Un article paru dans l’hebdomadaire Marianne intitulé « Plateau de Millevaches, chaudron d’ultras », fait une présentation dramatique de notre région où deux populations seraient quasiment en guerre l’une contre l’autre. Natacha Polony, rédactrice en chef de ce journal, parle de son côté d’« endroits où autrui ne pénètre pas », de « territoires perdus de la République », « de différences idéologiques [qui] deviennent des différences géographiques. » Diable !
Marianne n’en est pas à son premier essai. Il y a déjà deux ans, un article consacré à la Creuse et construit sur le seul témoignage de deux hôteliers d’Aubusson parlait du Plateau avec beaucoup de mépris et d’approximations. Il y était question de la « scierie anarchiste » Ambiance bois avec plein d’insinuations totalement infondées : « les mauvaises langues affirment que son modèle économique survit grâce aux subsides de généreux donateurs... » Répéter ce que disent les « mauvaises langues » sans même se renseigner davantage, ça c’est du journalisme... à la Marianne ! Le plateau de Millevaches y était présenté comme « une «réserve d’Indiens» écolo-libertaires » et le pays se voyait déjà affublé de l’épithète d’ « ultra-gauche »...
Approximations
Dans l’article paru en mai 2022, les inexactitudes sont également là : ce n’est pas Bernard Leduc qui a accueilli les futurs repreneurs du Magasin général de Tarnac, mais Jean Plazanet. Pierre Charvot, conseiller municipal de cette même commune, s’appelle en réalité Pierre Chauvot. L’épicerie bar n’est plus celle de Julien Coupat (qui n’habite plus Tarnac depuis 7 ans...). Tarnac est qualifié de « ville » (humour parisien sans doute !). Mais là n’est pas la plus grave approximation. Celle-ci se trouve en toutes lettres dans le chapeau de l’article : « La cohabitation est difficile entre les habitants de longue date et les nouveaux venus ». Ah bon ? Pour appuyer cette affirmation rien de bien solide. Le journaliste se fait très gentiment éconduire au lac Chamet : « Je peux me balader, parler à d’autres gens ? » « Oui vous pouvez » ... Mais les méchants occupants du lieu ont l’outrecuidance de ne pas vouloir parler aux journalistes. Le reporter cite les débats autour de la forêt, comme si on ne pouvait plus débattre, même avec une certaine virulence ! L’auteur rappelle que deux engins forestiers ont été détruits à Saint-Pardoux-Morterolles et à Saint-Junien-la-Brégère, en attribuant implicitement la responsabilité de ces actes aux « nouveaux venus » - sans plus de preuve qu’en son temps faisait Dominique Simoneau, l’ancienne maire de Gentioux...
Enfin, pour paraître objectif, le journaliste rapporte quelques propos attribués au président du Parc naturel régional (« Ils ont peu à peu infiltré les structures municipales jusqu’à apparaître menaçants ») et à l’adjoint au maire de Tarnac : « Tarnac c’est un nom qui est désormais connoté négativement et les médias ne s’intéressent qu’à ce qui ressort du conflit » ; exactement ce que fait Marianne dans cet article superficiel agrémenté d’une photo choc d’un affrontement entre gendarmes et soutiens d’un Soudanais expulsé en 2018... en toute illégalité (voir notre article page 6).
Huile sur le feu
Chacun sait bien, qu’ici comme ailleurs, des frictions peuvent exister entre anciens et nouveaux habitants, comme il en existe du reste entre nouveaux et nouveaux et aussi entre anciens et anciens ! Mais qu’au demeurant, hormis quelques cas particulièrement tendus (à Gentioux sous le règne de Dominique Simoneau ou à Saint-Moreil aujourd’hui) la bienveillance est plutôt la règle. Habitants d’un même territoire, confrontés aux mêmes problèmes, la plupart des habitants et habitantes de la Montagne vivent en réalité en relative bonne harmonie. Monter en épingle quelques conflits, amalgamer des critiques légitimes avec quelques actes délictueux, transformer des crispations en un conflit général entre une catégorie de la population et une autre, est la manière que choisit Marianne pour faire de l’audimat et mettre de l’huile sur le feu... Que ses journalistes ne s’étonnent pas ensuite d’être reçus un peu froidement !
Marianne se place sous cette phrase de Camus : « Le goût de la vérité n’empêche pas de prendre parti ». Avec cet article ce serait plutôt : « Le goût de prendre parti n’empêche pas de prendre des libertés avec la vérité » ... Quant à la conclusion de l’article, elle peut s’appliquer telle quelle à Marianne : « Si vous pensez avoir compris quelque chose au plateau de Millevaches, c’est qu’on vous a mal expliqué. »
Michel Lulek