. Les industriels en remettent une « couche ». Les projets de porcheries industrielles se multiplient sur le territoire… Verneiges, Tercillat, Nouhant, Jouillat… en Creuse ; Servant, Lapeyrouse, Giat, Durmignat… en Puy-de-Dôme ; Bujaleuf… en Haute-vienne. À quand votre commune ?
Ces derniers temps, la Creuse et les départements limitrophes, Puy-de-Dôme et Haute-Vienne, doivent faire face à une vague d’implantation de porcheries de type industriel, à l’instigation d’une puissante coopérative, la CIRHYO, basée à Montluçon dans l’Allier.
Ce coin de France relativement peu peuplé serait-il devenu la nouvelle terre promise de l’industrie porcine ? De fait, les contraintes réglementaires y sont moins sévères que, disons, en Bretagne, la population âgée tarde à prendre parfaitement conscience des enjeux et les « perturbateurs » honnis par l’industrie, en l’espèce les militants écologistes, ne courent pas les rues. Il est donc urgent d’alerter la population locale sur la menace que fait peser ce type d’élevage sur l’environnement, l’économie, la société et in fine, sur l’humanité toute entière. En espérant que l’éducation populaire débouche sur l’action militante et citoyenne…
Une porcherie industrielle c’est :
- Des animaux maltraités dès leur naissance
- Des odeurs pestilentielles
- De grandes quantités de gaz ammoniac émises dans l’atmosphère
- Des bactéries antibio-résistantes qui contaminent l’air et les sols
- Des virus transmissibles à l’Homme
- Une pollution des eaux par les nitrates et autres résidus nocifs de la production intensive
- Une consommation d’eau potable non prioritaire en période de sécheresse
- Une déforestation massive en Amérique du Sud via l’importation d’aliments
- De la viande de mauvaise qualité
- Des recettes touristiques et des valeurs immobilières en baisse
Si on n’ouvre pas la bouche maintenant, il faudra se boucher le nez plus tard !
A Bujaleuf dans la Haute-Vienne
Réputée pour son lac, Bujaleuf est une commune du Parc naturel régional de Millevaches. « Au cœur du Pays Monts et Barrages en Haute-Vienne (labellisé Pays d’Art et d’Histoire), aux portes de la Montagne limousine et du PNR de Millevaches en Limousin, « entre eaux et forêts », Bujaleuf est une jolie petite commune située à 35 km de Limoges labellisée Station Verte et Station Pêche. Le GAEC Fraysse-Bosredon a un projet d’extension d’un élevage porcin. Il est soumis à la consultation du public. « Le GAEC est assisté par la coopérative CIRHYO pour la mise en œuvre de son projet. », dixit le Cerfa – formulaire de demande d’enregistrement. Le projet, qui porte le nombre d’animaux présents dans l’atelier porc à 3459 (1) (en animaux-équivalents), est associé à l’implantation d’un méthaniseur équipé d’un cogénérateur.
Une logique shadockienne
S’agissant du mégaprojet porcin de Bujaleuf, quelques réflexions sur « l’usine à gaz » (le méthaniseur équipé d’un cogénérateur) dont l’implantation fait partie du programme.
Un cogénérateur, de quoi s’agit-il exactement ? C’est un dispositif qui produit en même temps de l’électricité et de la chaleur à partir d’une même source d’énergie, ici en l’occurrence du « biogaz ».
« Le cogénérateur a une puissance électrique d’injection de 160 KVA, bridé à 124KVA pour l’injection dans le réseau. » ([1] - p.5)*, « La chaleur générée par le cogénérateur, dont la puissance thermique est de 155 kWth, est valorisée en partie pour maintenir en température les digesteurs, mais également pour chauffer les porcheries. Si la chaleur disponible n’est pas consommée par des besoins thermiques, elle est dissipée par des aérothermes. » ([1] - p. 6)*
Autrement dit, une partie du biogaz produit par le méthaniseur sert à réchauffer directement l’atmosphère lorsque les besoins en chauffage des porcheries sont nuls, à l’exception des salles abritant les tout jeunes animaux. Circonstances habituelles pendant une grande partie de l’année, sachant que la moyenne annuelle de température à Bujaleuf est de 10,9°C. Vu l’altitude au site d’implantation (327 m, selon la carte IGN), on n’a évidemment pas affaire à un climat de montagne rigoureux avec un froid qui sévit pendant un hiver long. A la station Météofrance de Limoges-Bellegarde (altitude 402 mètres, distante de 35,5 km à vol d’oiseau), une température record de 17,2°C a été mesurée en janvier 2022. Doit-on invoquer le changement climatique ?
Et quid des périodes de canicule ? « La température du digestat est comprise entre 38°C et 41°C au maximum. » ([1] - p. 5)*. Comment se comportera le méthaniseur lors des pics de chaleur en été, lorsque la température de l’air avoisine les 40°C ? Limoges-Bellegarde a enregistré un record de chaleur de 37,9 °C en juillet 2019.
« Sur l’unité de méthanisation, tous les paramètres du process de méthanisation sont surveillés journalièrement, et en cas de dépassement de valeurs seuils certains génèrent des messages d’alarme envoyés sur les portables des exploitants. En cas d’arrêt du digesteur, les lisiers arrivant dans la pré-fosse peuvent être renvoyés directement dans la fosse à digestat. » ([1] - p. 6)*. Malicieusement, on peut se demander si l’électricité « verte » produite par les panneaux photovoltaïques installés sur les porcheries ([4] - p. 19)* est prévue pour servir à la réfrigération du digesteur, au cas où celui-ci entrerait en surchauffe…
Pour faire face à un éventuel pic de production, des mesures de gestion prévoient le stockage temporaire de biogaz, ou la destruction du biogaz par torchage en cas de dépassement de la capacité de stockage réglementaire, qui doit permettre de stocker au moins 3 heures de production nominale ([1] - p. 31-32)*. « L’équipement qui sera installé est une torchère C-NOX. Elle est dimensionnée pour […] brûler la totalité de la production instantanée du digesteur même en cas d’arrêt total du cogénérateur » ([1] - p. 32)*.
Le système est dimensionné de façon telle que l’exploitant ne devrait pas recenser « plus de trois événements de dépassement de capacité de stockage ayant impliqué l’activation durant plus de 6 heures d’une torchère », « à l’exception des opérations de maintenance et des situations accidentelles liées à l’indisponibilité du réseau de valorisation en sortie d’installation », à savoir le cogénérateur ([1] - p. 32). On ose espérer que la torchère ne sera pas allumée trop souvent, pour la beauté du ciel nocturne2…
« Et les Shadocks pompaient, pompaient… »
En savoir plus : https://noporch23.wordpress.com
L’ * renvoie au dossier ci-dessous, puis au chapitre et à la page : GAEC Fraysse-Bosredon, déc. 2021. PJ complémentaire n°4 – justification du respect de l’arrêté déclaration ICPE rubrique 2781-1. https://www.haute-vienne.gouv.fr/content/download/36614/260121/file/PJ%20compl%C3%A9mentaire%20n%C2%B04%20-%20Analyse%20arr%C3%AAt%C3%A9%20d%C3%A9claration%202781-1%20m%C3%A9thanisation.pdf
1 - AE : Animal-Equivalent. 1 porc à l’engrais = 1 AE, 1 truie = 3 AE, 1 porcelet = 0,2 AE
2 - Journal du Parc naturel régional de Millevaches en Limousin, 2019. « Ecologie – Quand il fait nuit noire... » (article sur la préservation du ciel étoilé, p. 6). https://www.pnr-millevaches.fr/IMG/pdf/pnr-jjuin2019-web1.pdf